En Antarctique, les glaciologues remarquent que de plus en plus de gros icebergs se détachent des plateformes de glace. Et ils ont peut-être trouvé une explication au phénomène dans l’amincissement de la couche de neige fondante qui, traditionnellement, avait plutôt tendance à combler les failles dans la glace. Un nouvel effet du réchauffement climatique.


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    Plus de 5.500 km2 et quelque 230 mètres d'épaisseur en moyenne. Ce sont les caractéristiques folles de l'iceberg connu sous le nom de A-68. Il s'était détaché de l'Antarctique, de la plateforme de glace Larsen C, en juillet 2017. Puis il avait dérivé dans l'océan avant de disparaître finalement en avril 2021.

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    Les chercheurs expliquent généralement ce type de vêlage par le phénomène d'hydrofracture. Des bassins de fontefonte en surface permettent à de l'eau de s'infiltrer dans les fissures formées dans la glace. Jusqu'à briser le glacier pour former un iceberg. « Mais cette théorie n'était pas satisfaisante dans le cas de l'iceberg A-68 qui s'est détaché de la banquise au beau milieu de l'hiverhiver antarctique, alors même qu'aucun bassin de fonte n'avait été signalé », souligne Éric Rignot, chercheur, dans un communiqué.

    C'est pourquoi des glaciologues de l’université de Californie (États-Unis) ont voulu comprendre la dynamique d'un tel vêlage massif. Grâce à un modèle de calotte glaciaire et de niveau de la mer et à des données satellites notamment, les chercheurs ont d'abord sélectionné une dizaine de faillesfailles sur la plateforme Larsen C parmi les plus vulnérables à la rupture. Puis, ils leur ont appliqué trois scénarios pour déterminer lequel était le susceptible de mener à des vêlages massifs : un amincissement de la plateforme de glaceplateforme de glace en elle-même, un amincissement de la couche de mélange neige fondante, débris d'iceberg et eau de mer gelée ou les deux combinés.

    Des morceaux de banquise, de la neige soufflée par le vent et de l’eau de mer gelée. C’est ce mélange fondant qui traditionnellement comble les failles qui se creusent dans la glace de l’Antarctique. Mais avec le réchauffement climatique, ce mélange s’amincit et perd non seulement en efficacité, mais aide même à former des icebergs toujours plus grands. © Beck, Nasa, Opération IceBridge
    Des morceaux de banquise, de la neige soufflée par le vent et de l’eau de mer gelée. C’est ce mélange fondant qui traditionnellement comble les failles qui se creusent dans la glace de l’Antarctique. Mais avec le réchauffement climatique, ce mélange s’amincit et perd non seulement en efficacité, mais aide même à former des icebergs toujours plus grands. © Beck, Nasa, Opération IceBridge

    Vers une fonte des glaces plus rapide et plus étendue ?

    Selon eux, l'amincissement de la couche de mélange neige fondante, débris d'iceberg et eau de mer gelée est crucial dans le déclenchement du phénomène. Leur modèle montre qu'un tel amincissement entraîne en effet un élargissement des failles creusées dans la glace d'un taux annuel moyen de 76 à 112 mètres.

    En temps normal, cette couche de mélange dont parlent les chercheurs aide au contraire à combler les failles qui apparaissent dans la glace. Mais avec le réchauffement de l'atmosphèreatmosphère au-dessus de l'Antarctique, la qualité de ce mélange à tendance à se détériorer. Il ne parvient plus à remplir ses fonctions primaires. Même au cours de l'hiver austral, il est perturbé par les eaux chaudes qui coulent sous les plateformes de glace.

    un nouvel effet du réchauffement climatique

    « C'est une autre façon dont le réchauffement climatique peut provoquer un retrait rapide de la glace dans l'Antarctique, commente Eric Rignot. Nous allons peut-être devoir repenser nos estimations sur le moment et l'étendue de l'élévation du niveau de la mer due à la perte de la glace polaire ». Autrement dit, cette perte de glace pourrait bien survenir plus tôt et de manière plus massive que l'imaginaient les glaciologues jusqu'alors.