A-68 s’est détaché voici plus d’un an de la grande barrière de glace Larsen C. C’est l’un des plus grands icebergs jamais vus. Il a rompu les amarres cet été.

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    Voici un an, au terme d'un long suspense où l'on voyait la grande plateforme glaciaire Larsen C, en Antarctique, se fendre au fil des mois sous le regard du couple de satellites Sentinel-1, un morceau de glace 50 fois plus vaste que Paris ou aussi grand qu'un département comme le Gard, gagnait sa liberté. A-68, l'un des plus grands icebergs jamais observés, venait de se détacher. Né au cœur de la nuit australe - cependant, la nuit et les nuages n'ont pas empêché Sentinel-1 de les espionner, via leurs radars très performants -, ce géant de près de 6.000 kilomètres carrés est en réalité un éclat de la plaque et ne représente au total que quelque 11 % de la plus grande des trois barrières de Larsen.


    Montage des images de Sentinel-1 réalisé par Adrian Luckman (@adrian_luckman), de l’université de Swansea. © Adrian Luckman, ESA, Copernicus 

    L’iceberg géant A-68 part à la dérive

    Puis l'été polaire succéda au long et rude hiver... et naturellement l'hiver revint. Une année est passée, et durant tout ce temps, A-68 n'a pas vraiment quitté son berceau, restant sagement à quelques encablures de la barrière de glacebarrière de glace, retenu qu'il était à l'est, par la banquise, et au nord par des eaux peu profondes. Jusqu'à ce qu'enfin des vents puissants (effet de foehn) le poussent vers le large.

    À présent, cela a l'airair bien parti : l'iceberg géant a rompu les amarres. C'est une longue île blanche, flottante qui dérive désormais dans la mer de Weddell, au gré des courants. Où va-t-elle comme cela ? Va-t-elle se disloquer ? Son périple ne fait que commencer et il reste difficile encore de prédire sa destination. Vers des eaux plus chaudes, sans doute.


    Un iceberg géant vient de se détacher en Antarctique

    Article de Xavier DemeersmanXavier Demeersman publié le 12 juillet 2017

    C'est fait. La fissure qui galopait ces sept derniers mois le long de la plateforme de glaceplateforme de glace Larsen C vient de rejoindre la mer. Un des plus grands icebergs jamais vu vient de naître. Aux premières loges pour l'observer, y compris durant la nuit australe et par mauvais temps : le satellite Sentinel-1. Que va-t-il se passer maintenant que cet iceberg géant s'est décroché ?

    Les responsables du projet Midas — un projet dont l’ambition est d’étudier les effets du réchauffement climatique sur la barrière de glace de Larsen C — ont rappelé ce jeudi que l’Antarctique est l’une des régions qui se réchauffent le plus vite. Sous l’effet du réchauffement climatique, la plateforme glaciaire de Larsen A s’est désintégrée en 1995. Celle de Larsen B en 2002. Quant à celle de Larsen C, elle pourrait aujourd’hui ne plus tenir qu’à un fil. Ici, la fracture qui s'étend à proximité du glacier de Pine Island, photographiée le 4 novembre 2016 lors d'un survol de l'Antarctique ouest dans le cadre du programme de la Nasa, IceBridge. © Nasa, Nathan Kurstz

    Les responsables du projet Midas — un projet dont l’ambition est d’étudier les effets du réchauffement climatique sur la barrière de glace de Larsen C — ont rappelé ce jeudi que l’Antarctique est l’une des régions qui se réchauffent le plus vite. Sous l’effet du réchauffement climatique, la plateforme glaciaire de Larsen A s’est désintégrée en 1995. Celle de Larsen B en 2002. Quant à celle de Larsen C, elle pourrait aujourd’hui ne plus tenir qu’à un fil. Ici, la fracture qui s'étend à proximité du glacier de Pine Island, photographiée le 4 novembre 2016 lors d'un survol de l'Antarctique ouest dans le cadre du programme de la Nasa, IceBridge. © Nasa, Nathan Kurstz

    Le suspense dure depuis plusieurs mois mais l'heure du dénouement est arrivée : la longue fissure dans la plateforme de glace de Larsen C, au nord de l'Antarctique, vient de rejoindre l'océan. C'est donc un des plus grands icebergs jamais observés (de mémoire d'Homme) qui vient de naître ce 12 juillet, sous les yeuxyeux des scientifiques. Alors que la nuit et l'hiver austral règnent sur la région, les images radar du satellite CopernicCopernic Sentinel-1 (ESAESA), indispensables dans ces conditions, témoignent du vêlage d'une pièce de glace grande comme deux fois le Luxembourg.

    « Cet évènement est un épisode spectaculaire dans l'histoire récente des barrières de glace de l'AntarctiqueAntarctique, qui implique des forces au-delà de l'échelle humaine, dans un endroit où peu d'entre nous sont allés, et qui changera fondamentalement la géographie de cette région » écrit dans The Conversation Adrian Luckman, glaciologue à l'université de Swansea, Royaume-Uni, et membre de l'équipe scientifique du projet Midas qui étudie de près la progression de cette fissure. Apparue il y a plusieurs années, elle a beaucoup attiré l'attention des médias et du public depuis début 2017. Son avancée rapide impressionne et, enfin, début juillet, les chercheurs savaient que son destin était scellé. « Nous nous attendions à cela depuis des mois mais la rapidité de la rupture finale a été un peu une surprise, déclare le chercheur à l'ESA. Nous allons continuer à surveiller à la fois l'impact de ce vêlage sur la plateforme de glace Larsen C et le sort de cet énorme iceberg. »

    Le saviez-vous ?

