Les leçons du passé sont parfois sans concession. Et celle que les chercheurs viennent d’apprendre d’une extinction de masse qui s’est jouée il y a plus de 250 millions d’années est on ne peut plus claire. Détruire la biodiversité au rythme où nous le faisons actuellement mènera à un effondrement total des écosystèmes.

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À plusieurs reprises dans son histoire, notre Terre a connu des épisodes d’extinction de masse. Lorsqu’une météorite a frappé notre Planète, il y a quelque 66 millions d’années, effaçant les dinosaures de la surface de la Terre par exemple. Mais l’extinction la plus importante s’est produite il y a environ 252 millions d’années. Elle est connue sous le nom d’extinction Permien-Trias. Les scientifiques s’accordent sur ses causes — une forte activité volcanique suivie d’un pic de dioxyde de carbone (CO2). Mais, jusque-là, ils ne comprenaient toujours pas bien comment cette extinction et l’effondrement biologique qui a suivi se sont déroulés.

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Dans l’espoir d’en apprendre plus, une équipe internationale de chercheurs a analysé les écosystèmes marins avant, pendant et après cet épisode d’extinction de masse. Les résultats de ces travaux révèlent que la perte de biodiversité pourrait être le signe avant-coureur d’un effondrement écologique plus dévastateur. Une conclusion pour le moins préoccupante compte tenu du taux de perte d’espèces que nous connaissons aujourd’hui. Il dépasse en effet celui qui a été observé lors de l’extinction de masse Permien-Trias.

Les chercheurs ont travaillé sur des fossiles du sud de la Chine, une région qui correspondait alors à une mer peu profonde. Une région riche en fossiles qui peuvent être datés très précisément. Ce que les chercheurs ont fait, c'est qu'ils ont classé les espèces dans des groupes exploitant les ressources de manière similaire. De quoi analyser les relations proie-prédateur et déterminer les fonctions remplies par chacun.

La redondance, secret de l’équilibre des écosystèmes

« Malgré la perte de plus de la moitié des espèces de la Terre au cours de la première phase de l’extinction, les écosystèmes sont restés relativement stables », rapporte Yuangeng Huang, chercheur à l’Université des géosciences de Chine, dans un communiqué de l’Académie des sciences de Californie (États-Unis). Les interactions entre les espèces n’ont diminué que légèrement dans la première phase de l’extinction. Elles ont en revanche chuté de manière significative dans la deuxième phase, provoquant la déstabilisation des écosystèmes. « Les écosystèmes ont été poussés à un point de basculement dont ils ne pouvaient pas se remettre », poursuit Huang.

Les chercheurs expliquent le phénomène par une analogie économique. Lorsque plusieurs entreprises proposent le même service, la disparition de l’une d’entre elles ne met pas en péril l’économie dans son ensemble. Puisque les autres prennent le relais. De même dans un écosystème, une certaine redondance fonctionnelle permet à des espèces de prendre le relais d’espèces éteintes. Au cours de la première phase de l’extinction de masse Permien-Trias, c’est principalement la redondance fonctionnelle qui a diminué. Mais il restait suffisamment d’espèces pour remplir les fonctions essentielles à la survie des écosystèmes. Lorsque des perturbations environnementales (réchauffement climatique et acidification des océans) se sont ajoutées à cela, les écosystèmes ont finalement manqué de cette résistance renforcée, ce qui a conduit à un effondrement écologique brutal.

De quoi alerter sur la nécessité de prendre en compte le besoin de redondance fonctionnelle dans nos stratégies de conservation. « Nous perdons actuellement des espèces à un rythme plus rapide que lors de tous les événements d’extinction passés de la Terre. Il est probable que nous soyons dans la première phase d’une autre extinction de masse plus grave, conclut Huang. Nous ne pouvons pas prédire le point de basculement vers un effondrement total, mais il se produira inévitablement si nous n’inversons pas la perte de biodiversité ».