Des bactéries trouvées dans des sédiments marins, vieux de 101 millions d’années, ont été « ravivées », commençant à se nourrir et à se reproduire, comme si de rien n’était, après leur longue hibernation. Il pourrait ainsi s’agir de la plus ancienne forme de vie jamais découverte sur Terre.


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    Elles ont vu les dinosaures et les premières fourmis. Des bactériesbactéries, vieilles de 100 millions d'années, ont été ressuscitées par des scientifiques de l'agence japonaise de Sciences et Technologies sous-marines (Jamstec pour Japan Agency for Marine-Earth Science and Technology), qui ont réussi à les faire se nourrir et se reproduire dans leur laboratoire. Les bactéries en question ont été récoltées dans le gyre tropical du Pacifique Sud, une zone située au sud de l'équateur entre l'Amérique du Sud et l'Australie. Cette zone est réputée être « l’endroit le plus mort de l’océan », dépourvu de nutrimentsnutriments et de toute poussière continentale. C'est ici, enfouis dans une épaisse couche de 75 mètres de sédiments, âgés de 13 à 101,5 millions d'années et à plus de 6.000 mètres de profondeur, que les scientifiques ont découvert des traces de bactéries lors d'une expédition en 2010.

    Les échantillons ont été récoltés dans le gyre tropical du Pacifique Sud, sous une couche de 75 mètres de sédiments à 6.000 mètres de profondeur. © Yuki Morono et al, <em>Nature Communications</em>, 2020
    Les échantillons ont été récoltés dans le gyre tropical du Pacifique Sud, sous une couche de 75 mètres de sédiments à 6.000 mètres de profondeur. © Yuki Morono et al, Nature Communications, 2020

    99 % des bactéries ranimées

    Les chercheurs ont mis leurs échantillons en incubation, en les nourrissant de nutriments riches en carbonecarbone et en azoteazote. Au bout de 10 semaines, ils ont constaté que des isotopesisotopes de carbone et d'azote été apparus à l'intérieur des microbesmicrobes, indiquant qu'ils avaient commencé à se nourrir comme des bactéries normales. « C'était incroyable : 99,1 % des microbes avaient survécu et ont pu être réanimés », commente Yuki Morono, l'auteur principal de l'étude parue dans la revue Nature Communications. D'autant plus remarquable que ces sédiments font partie de ceux qui contiennent le moins de nutriments au monde. Or, les bactéries, même en vivant au ralenti, ont besoin d'un minimum d'énergieénergie pour assurer leur métabolismemétabolisme.

    Maintenant, nous savons qu'il n'y a pas de limite d'âge pour les organismes dans les fonds marins

    Les scientifiques pensent qu'une très petite quantité d'oxygène a pu pénétrer dans la couche de sédiments, justement car cet écosystèmeécosystème profond est dépourvu d'activité microbienne normale qui consomme l'oxygène disponible. « Les bactéries sous-marines consomment des millions de fois moins d'énergie que leurs homologues de surface, explique Yuki Morono. Maintenant, nous savons qu'il n'y a pas de limite d'âge pour les organismes dans les fonds marins ».

    Le saviez-vous ?

    En 2000, une équipe avait prétendu avoir ressuscité une bactérie âgée de 250 millions d’années et enclavée dans des sels de cristaux sous forme de spore, mais des doutes avaient émergé sur le fait que les sels de cristaux aient pu être contaminés par des bactéries plus récentes.

    Les bactéries, championnes de la survie

    Certaines bactéries sont connues pour survivre à des environnements particulièrement hostiles, comme des milieux acidesacides, dépourvus d'oxygène ou soumis à des températures et des radiations intenses. Elles peuvent par exemple stocker du carbone dans leurs cellules, recyclerrecycler l'énergie à partir d'azote ou même « respirer » du métal ou de l’hydrogène. Mais c'est la première fois que l'on découvre qu'elles peuvent survivre aussi longtemps pratiquement sans énergie ni oxygène.

    Si l'on peut dater relativement aisément les sédiments, il est cependant difficile d'estimer l'âge exact des microbes. Malgré les conditions extrêmes, certaines bactéries ont pu se multiplier, ce qui veut dire que celles qu'ont trouvées les chercheurs sont issues de leur descendance et sont donc plus récentes. Mais, étant donné l'extrême pénurie en énergie, c'est assez peu portable dans ce cas.