Le vert. C’est la couleur que nous avons l’habitude d’associer à la vie. Mais des chercheurs estiment que dans notre quête de signes de vie extraterrestre, nous devrions être attentifs aussi à d’autres couleurs. Au violet, notamment.


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    Sur notre bonne vieille Terre, les prairies et les forêts produisent l'oxygène indispensable à la vie par photosynthèsephotosynthèse. Et au cœur du processus, les chlorophylleschlorophylles, des molécules qui donnent leur couleur verte aux plantes. Faut-il pour autant penser que le vert serait la seule couleur signe de vie extraterrestre sur une planète ? Pas si sûr, répondent aujourd'hui des chercheurs de l'université Cornell (États-Unis).

    Dans les Monthly Notices of the Royal Astronomical Society, ils racontent comment ils se sont intéressés à des bactériesbactéries qui utilisent un rayonnement infrarouge - et non la lumière visible - pour alimenter la photosynthèse. Des bactéries riches non pas en pigments verts, mais en pigments violets. Des bactéries bien réelles, qui vivent sur Terre et qui sont capables d'y prospérer dans un large éventail de conditions.

    Des bactéries extraterrestres pour colorer les mondes en violet

    Ces bactéries dites violettes sont en réalité jaunes, orange, marron ou encore rouges. Leurs chlorophylles absorbent la lumière infrarougeinfrarouge et ne produisent pas d'oxygène. Les scientifiques racontent ainsi qu'avant que les végétaux se développent sur notre Planète, cette forme de photosynthèse primitive y était probablement très répandue. « Les bactéries violettes prospèrent toujours dans certaines niches sur notre Terre. Alors, imaginez si elles n'étaient pas en compétition avec les plantes vertes », remarquent les auteurs de l'étude. Et c'est ainsi qu'ils envisagent qu'elle pourrait tout particulièrement s'épanouir sur des planètes en orbiteorbite autour d'étoilesétoiles de type naines rougesnaines rouges, plus froides que la nôtre. Un type d'étoiles que l'on trouve beaucoup dans notre Voie lactéeVoie lactée.

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    Un grand pas en avant dans la détection de biosignatures sur d’autres planètes

    Les chercheurs de l'université Cornell expliquent comment ils ont observé les biosignatures intensément colorées de telles bactéries dans une large gamme d'environnements. Des environnements de type Terre gelée ou des environnements océaniques, par exemple. Et selon eux, nous disposons désormais des outils nécessaires pour les détecter sur des planètes lointaines. Comme l'une des plus de 5 500 que les astronomesastronomes ont identifiées dans notre Voie lactée.

    Ces biosignatures pourraient nous apparaître comme autant de « points violets pâles » - en référence au « point bleu pâle », notre Terre telle que photographiée par la sonde Voyager 1Voyager 1 en 1990, l'une des images les plus importantes de l'humanité - auxquels les astronomes n'ont pas forcément l'habitude de prêter attention. Autant d'exoplanètesexoplanètes à étudier de plus près pour déterminer si oui ou non cette couleur est produite par une forme de vie extraterrestre.

    Un catalogue de biosignatures pour ne pas passer à côté de la vie extraterrestre sans la voir

    Plus largement, les chercheurs de l'université Cornell appellent à créer « une base de donnéesbase de données sur les signes de vie ». Une manière de nous assurer que, si « la vie ne ressemble pas exactement à ce que nous rencontrons autour de nous chaque jour », nos instruments ne les manqueront pas lorsqu'ils les capteront. Le travail mené dans le cadre de cette étude est un bon début. Il constitue en effet l'amorce d'un catalogue des couleurs et des signatures chimiques que des organismes vivants pourraient produire dans la lumière d'une étoile réfléchie par une exoplanète.

