D’ici la moitié du XXIe siècle, les brise-glaces pourront traverser le pôle Nord en septembre ! Les bateaux non adaptés à la glace pourraient en outre affronter les passages du Nord-Ouest et du Nord-Est. C’est en tout cas ce que suggère l’étude menée par une équipe de l’université de Californie à Los Angeles en réponse à la fonte exceptionnelle de la glace de mer arctique en 2012.

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    Et si d'ici 2040, ce bras de mer de la banquise arctique s'élargissait suffisamment pour laisser passer les bateaux ? Si l'on en croit l'étude menée par l'équipe de l’université de Californie à Los Angeles, cela sera bien possible pour les navires de type Polar Class 6, les brise-glaces les plus communs. © Pôle Nord 2012

    Et si d'ici 2040, ce bras de mer de la banquise arctique s'élargissait suffisamment pour laisser passer les bateaux ? Si l'on en croit l'étude menée par l'équipe de l’université de Californie à Los Angeles, cela sera bien possible pour les navires de type Polar Class 6, les brise-glaces les plus communs. © Pôle Nord 2012

    En septembre 2012, la banquise arctique atteignait son record de fonte. La glace de mer a reculé de 3,41 millions de km2. Cet exceptionnel recul a provoqué une prolifération d’algues sous la glace, entraînant une vie florissante à plus de 4.000 m de profondeur. Il pourrait aussi être en partie responsable des périodes très froides de cet hiver sous nos latitudeslatitudes. Mais d'un point de vue climatologique, la fontefonte spectaculaire de l'Arctique a ranimé la question des routes maritimes passant par le pôle.

    Au pôle Nord, il existe actuellement deux routes maritimes : le passage du Nord-Est qui suit les côtes russes, et le passage du Nord-Ouest qui longe les côtes canadiennes. Aussi appelée route maritime du nord, la voie qui passe près de la Russie n'est actuellement navigable qu'en été. Des brise-glaces tentent tant bien que mal de prolonger le plus longtemps possible cette voie maritime. C'est le chemin le plus court pour aller de l'Europe vers l'Asie. Encore plus souvent fermé, le passage du Nord-Ouest est en outre plus dangereux. Seuls les brise-glaces les mieux équipés s'y aventurent. Théoriquement, ce passage n'est ouvert qu'une fois tous les sept ans !

    Projection des routes maritimes simulées pour les années 2040 à 2059. Les tracés rouges sont les projections des trajets les plus courts que pourront emprunter les brise-glaces les plus communs, du type <em>Polar Class 6. </em>Les tracés bleus indiquent les trajets qui seront les plus rapides pour les bateaux non équipés pour affronter la glace. © Laurence Smith et Scott Stephenson, <em>Pnas</em>, 2013

    Projection des routes maritimes simulées pour les années 2040 à 2059. Les tracés rouges sont les projections des trajets les plus courts que pourront emprunter les brise-glaces les plus communs, du type Polar Class 6. Les tracés bleus indiquent les trajets qui seront les plus rapides pour les bateaux non équipés pour affronter la glace. © Laurence Smith et Scott Stephenson, Pnas, 2013

    Récemment, une équipe de recherche de l'université de Californie à Los Angeles (États-Unis) s'est intéressée à l'évolution future de l'accessibilité des voies maritimes durant le mois de septembre, période durant laquelle la glace est à son minimum d'épaisseur. Leurs résultats, publiés dans les Pnas, sont édifiants : d'ici 30 ans, même les bateaux les plus ordinaires pourraient naviguer sur ces routes. Ils n'auront même plus besoin de brise-glaces pour s'y rendre.

    Le pôle Nord sera vaincu par les brise-glaces dans 30 ans

    Plus surprenant encore, la couverture de glace devrait être si mince que les brise-glaces pourront passer directement par le pôle Nord. Jusqu'à présent, aucune étude n'était allée aussi loin dans les prévisions des routes maritimes. La voie qui passe directement par le pôle Nord est 20 % plus rapide que la route maritime via le passage du Nord-Est. Pour les bateaux qui font le trajet de Rotterdam (Pays-Bas) vers Yokohama (Japon), il est déjà actuellement 40 % plus rapide de passer par le nord que d'emprunter le canal de Suez.

    Pour le légendaire passage du Nord-Ouest, qui offre la voie d'accès la plus courte de l'Asie vers l'est du Canada et la côte est des États-Unis, il sera plus praticable pour les navires de type Polar Class 6 (parmi les brise-glaces les plus communs) et peut-être même les bateaux non équipés. D'après l'étude, en 2050, la glace de mer devrait tellement fondre en septembre que le passage deviendrait accessible tous les deux ans en moyenne. Les prévisions suggèrent toutefois que les passages resteront inaccessibles le reste de l'année.

    Deux scénarios d’émissions de carbone pour un même résultat

    La prévision des routes maritimes du pôle Nord n'est pas nouvelle en soi, mais l'approche de cette étude est quelque peu différente. Ces deux dernières années, la glace a commencé à fondre à la fin de l'été. À tel point que même de simples navires, devancés par des brise-glaces, ont pu traverser les eaux glaciales. En été 2012, 46 voyages ont été effectués par la route maritime du nord. L'équipe de recherche a donc étudié ces routes maritimes émergentes et le taux de fonte des glaces qui les a rendues accessibles.

    Ils ont ensuite analysé le tout dans sept modèles climatiquesmodèles climatiques différents en considérant deux scénarios (RCPRCP 4.5 et RCP 8.5). Le premier scénario prévoit une augmentation de 1,5 °C entre la révolution industrielle et 2100, le second ajoute 3 °C au premier. Pour les deux scénarios, les résultats étaient presque similaires. Toutes les simulations des modèles concordent et prévoient bien l'ouverture du passage du pôle Nord aux brise-glaces autour du mois de septembre. L'enjeu des routes maritimes est colossal, et l'impact économique sera important. Si passer par ces routes ne peut être qu'avantageux pour les bateaux, l'environnement, quant à lui, ne devrait pas apprécier.