La triste nouvelle est tombée le 23 mars. Claude Lorius, le glaciologue pionnier de la climatologie, est décédé à l’âge de 91 ans. Il avait, pour ainsi dire, découvert le réchauffement climatique anthropique.


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    Claude Lorius avait 91 ans. Il est décédé ce 21 mars 2023. La nouvelle a été rendue publique hier. Claude Lorius n'était pas très connu du grand public bien qu'il était l'un des grands aventuriers de l'exploration polaire. L'un des héros du premier hivernage en Antarctique. C'était en 1957.

    Et l'histoire retiendra malheureusement surtout le nom de Claude Lorius comme celui de l'homme qui a, en quelque sorte, découvert le réchauffement climatique anthropique. Il en avait eu l'intuition très tôt. Dès les années 1970. Il avait alors déjà depuis un bon moment en tête ce à quoi personne avant lui n'avait pensé : que l'airair emprisonné dans des carottes de glace pourrait avoir gardé la mémoire de l'histoire climatique de la Terre. Dans les années 1980, les analyses lui ont donné raison. Sur toute la ligne.

    Le plus bel hommage

    « Le processus est enclenché », annonçait ainsi Claude Lorius dès le tout début des années 1990. Depuis, des centaines, des milliers de scientifiques l'ont constaté. Le dernier rapport de synthèse du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec) - dont le chercheur a été l'un des premiers experts à sa création, en 1988 - publié cette semaine ne peut que le confirmer.

    En 2008, Claude Lorius avait reçu, pour ses travaux, le prestigieux Blue Planet Prize, l'équivalent du prix Nobel de l'environnement. « Un pionnier impressionnant et chaleureux. » « Parmi les plus grands glaciologues du XXe siècle. » « Nous lui devons beaucoup. » « Nous n'oublierons jamais qu'il a été le premier. » « Inspirant. » Depuis hier, les hommages se multiplient. Mais le plus beau que nous puissions lui faire désormais, serait sans doute de limiter enfin nos émissionsémissions de gaz à effet de serre afin de ralentir la marche du réchauffement climatique anthropique et de mettre en péril la vie sur Terre.


    Claude Lorius, l'homme des glaces

    Claude Lorius, glaciologue, spécialiste des milieux polaires, l'Antarctique en particulier, explique comment les glaces autour du pôle Sud ont enregistré les traces des climatsclimats passés. Pionnier de ce domaine, il a montré dès les années 1960 qu'il est possible de connaître la température qui régnait quand la neige est tombée. Plus tard, avec d'autres, il a travaillé sur l'analyse des gazgaz emprisonnés dans la glace. Ecoutez ce grand scientifique raconter cette fantastique histoire.

    Article paru le 16/03/2019

    Image du site Futura Sciences

    Comment peut-on affirmer connaître la température de l'air il y a 10.000 ans ou 100.000 ans ? Des archives existent et cette discipline s'appelle la paléoclimatologie. Les botanistesbotanistes ont leur mot à dire, qui savent reconnaître les graines fossilisées. Les glaciologues aussi, notamment grâce à Claude Lorius.

    Ce grand connaisseur du milieu polaire a participé à 22 campagnes. Au total, il aura passé six années sur le continent antarctique... Son aventure commence en 1955 quand, étudiant, il répond à une proposition d'expédition, inédite : s'installer en Terre Adélie durant un an, avec deux autres personnes sur la base Charcot, en isolement presque total à plusieurs centaines de kilomètres de la côte, tout près du pôle sud magnétique, à 2.400 mètres d'altitude.

    L'équipe réalise des forages et analyse la glace, de plus en plus vieille de la surface au fond. De précieuses informations sont conservées là. Claude Lorius travaillera sur la question de la température et montrera, pour sa thèse de docteur-ès-science en 1963, comment elle affecte la proportion d'isotopes de l'oxygène et de l'hydrogènehydrogène. Il suffit donc de les mesurer dans la carotte. Aujourd'hui encore, on procède de la sorte.

    « La planète devrait sensiblement se réchauffer au cours du 21e siècle »

    Plus tard, chercheur au LGGE (Laboratoire de Glaciologie et Géophysique de l'Environnement, devenu IGEIGE), dont il deviendra directeur, il s'intéresse aux bulles d'air emprisonnées dans la glace. Ces sortes de capsules temporelles ont conservé un peu de l'atmosphèreatmosphère de l'époque où la neige, tassée, s'est transformée en glace. Pour la première fois, il devenait possible de comparer l'évolution de la composition de l'atmosphère à celle du climat. C'est ainsi que les scientifiques ont observé que le taux de gaz carboniquegaz carbonique (CO2) avait brusquement augmenté à partir du 19è siècle en même temps que le climat se réchauffait.

    « La planète devrait sensiblement se réchauffer au cours du 21e siècle, au risque d'affecter les ressources en eau, l'agricultureagriculture, la santé, la biodiversitébiodiversité et, d'une façon générale, les conditions de vie des humains... » écrivait-il en 1987, dans la revue Nature.

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