    Et si vous vous demandez pourquoi mobiliser tant de moyens pour trouver des formes de vie extraterrestre aussi basiques, les spécialistes répondent qu'« il suffirait de découvrir des organismes unicellulaires dans un endroit pour suggérer que la vie est répandue dans notre UniversUnivers ». De quoi, sans aucun doute, révolutionner la façon dont nous envisageons le monde.


    Exobiologie : la vie extraterrestre pourrait être pourpre

    Tous les organismes effectuant de la photosynthèse ne sont pas de couleur verte et certains sont même de couleur pourpre. Selon certains chercheurs, ils pourraient même avoir précédé les alguesalgues vertes sur Terre et constituer l'équivalent de la végétation terrestre mais de couleur pourpre sur des exoterresexoterres.

    Article de Laurent SaccoLaurent Sacco paru le 27/10/2018

    Il nous semble évident que la photosynthèse est associée à la production d'oxygène et à des organismes de couleur verte. En fait ce n'est pas le cas. Il existe des organismes qui tirent bien leur énergieénergie de la photosynthèse, mais sans produire d'oxygène, et font donc ce que l'on appelle de la photosynthèse anoxygénique. On les trouve chez les bactéries photosynthétiques dites vertes (chlorobactéries) et pourpres (rhodobactéries). Si les premières ont bien la même couleur que les plantes, comme leur nom l'indique, ce n'est évidemment pas le cas des secondes. Les cyanobactériescyanobactéries sont bien, elles, photosynthétiques mais pas toujours vertes car il leur arrive de former des biofilms de couleur bleue, comme là aussi leur nom le laisse deviner.

    Une image d'artiste d'une exoterre dans un système d'exoplanètes autour d'une étoile semblable au Soleil. © NASA, Ames, SETI Institute, JPL
    Une image d'artiste d'une exoterre dans un système d'exoplanètes autour d'une étoile semblable au Soleil. © NASA, Ames, SETI Institute, JPL

    Lorsque l'on sait cela, on est mieux préparé pour comprendre pourquoi les exobiologistes sont prudents lorsqu'ils cherchent des biosignatures fiables de l'existence d'une vie ailleurs, même en supposant que celle-ci devrait posséder des points communs avec celle connue sur Terre. Si ce n'est pas le cas, on a de toute façon peu de chance de trouver quelque chose qui serait bien l'équivalent de la vie parce que l'on aurait des biosignatures de ces organismes radicalement différents de ceux étudiés en laboratoire. Nous ne pourrions les reconnaître comme des formes vivantes à distance.

    La chlorophylle, une biosignature ?

    Le fait que les plantes nous apparaissent vertes provient que la chlorophylle est une molécule absorbant la lumière essentiellement autour de deux longueurs d'ondelongueurs d'onde, à savoir 465 nm et 665 nm. Ce qui veut dire que la lumière verte est réfléchie et la lumière rouge absorbée. On constate aussi que la lumière infrarouge est fortement réfléchie, ce qui a donné lieu à la notion de red-edgeedge. Un mot d'origine anglaise, signifiant littéralement bord ou marge rouge, renvoyant à la région de changement rapide de réflectance de la chlorophylle, communément appelée pic de réflectance de la chlorophylle, dans le proche infrarouge.


    Sara Seager nous parle de la recherche de la vie sur les exoplanètes. Pour obtenir une traduction en français assez fidèle, cliquez sur le rectangle blanc en bas à droite. Les sous-titres en anglais devraient alors apparaître. Cliquez ensuite sur l'écrou à droite du rectangle, puis sur « Sous-titres » et enfin sur « Traduire automatiquement ». Choisissez « Français ». © TED Conferences, LLC. All rights reserved.

    L'existence du red-edge est mise à profit pour surveiller par télédétection, depuis l'espace, l'activité végétale. On s'interroge depuis des années sur sa pertinence pour mettre en évidence une couverture végétale importante sur des exoplanètes, proches du Système solaireSystème solaire, qui seraient des exoterres. Carl Sagan et ses collègues ont testé quelque peu ce genre d'idée lorsqu'ils se sont servis des instruments de la sonde GalileoGalileo, en route vers JupiterJupiter, pour tenter de détecter des biosignatures sur Terre. Le concept a été discuté dans une publication de Sara Seager en 2005. De manière générale, il n'est pas évident du tout de trouver des biosignatures, comme nous l'expliquait l'astrophysicien Franck Selsis.