    Le nom de Larsen donné aux plateformes de glace de la péninsule Antarctique fait référence à l’explorateur norvégien Carl Anton Larsen qui, dans les années 1890, fit leur découverte.
    Comme en témoigne cette image radar du satellite Sentinel-1, la fissure dans la plateforme de glace Larsen C est arrivée jusqu’au bout, détachant ainsi un iceberg géant, l’un des plus grands jamais observés. © Copernicus Sentinel data (2017), ESA, CC by-sa 3.0 IGO

    Comme en témoigne cette image radar du satellite Sentinel-1, la fissure dans la plateforme de glace Larsen C est arrivée jusqu’au bout, détachant ainsi un iceberg géant, l’un des plus grands jamais observés. © Copernicus Sentinel data (2017), ESA, CC by-sa 3.0 IGO

    Quel est l’avenir de cet iceberg géant ?

    La superficie du nouvel iceberg est de 6.000 km2, ce qui, en comparaison, équivaut à 50 fois la taille de Paris, ou un département français comme le Gard ou la Savoie. Quant à son poids, les chercheurs l'estiment à plus d'un million de millions de tonnes. Il contiendrait autant d'eau que le lac Ontario, situé à la frontière américano-canadienne. Va-t-il fondre tout de suite et se déverser dans l'océan ? Son avenir est encore difficile à prédire, répondent les chercheurs. Il ne devrait pas partir à la dérive mais plutôt se maintenir dans la région durant plusieurs décennies. Sauf s'il se désintègre..., livrant alors une mosaïque de petits morceaux à la dérive vers les eaux plus chaudes. Ce sont des questions auxquelles les scientifiques cherchent des réponses, surtout dans notre monde qui se réchauffe.

    Son influence restera toutefois imperceptible. Il ne représente que 10 % de Larsen C. Mais cette barrière qui cède morceau par morceau menace la stabilité des glaciersglaciers alentour. En tout cas, « il n'y aura certainement pas d'effondrementeffondrement imminent, sans aucun effet direct sur le niveau de la mer, car l'iceberg est déjà à flot et déplace son propre poids dans l'eau de mer » explique le professeur Luckman. Du moins pas tout de suite. À terme, « compte tenu uniquement des bassins versantsbassins versants de glaciers qui s'écoulent dans Larsen C, le total, même après des décennies, sera probablement inférieur à un centimètre ».

    Une partie des scientifiques, dont Luckman, pensent qu'à moyen terme, le reste de Larsen C, la quatrième plus grande plateforme de glace de l'Antarctique, aura le même sort que celui qu'ont connu Larsen A et B (en 1995 et en 2002), lesquels s'étaient désintégrés assez soudainement. Les satellites sont aux aguets.


    Progression de la faille dans Larsen C depuis un an. Animation créée à partir des images radar de Copernic Sentinel. © Copernicus Sentinel data (2016–17), Swansea University

    Voir aussi

    Titanic : l'iceberg ne serait pas la seule cause du naufrage


    La fissure dans la plateforme de glace se rapproche du bord

    Article de Nathalie MayerNathalie Mayer publié le 6 juin 2017

    Une étendue de glace de près de 50 fois la superficie de Paris est sur le point de se détacher de l'Antarctique. L'un des plus grands icebergs jamais enregistrés pourrait alors se retrouver à voguer sur les flots. De quoi rendre plus vulnérable que jamais la barrière de glace de Larsen C.

    Jeudi 1er juin 2017, par une ironie du sort, alors que Donald Trump annonce le retrait des États-Unis de l'accord de Paris, des chercheurs britanniques de l'université de Swansea révèlent des données satellites montrant un phénomène exceptionnel. La faillefaille gigantesque qui fissure la barrière de glace de Larsen C, à l'ouest de l'Antarctique, s'est allongée de pas moins de 17 kilomètres en seulement 6 jours. Et elle menace désormais de libérer dans l'océan un iceberg géant.

    Le pan de glace en effet n'est plus relié au continent que sur 13 petits kilomètres. Si la crevasse continue à progresser à ce rythme, d'un jour à l'autre, c'est un iceberg de plus de 5.000 km2 de superficie -- et pas moins de 350 m d'épaisseur -- qui se détachera, assurent les scientifiques.

