Ces derniers mois, l’Europe n’a pas été gâtée par les inondations. Problème : ces crues exceptionnelles pourraient devenir de plus en plus fréquentes. Une étude scientifique estime même qu’elles doubleraient presque dans les 40 prochaines années à l’échelle du Vieux Continent… Pour un coût annuel cinq fois plus important que l’actuel !

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    En juin dernier, l'Europe centrale a été le théâtre d'inondations extrêmes : principalement l'Allemagne, mais aussi l'Autriche, la Croatie, la Hongrie et la République tchèque ont vu leurs fleuves déborder après des précipitations intenses durant quelques jours. Cet hiver, c'est la Bretagne, le centre de l'Italie, le Royaume-Uni et le Var qui se sont retrouvés les pieds dans l'eau. Des événements heureusement exceptionnels... mais qui pourraient être amenés à se banaliser. C'est du moins la conclusion d'une étude novatrice publiée dans Nature Climate Change.

    D'ordinaire, ce genre de recherche s'intéresse à la probabilité qu'un seul bassin hydrographique déborde. L'équipe de Brenden Jongman, affilié à l'université libre d’Amsterdam (Pays-Bas), s'est surtout focalisée sur les corrélations existantes entre les différents bassins versants afin de déterminer, si l'un est en crue, le risque que les autres le soient également.

    En effet, ces événements ne doivent pas forcément être dissociés, car ils demeurent sous la dépendance d'épisodes de précipitations se produisant sur une vaste échelle. Selon ce principe et à partir des données collectées depuis 1990 sur un millier de cours d'eau, les scientifiques ont pu conclure à la similitude des profils constatés entre certains bassins hydrographiques. Par exemple, lorsque le Danube décide de sortir de son lit, l'Elbe, prenant aussi sa source en Allemagne, l'imite souvent, comme cela s'est produit en juin dernier. En revanche, les fleuves français ou britanniques sont, dans ce cas de figure, épargnés, car non soumis aux mêmes événements pluvieux. En revanche, une vaste dépression provenant de l'Atlantique frappe surtout l'Europe de l'Ouest, et y cause des dégâts. On l'a encore vu cet hiver.

    Lorsque d’intenses précipitations tombent en amont d’un cours d’eau, celui-ci voit son niveau monter et parfois, il déborde et sort de son lit, inondant ainsi les alentours. © <em>US Army Corps of Engineers</em>, Wikipédia, DP

    Lorsque d’intenses précipitations tombent en amont d’un cours d’eau, celui-ci voit son niveau monter et parfois, il déborde et sort de son lit, inondant ainsi les alentours. © US Army Corps of Engineers, Wikipédia, DP

    Pour 2050, 60 % d’inondations en plus sont prévues

    Ce premier aspect mis en évidence, les données ont alors été intégrées à différents modèles climatiques prédisant pluviométrie et température à partir d'aujourd'hui jusqu'en 2050, dans le but d'évaluer la fréquence des inondations au cours des décennies à venir. Or, toutes les projections climatiques utilisées concluent à une augmentation des précipitations... et donc des inondationsinondations. Si les crues exceptionnelles se produisent en moyenne tous les 16 ans de nos jours, de tels événements auront lieu tous les 10 ans en 2050 sur le Vieux Continent, d'après les simulations, soit une augmentation de la fréquence de 60 %.

    Jusqu'alors, les études n'étaient pas vraiment parvenues à conclure à une diminution ou une augmentation des inondations dans les décennies à venir. Même les chercheurs ayant élaboré le récent rapport du Giec n'osaient pas une telle prédiction. Cette fois, les auteurs se montrent plus pessimistes.

    Des crues qui porteront un « coût » à l’Europe

    Bien sûr, de tels incidents auront un coût réel pour l'économie. Les scientifiques ont même essayé de l'estimer. Alors que les dépenses annuellesannuelles moyennes pour prévenir et réparer les dégâts ont tourné autour de 4,9 milliards d'euros entre 2000 et 2012, elles dépasseraient 23 milliards en 2050, si les approximations sont correctes. Soit une multiplication par cinq des sommes à verser.

    Faut-il pour autant tout mettre sur le dosdos du réchauffement climatique ? Les auteurs ne le pensent pas. Le changement du climatclimat interviendrait seulement à hauteur d'un tiers de l'augmentation de ce coût. Les deux tiers restants viendraient de la démographie galopante et des besoins de loger les habitants, y compris en construisant des bâtiments dans des zones inondables.

    Ainsi, pour anticiper les catastrophes naturelles qui s'annoncent, Brenden Jongman invite les dirigeants à entreprendre une véritable politique de gestion commune des inondations, afin de régler le problème à l'échelle européenne plutôt que de se focaliser sur un seul pays ou une seule région. Reste à voir si l'Union européenne arrivera à créer un consensus sur cette question-là...