    Une Terre et des exoterres pourpres ?

    Toujours est-il que Shiladitya DasSarma, professeur de biologie moléculairebiologie moléculaire à l'université du Maryland, et Edward Schwieterman, astrobiologiste à l'université de Californie à Riverside viennent de publier dans International Journal of Astrobiology un article disponible sur arXiv dans lequel ils développent une idée dans l'airair depuis quelque temps, celle d'une « Terre pourpre » (purple Earth, en anglais). Idée qui a des implications aussi bien pour l'exobiologieexobiologie et la recherche de biosignatures que pour comprendre l'origine et l'évolution de la vie sur la Terre primitive.

    En effet, on ne sait pas bien comment la vie a fait la découverte de la photosynthèse sur Terre ni comment elle l'a utilisée. Ce qui est sûr, c'est qu'il y a environ 2,4 milliards d'années s'est produit la Grande OxydationGrande Oxydation qui coïnciderait avec une production massive d'oxygène par des organismes photosynthétiques. On soupçonne qu'ils étaient similaires aux cyanobactéries qui construisent encore aujourd'hui des stromatolithesstromatolithes. Stromatolithes, dont on connaît des restes fossilisés datant d'au moins 3,5 milliards d'années.

    Avant la Grande Oxydation, la composition de l'atmosphèreatmosphère de la Terre n'était pas la même et les océans aussi étaient différents, si bien qu'il se pourrait que des bactéries effectuant de la photosynthèse anoxygénique aient précédé les cyanobactéries. Or, les deux chercheurs états-uniens, à l'appui de cette thèse, font remarquer que des bactéries très anciennes, comme l'archéearchée halophilehalophile (Halobacterium salinarum), font de la photosynthèse avec de la bactériorhodopsine. Cette petite protéineprotéine que l'on trouve dans leur membrane est étroitement liée au rétinal, un aldéhydealdéhyde polyinsaturé, capable d'absorber la lumière et qui se lie à des protéines, les opsines, pour constituer la base moléculaire de la vision.

    De fait, le rétinal absorbe la lumière à une longueur d'onde correspondant au maximum du spectrespectre solaire, c'est-à-dire une couleur jaune-verte. Le rétinal étant une molécule plus simple que celle de la chlorophylle, la photosynthèse à base de bactériorhodopsine pourrait donc bien être apparue en premier. Sur Terre, les organismes à base de chlorophylle auraient pris le dessus par la suite mais peut-être en a-t-il été autrement sur certaines exoterres.

    Comme des pigments à base de rétinal absorbent la lumière verte et jaune et réfléchissent ou transmettent la lumière rouge et bleue, la vie basée sur le rétinal apparaîtrait de couleur pourpre et l'équivalent du red-edge serait un green-edge, selon les chercheurs. Alors, va-t-on découvrir des exoterres pourpres et pourra-t-on en déduire qu'elles abritent effectivement des formes de vie ?

    Espérons que nous aurons des réponses à ce sujet au cours de ce siècle...


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    Hommage à Jean-Luc Goudet

    Les plantes extraterrestres ne sont pas bleues

    Article de Jean-luc GoudetJean-luc Goudet publié le 22/04/2007

    Il suffisait d'y penser : pour exploiter l'énergie lumineuse de son étoile, la vie doit récupérer les longueurs d'onde les plus profitables. Ce qui dépend du type d'étoile et de la composition de l'atmosphère. Tout n'est donc pas possible.