    Ici, une illustration montrant l’évolution de la faille qui fissure la barrière de glace de Larsen C. Au 31 mai 2017, seuls 13 kilomètres la séparaient de l’océan. En haut à droite, une carte du Pays de Galles (<em>Wales</em>), à la même échelle, pour comparaison de taille… © <em>Midas Project</em>, <em>University of Swansea</em>

    Ici, une illustration montrant l’évolution de la faille qui fissure la barrière de glace de Larsen C. Au 31 mai 2017, seuls 13 kilomètres la séparaient de l’océan. En haut à droite, une carte du Pays de Galles (Wales), à la même échelle, pour comparaison de taille… © Midas Project, University of Swansea

    Une menace pour le niveau des eaux

    Rappelons qu'une barrière de glace -- encore appelée plateforme glaciaire -- comme celle de Larsen C est une épaisse étendue de glace flottant sur l'eau. Elle se forme lorsqu'un glacier rejoint la côte et poursuit son extension sur la mer. Et celle de larsen C est la plus septentrionale de l'Antarctique. Émettre un iceberg de cette taille, reviendrait à lui faire perdre un dixième de sa superficie totale.

    En soi, toutefois, pas de quoi menacer le niveau des eaux. Car la glace en question reste accrochée, pour l'instant, au continent. Mais l'énorme barrière de glace de Larsen C retient, quelque sorte, les glaciers du nord de l’Antarctique. Sans elle, et après la désintégration des plaques Larsen A et B, expliquent les chercheurs, la couverture de glace sera moins stable. Si elle venait à disparaître, ces glaciers se retrouveraient exposés à l'océan. Et le monde risquerait alors une montée des eaux de pas moins de 10 centimètres !


    Antarctique : une faille spectaculaire entaille une plateforme glaciaire sur 110 km

    Article de Laurent SaccoLaurent Sacco republié le 06/05/2017

    Les plateformes glaciaires se forment et se brisent régulièrement en Antarctique en créant de grands icebergs tabulaires. Celles issues de la « famille Larsen » sont particulièrement instables en raison du réchauffement climatiqueréchauffement climatique. Récemment, des chercheurs ont repéré sur l'une d'elles une nouvelle fracture longue d'une quinzaine de kilomètres. Mais fin 2016, ils avaient déjà découvert une faille profonde et longue de plus de 110 km. Aujourd'hui, elle n'en mesurerait déjà pas moins de 180 et pourrait donner naissance au plus grand iceberg du monde...

    Article paru le 08/12/2016

    Il y a quelques années, la désintégration de la plateforme glaciaire Larsen B en Antarctique avait déjà fait parler d'elle car elle représentait une illustration frappante de l'effet du réchauffement climatique. Rappelons qu'une plateforme glaciaire, encore appelée barrière de glace, est très généralement une portion d'inlandsisinlandsis qui s'écoule et s'étend sur l'océan en bordure de l'Antarctique, du Groenland et dans l'archipelarchipel arctiquearctique canadien.

    Parfois, il peut s'agir aussi d'une portion de banquise, donc d'eau de mer gelée, recouverte d'une couche de neige compactée. Les plateformes glaciaires sont destinées à subir le vêlage et des icebergs tabulaires s'en détachent donc périodiquement au bout de quelques années ou décennies.


    La dislocation de la barrière glaciaire Larsen B. Pour obtenir une traduction en français assez fidèle, cliquez sur le rectangle blanc en bas à droite. Les sous-titres en anglais devraient alors apparaître. Cliquez ensuite sur l'écrou à droite du rectangle, puis sur « Sous-titres » et enfin sur « Traduire automatiquement ». Choisissez « Français ». © Nasa, JPL

    Une faille de 110 km de long et 530 m de profondeur

    Certaines barrières glaciaires peuvent rester stables durant plusieurs milliers d'années, mais cette persistance est rare. En contact à la fois avec l'océan et l'atmosphèreatmosphère, elles sont particulièrement sensibles aux variations d'un changement climatique auxquelles elles répondent en général assez vite. C'est le cas, depuis une vingtaine d'années, des plateformes glaciaires disparues Larsen A et B. Elles constituent deux des trois segments de la barrière de Larsen associés à trois baies distinctes s'étendant le long de la côte orientale de la péninsulepéninsule Antarctique.

    La faille de Larsen C, une barrière glaciaire en bordure de la péninsule Antarctique, est spectaculaire avec ses 110 km de long et ses 90 m de large. Mais elle n'occupe qu'une petite partie de la calotte polaire. © Nasa

    La faille de Larsen C, une barrière glaciaire en bordure de la péninsule Antarctique, est spectaculaire avec ses 110 km de long et ses 90 m de large. Mais elle n'occupe qu'une petite partie de la calotte polaire. © Nasa

    La NasaNasa observe les barrières glaciaires dans le cadre de la mission IceBridge débutée en 2009. Le 10 novembre 2016, ce suivi a permis de détecter une faille spectaculaire de plus de 110 km de long, 530 m de profondeur et 90 m de large entaillant la plateforme glaciaire Larsen C. À l'échelle du continent Antarctique, dont la taille est d'environ 5.500 km et qui est donc 50 fois plus étendu, ce n'est nullement préoccupant, même si cela traduit une fois de plus la menace que fait peser sur l'Antarctique le réchauffement climatique en cours.

    On doit en tout cas s'attendre dans un futur proche, mais encore indéterminé, à ce qu'un iceberg de la taille d'un département, de l'ordre de celui de la Drôme, se détache de la plateforme Larsen C.