Les plantes ne sont pas toutes vertes. Les scientifiques étudient depuis quelques années celles qui sortent de terre comme d’étranges pousses que l’on croirait plus mortes que vivantes. Pas d’inquiétude, sur le sol des forêts asiatiques, ces plantes à l’allure spectrale s’épanouissent parfaitement bien grâce à un tour de passe-passe.


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    Ce qui vient spontanément à l'esprit à l'évocation d'une plante est un organisme, vert, utilisant la photosynthèse pour produire ses propres composés organiques à partir de matièrematière inorganique. C'est effectivement le cas pour la plupart d'entre elles, et elles sont ainsi un maillon indispensable de la chaîne alimentaire. Mais certaines ont adopté une stratégie bien moins altruiste et peu commune chez les végétaux : le parasitisme. Une nouvelle espèce de ces rares spécimens a été décrite dans une étude parue dans le Journal of Plant Research, dont le premier auteur est l'écologue Kenji Suetsugu de l'Université de Kobe.

    Comparaison entre <em>Monotropastrum humile </em> (en bas) et la nouvelle espèce <em>M. kirishimense</em> (en haut). Cette dernière se distingue aisément de l'autre par ses pétales et sépales roses. Les flèches indiquent les sépales qui éclosent. Les barres d'échelle font 3 cm. © Masayuki Sato (a), Katsumi Iwahori (b), Shuichi Kurogi (c), Shin Terui (d), Kazushige Uemori (e), Kenji Suetsugu (f)
    Comparaison entre Monotropastrum humile (en bas) et la nouvelle espèce M. kirishimense (en haut). Cette dernière se distingue aisément de l'autre par ses pétales et sépales roses. Les flèches indiquent les sépales qui éclosent. Les barres d'échelle font 3 cm. © Masayuki Sato (a), Katsumi Iwahori (b), Shuichi Kurogi (c), Shin Terui (d), Kazushige Uemori (e), Kenji Suetsugu (f)

    La plante discrète se pare de rose

    Les plantes du genre Monotropastrum, de taille réduite, sont mycohétérotrophes. Les organismes hétérotropheshétérotrophes absorbent des composés organiques déjà existants. Notre plante n'a donc pas besoin de chlorophylle et n'en produit pas, ce qui explique sa couleurcouleur blanche. Elle puise ses ressources dans un vaste réseau d'échanges formé d'une myriademyriade de structures symbiotiques, les mycorhizes.

    Cette toile issue de racines d'arbresarbres et de mycélium de champignonschampignons entrelacés s'étend dans le sol, particulièrement celui des forêts, et constitue un moyen d'échanger nutrimentsnutriments, signaux chimiques et eau. Monotropastrum kirishimense se connecte à ce tissu afin d'y prélever les nutriments fournis par un champignon sans rien donner en retour.

    Cette nouvelle espèce se distingue de M. humile par ses pétalespétales et sépalessépales roses, la morphologiemorphologie de ses racines et le champignon qu'elle parasiteparasite. Les deux espèces ne fleurissent également pas au même moment de l'année, ce qui empêche le bourdon qui les pollinise toutes les deux de créer de l'hybridationhybridation.  

    Le spécimen qui a servi à décrire la nouvelle espèce, <em>Monotropastrum kirishimense</em>. Le système racinaire (e et f) est extrêmement spécifique, les flèches indiquent le bout des racines qui sortent à peine de la structure. Les barres d'échelles font 3 cm (a-c), 1 cm (d-e) et 5 mm (f). © Kenji Suetsugu
    Le spécimen qui a servi à décrire la nouvelle espèce, Monotropastrum kirishimense. Le système racinaire (e et f) est extrêmement spécifique, les flèches indiquent le bout des racines qui sortent à peine de la structure. Les barres d'échelles font 3 cm (a-c), 1 cm (d-e) et 5 mm (f). © Kenji Suetsugu

    Comme beaucoup de parasites, M. kirishimense ne pourrait survivre sans l'hôte qu'elle pille de ses ressources, sans chlorophylle ni système racinaire adapté. Comme tant d'espèces dépendantes de la santé des forêts primaires, la famille de cette plante si particulière est en danger d'extinction.