Alors que nous cherchons désespérément des traces de vie sur d’autres planètes, on estime qu’il reste entre 83 % et 87 % des espèces encore à découvrir sur Terre. Une nouvelle étude a examiné les endroits où il serait le plus probable de les rencontrer.


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    Si l'on s'alarme avec raison de la disparition rapide des espèces, une vaste partie du vivant reste encore inconnue à ce jour. Les scientifiques ont répertorié près de deux millions d'espèces, mais on estime leur nombre total entre 3 à 100 millions. Un chiffre assez incroyable alors que l'on pensait avoir exploré le moindre recoin de notre Planète.

    Mario Moura et Walter Jetz, deux biologistes de l'université de Yale, ont entrepris de cartographier ces endroits de la planète les plus susceptibles d'accueillir ces espèces inconnues. Ils ont pour cela compilé des données de 32.000 vertébrés terrestres connus, comprenant leur emplacement, leur aire de répartition géographique, les dates de découverte historique et d'autres caractéristiques environnementales et biologiques (taille corporelle, température, densité humaine...). Ils ont ensuite élaboré un modèle extrapolant où et quels types d'espèces parmi les quatre principaux groupes de vertébrés ont les plus grandes chances d'être encore identifiés.

    Potentiel d’espèces restant à découvrir pour chacun des groupes de vertébrés analysés. © Mario Moura et Walter Jetz, Nat Ecol Evol (2021)
    Potentiel d’espèces restant à découvrir pour chacun des groupes de vertébrés analysés. © Mario Moura et Walter Jetz, Nat Ecol Evol (2021)

    Wanted : amphibiens et reptiles

    « Les chances d'être découverte et décrite ne sont pas égales entre les espèces, explique Mario Moura. Par exemple, l'émeu, un grand oiseau en Australie, a été découvert en 1790 peu après le début des descriptions taxonomiques des espèces. À l'inverse, la petite espèce de grenouille Brachycephalus guarani n'a été découverte au Brésil qu'en 2012, ce qui suggère qu'il reste encore plus d'amphibiens de ce type à trouver. »

    De manière générale, les grands animaux ayant une large aire de répartition géographique dans les zones peuplées sont plus susceptibles d'avoir déjà été découverts. « Les nouvelles découvertes de ces espèces seront probablement rares à l'avenir », reconnaît Mario Moura. Les petits animaux ayant une aire de répartition limitée et vivant dans des régions plus inaccessibles sont au contraire plus susceptibles d'avoir échappé aux radars jusqu'à présent. Un autre facteur plus étonnant entre aussi en compte : le nombre de taxonomistes qui les recherchent. Les mammifèresmammifères et les oiseaux semblent ainsi privilégiés par les scientifiques, tandis que les amphibiens et les reptilesreptiles sont notoirement délaissés.

    Carte des endroits les plus susceptibles d’accueillir des animaux inconnus (a). Potentiel de découverte de chaque pays selon le type d’espèces (b). © Mario Moura et Walter Jetz, <em>Nat Ecol Evol</em> (2021)
    Carte des endroits les plus susceptibles d’accueillir des animaux inconnus (a). Potentiel de découverte de chaque pays selon le type d’espèces (b). © Mario Moura et Walter Jetz, Nat Ecol Evol (2021)

    Nouvelles espèces : cherchez du côté du Brésil

    Contrairement à l'intuition, les endroits ayant la plus forte probabilité d'accueillir des espèces inconnues sont ceux où la biodiversitébiodiversité est déjà la plus riche. Les forêts tropicales humides sont notamment connues pour être de véritables niches écologiques. Les pays comme le Brésil, l'Indonésie, Madagascar et la Colombie pourraient ainsi héberger à eux seuls un quart de toutes les découvertes potentielles. Les espèces non identifiées d'amphibiens sont, elles, plus susceptibles d'être découvertes dans les régions néotropicales et les forêts indo-malaisiennes, tandis que les reptiles pourraient se trouver dans les régions plus arides comme en Australie, en Iran ou Argentine. Quant aux mammifères, ils pourraient se cacher à Madagascar, où des points chaudspoints chauds de biodiversité ont récemment été décrits.

    Voir aussi

    La carte des découvertes potentielles à consulter en ligne

    Pourquoi il faut connaître la biodiversité avant qu’elle ne disparaisse

    L'étude, parue dans la revue Nature Ecology & Evolution, présente des limites notoires dans la mesure où elle se concentre uniquement sur quatre groupes de vertébrés. Les insectes, dont on sait qu'ils constituent la très grande majorité du monde animal, n'ont par exemple pas été pris en compte. Mario Moura et Walter Jetz prévoient donc d'étendre leur carte de la vie inconnue aux espèces végétales, marines et invertébrées dans les années à venir, en collaboration avec des partenaires dans le monde entier.

    « Il est primordial de mieux connaître la biodiversité avant qu'elle ne disparaisse », préviennent les auteurs. Certaines espèces peuvent en effet nous apporter des bénéfices écologiques ou économiques insoupçonnés (par exemple pour découvrir de nouveaux médicaments et fournir de la nourriture) mais peuvent aussi constituer une menace potentielle de maladies ou comme espèce invasive.