    La vie n'est pas bête. Voilà ce qu'ont dû se dire les scientifiques réunis au sein du Virtual Planetary Laboratory, créé par la NasaNasa. Astronomes, biologistes et spécialistes de l'atmosphère ont réfléchi ensemble à la manière dont des organismes végétaux pourraient capter l'énergie lumineuse provenant de leur étoile.

    Pour s'atteler à cette tâche, les chercheurs ont restreint leur investigation à la production de sucressucres par photosynthèse, ce que font tous les organismes terrestres qui vivent de la lumière. Pour en tirer le meilleur profit, les êtres vivants doivent utiliser au mieux le spectre de longueurs d'onde qui parvient sur le sol. Cette manne doit varier énormément d'une planète à l'autre. Elle dépend déjà du type d'étoile. Autour d'une naine rouge par exemple, la lumière rouge et infrarouge sera bien sûr abondante. Autour d'une étoile de très grande massemasse, la quantité de lumière sera peut-être très élevée. La qualité et la quantité de la luminositéluminosité dépendent aussi de l'atmosphère, par exemple de la présence ou non d'ozoneozone qui arrête les ultravioletsultraviolets.

    La bonne couleur pour la meilleure énergie

    Sous la houlette de Nancy Kiang, biométéorologiste à la la Nasa (Goddard Institute for Space Studies), l'équipe a introduit tous ces paramètres dans un modèle pour déterminer quelles sont les couleurs les plus efficaces pour les pigments de la photosynthèse. Que dit-il pour la Terre ? Que les plantes ont une bonne chance d'être vertes... Nous recevons en effet beaucoup de lumière rouge du SoleilSoleil, ainsi que du vert et un peu de bleu. Il vaut donc mieux absorber le rouge que le vert. Quant au bleu, il est moins présent mais plus énergétique (car de longueur d'onde plus faible). Les plantes terrestres ont donc logiquement choisi d'absorber le bleu et le rouge. « Et comme cela leur suffit, elles n'absorbent pas le vert et le réfléchissent. » résume Nancy Kiang. Rappelons-nous en effet que les plantes ont la couleur correspondant aux longueurs d'onde que, justement, elles n'utilisent pas.

    Nourri avec des données sur les émissionsémissions lumineuses de différentes catégories d'étoiles, ce modèle a donné une liste de couleurs plausibles pour des organismes photosynthétiques qui chercheraient, comme nos plantes, à récupérer le maximum d'énergie, à moins qu'il n'y en ait vraiment de trop comme autour d'une étoile géanteétoile géante.

    Près d'une naine rouge, qui émet dans les grandes longueurs d'onde et dont la puissance lumineuse est plutôt faible, les plantes auraient grand intérêt à être noires, pour absorber le maximum d'énergie. Si cette étoile émet beaucoup d'infrarouge, alors sans doute y aura-t-il des feuilles grises. Mais on pourra aussi trouver des végétaux violets qui chercheraient le rouge voire un peu de jaune.

    Tout sauf bleu

    Autour d'une étoile plus chaude que le Soleil, l'équipe de Nancy Kiang verrait bien des plantes blanches, pour limiter l'énergie reçue. Mais des feuilles vertes, jaunes, orange et rouges conviendraient aussi.

    Bien sûr, la nature de l'atmosphère intervient de manière capitale. Par exemple, si les UV ne sont pas arrêtés, la vie aurait bien du mal à se maintenir en surface. Mais des organismes photosynthétiques pourraient vivre sous neuf mètres d'eau à condition que l'étoile soit plus froide que notre Soleil. Les végétaux pourraient alors capter suffisamment de photonsphotons tout en restant protégés des UV par la couche d'eau.

    Mais partout, expliquent ces chercheurs, il est vraisemblable que la vie cherche à utiliser la lumière bleuelumière bleue, la plus énergétique. Les végétaux seraient alors de n'importe quelle couleur, sauf le bleu. Voilà pourquoi, si l'on veut détecter quelque part la signature d'une vie de type terrestre, mieux éviter de chercher le bleu...