Le climat change, l’océan se réchauffe et les poissons migrent. Vers les pôles ? Non, pas tous. Ils répondent aux changements climatiques locaux qui dépendent de nombreux facteurs. En se concentrant sur l’échelle locale, une équipe de l’université de Princeton a montré que les poissons migrent en suivant la « vitesse climatique ». Détails sur ce résultat.

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    Le phytoplancton migre vers les pôles, les homards vivent de plus en plus en profondeur... Toute espèce marine tente de s'adapter au changement climatiquechangement climatique. Il est difficile de prédire quand et comment migrent les animaux marins en réponse au réchauffement de l’océan. Cela dépend du comportement de l'océan, mais aussi de l'adaptabilité de l'espèce. Le changement de température dans l'océan n'a rien de linéaire. Il dépend du vent, des courants, de la température moyenne et de la salinitésalinité. Par ailleurs, localement, chaque région de l'océan répond différemment, et donc la faune marine aussi.

    Dans ce contexte, une équipe de l'université Princeton s'est concentrée sur des données locales, et a développé un modèle de prévision beaucoup plus précis. La précision d'un modèle dépend de la maille qu'on lui impose, c'est-à-dire la distance en longitude et en latitude que l'on détermine entre deux points de calcul. À grande échelle, un modèle a un point de maille de l'ordre de la centaine de kilomètres, il est donc ardu pour lui de détecter la variation climatique à petite échelle.

    Le homard (<em>lobster</em> en anglais) du nord-est des États-Unis migre vers le nord selon une vitesse globale de 69,2 km par décennie. © Leah Lewis and D. Richardson, NOAA

    Le homard (lobster en anglais) du nord-est des États-Unis migre vers le nord selon une vitesse globale de 69,2 km par décennie. © Leah Lewis and D. Richardson, NOAA

    Une vitesse climatique bien hétérogène

    Le modèle compile 43 années de données, concernant les déplacements de 128 millions d'animaux de 360 espèces différentes, et ce tout autour de l'Amérique du Nord. Cela concerne autant la crevette, que le homard ou la morue. Les résultats, publiés dans la revue Science Daily, suggèrent que 70 % des animaux ont modifié leur profondeur de vie, et que 74 % se sont déplacés vers le nord. Ces espèces s'adaptent à la vitessevitesse climatique : cette vitesse définit l'intensité et la direction du changement de température suivant la profondeur et la latitude.

    En moyenne, les distributions de température pour l'Amérique du Nord se sont décalés vers le nord de 7,2 km par décennie. Mais évidemment, il existe un fort contrastecontraste suivant les régions considérées. En Terre-Neuve, le rythme a été plus rapide, il atteint 61 km vers le nord (par décennie). Au large de la côte ouest américaine, les températures se sont étendues vers le sud à 48,2 km (par décennie). Tandis que dans le golfe du Mexique, les vitesses variaient de 30 km au sud à 17 km au nord (par décennie).

    Les espèces marines suivent la vitesse climatique

    Chez les animaux, le mouvementmouvement est tout aussi hétérogène. En moyenne, les espèces ont migré vers le nord de 8 km (par décennie). Mais il apparaît que 45 % des espèces nageaient vers le sud. La morue au large de TerreTerre-Neuve a migré de presque 60 km vers le nord (par décennie), tandis que le homard dans le nord-est des États-Unis est allé dans la même direction à une vitesse d'environ 70 km (par décennie). A contrario, la crevette rose, un aliment de base des pêcheries de la côte du Golfe, a migré vers le sud à 65 km par décennie.

    Difficile donc d'établir une tendance globale, et c'est bien là l'intérêt des modèles régionaux. Puisque les poissonspoissons suivent les changements de température et se déplacent suivant la vitesse climatique, il serait très utile que chaque pays côtier ait ce modèle. Cela leur permettrait de suivre l'évolution des stocks de poissons, et d'éviter ou au moins d'anticiper les problèmes que connaissent le Danemark, l'Islande et la Norvège avec les stocks de maquereaux. La « guerre du maquereau » se produira très probablement pour d'autres espèces, car toutes migrent.