    8,7 millions d'espèces sur Terre, encore beaucoup à découvrir...

    Article de Bruno Scala publié le 25/08/2011

    Une équipe scientifique internationale vient d'évaluer la richesse spécifique (c'est-à-dire le nombre d'espèces) de notre planète, affinant les estimations réalisées jusqu'à présent. Environ 8,7 millions d'espèces peupleraient la TerreTerre. La grande majorité d'entre elles n'ont pas encore été décrites, ni même découvertes.

    Combien d'espèces y a-t-il sur notre planète ? Question difficile à laquelle on ne peut évidemment pas répondre en se contentant de compter le nombre d'espèces que les scientifiques ont décrites jusqu'à présent. On découvre de nouvelles espèces très régulièrement (environ 6.200 par an) et il y a de fortes chances pour que ça continue comme cela un long moment.

    Le travail de l'équipe internationale menée par Camilo Mora (université d’Hawaï) a consisté à évaluer le nombre d'espèces encore inconnues en l'extrapolant à partir du nombre de celles déjà décrites. Grâce à cette modélisationmodélisation, ils sont donc parvenus à estimer la richesse spécifique de notre planète.

    Jusqu'à présent, les estimations, globalement réalisées sur la base de la conviction des taxonomistes, prévoyaient une richesse comprise entre 3 et 100 millions d'espèces. D'autres estimations n'avaient concerné que quelques groupes importants (les oiseaux, les mammifères, etc.) et certaines d'entre elles étaient fondées sur des méthodes de calcul très controversées.

    8,7 millions d’espèces

    Dans l'étude publiée sur le site de la revue Plos Biology, le modèle repose sur plusieurs paramètres. Les scientifiques se sont appuyés sur les taxonstaxons les plus connus (oiseaux, mammifères, etc.) à partir desquels ils ont pu extrapoler un nombre d'espèces par taxon. La fréquence de découverte de nouvelles espèces ces dernières années a également été prise en compte. Ces calculs ont permis aux chercheurs d'établir une nouvelle estimation : il y aurait 8,7 millions d'espèces eucaryoteseucaryotes (et quelques milliers de procaryotesprocaryotes), parmi lesquelles 6,5 millions sont terrestres tandis que les autres - 2,2 millions - sont aquatiques. Une marge d'erreur de plus ou moins 1,3 million a également été établie.

    Effectifs des différents règnes et les estimations effectuées par les scientifiques (ainsi que les marges d'erreur) pour l'ensemble des milieux et pour le milieu marin. © Mora <em>et al.</em>, 2011 - <em>Plos Biology</em>
    Effectifs des différents règnes et les estimations effectuées par les scientifiques (ainsi que les marges d'erreur) pour l'ensemble des milieux et pour le milieu marin. © Mora et al., 2011 - Plos Biology

    Sur ce total, 7,77 millions sont des espèces animales (dont 953.434 ont été décrites) et 298.000 sont des plantes (215.644 décrites) selon le recensement de l'étude. On trouve ensuite 611.000 champignons, 36.400 protozoaires et 27.500 algues (voir tableau ci-dessus).

    Les limites de l’estimation

    Si l'estimation est pour l'heure la plus robuste comparée à toutes celles qui ont préalablement été effectuées, il n'en reste pas moins qu'elle souffre de quelques points faibles. D'abord, qu'est-ce qu'une espèce ? Si la réponse paraît assez évidente concernant les organismes dont la reproduction est sexuée - les organismes de la même espèce peuvent se reproduire et donner naissance à une progéniture féconde, selon la définition de Ersnt Mayr, quoiqu'il existe des exceptions - elle l'est beaucoup moins concernant les organismes asexuésasexués.

    Comme la méthode de calcul se fonde sur une extrapolation du nombre d'espèces par taxon (genre, famille, embranchementembranchement, etc.), une augmentation de la quantité de taxons viendrait perturber cette estimation. Enfin les calculs des scientifiques prennent en compte l'ensemble des taxons et des espèces qui ont été répertoriés dans le passé. La fréquence des nouvelles descriptions dépend évidemment de la quantité d'espèces qu'il reste à découvrir (moins il y en a, plus il est difficile de les trouver), mais elle dépend aussi de l'effort scientifique destiné à la taxonomietaxonomie. Et ce facteur n'est pas incorporé dans les calculs présentés par Camilo Mora et ses collègues.

    En outre, si les nombre d'espèces au sein des taxons les plus connus - comme les mammifères - n'est pas exact (erreur de classification ou espèces pas encore découvertes), l'estimation serait également mise à mal.

    Selon les calculs des auteurs, il faudrait 1.200 ans et environ 303.000 taxonomistes pour décrire les espèces encore inconnues. L'opération coûterait dans les 252 milliards d'euros. Quant aux paléontologuespaléontologues, ils ont encore un bel avenir devant eux puisqu'avec l'augmentation du taux d’extinction des espèces, certaines d'entre elles ne seront jamais décrites avant leur extinction.

     

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