L'Antarctique, c'est, de loin, la source potentielle d'élévation du niveau de la mer la plus importante. De la stabilité de la calotte glaciaire déprendra l'avenir de grandes villes côtières telles que Hambourg, New York ou Tokyo. Alors des chercheurs ont voulu évaluer avec précision comment et quand l'Antarctique réagira à l'augmentation des températures due au réchauffement climatique. Leur conclusion : la glace que nous perdons dans la région est perdue à jamais !
L'Antarctique, c'est plus de la moitié de l'eau douce de la Terre retenue prisonnière dans une vaste calotte de glace de près de cinq kilomètres d'épaisseur. Depuis le milieu des années 1990, sous l'effet du réchauffement climatique, cette calotte a perdu près de quatre milliards de tonnes de glace. Une fonte qui va en s'accélérant. Et si le continent tout entier devait disparaître, le niveau de la mer s'élèverait de pas moins de... 58 mètres !
Pour mieux comprendre comment un tel effondrement pourrait se produire, des scientifiques de l’Institut de recherche sur les effets du changement climatique de Potsdam (Allemagne) ont simulé, de manière très détaillée, l'impact dans le temps et dans l'espace d'une hausse des températures sur la glace antarctique. Ils en ont déduit une série de points de non-retour, des niveaux critiques de réchauffement à partir desquels certaines parties de la calotte glaciaire antarctique deviendraient instables.
Le saviez-vous ?
Le climat impacte la calotte glaciaire antarctique. Mais la fonte de cette calotte aura aussi des impacts importants sur le climat mondial. C’est la conclusion d’une récente étude menée par des chercheurs de l’université du Massachusetts (États-Unis). Ainsi le déversement en masse d’une eau douce froide dans l’océan pourrait ralentir considérablement le rythme du réchauffement climatique. Bonne nouvelle ? Pas vraiment. Car alors, le fond de l’océan se réchaufferait, accélérant la fonte de la calotte par le dessous Celle-ci pourrait alors devenir instable et provoquer une brutale élévation du niveau de la mer.
Les travaux des chercheurs allemands tiennent compte de différents effets de rétroaction, tant positifs que négatifs. Par exemple, le fait que lorsque les sommets des calottes glaciaires fondent, leur altitude diminue, laissant à l'air la possibilité de se réchauffer. Un phénomène qui accélère la fonte. Mais des températures atmosphériques plus chaudes permettent également à plus d'eau de mer de s'évaporer, ajoutant de l'humidité à l'air et augmentant ainsi les chutes de neige. De quoi ralentir la fonte de l'Antarctique.
L’animation montre l’évolution modélisée à long terme de la calotte glaciaire antarctique sous des températures en constante augmentation. © Institut de recherche sur les effets du changement climatique de Potsdam, YouTube
Fonte de l’Antarctique et élévation du niveau de la mer
En dessous de +1°C de réchauffement -- la température de référence étant toujours celle de la moyenne de la période préindustrielle --, justement, les chutes de neige permettent à la masse de glace antarctique d'augmenter légèrement. En revanche, après environ +2°C de réchauffement -- l'objectif que se sont fixé les signataires de l'Accord de Paris --, l'inlandsis de l'Antarctique occidental devient instable. Les eaux chaudes en provenance de l'océan poussent à son effondrement. Le niveau de la mer augmente alors de 2,5 mètres.
À partir de +6 °C de réchauffement, la surface de la glace a suffisamment baissé pour accélérer encore un peu plus la fonte. Ce sont les glaciers de l'est de l'Antarctique qui disparaissent. Entre +6 et +9 °C de réchauffement, plus de 70 % de la masse totale de glace est perdue. De quoi élever le niveau de la mer de plus de 40 mètres.
Hambourg, Tokyo et New York sous la menace
Et selon les travaux des chercheurs allemands, pour reconstituer la calotte glaciaire de l'Antarctique occidental, il faudrait que les températures globales sur Terre baissent à -1 °C en dessous de celles de l'époque préindustrielle. « L'Antarctique existe depuis environ 34 millions d'années. Nos simulations montrent qu'une fois fondu, il ne reviendra pas à son état initial sauf dans un scénario hautement improbable où les températures chutent littéralement, commente Anders Levermann, chercheur à de l'Institut de recherche sur les effets du changement climatique de Potsdam dans un communiqué. En d'autres termes : ce que nous perdons de l'Antarctique maintenant est perdu pour toujours ! ».
Mais le sort de l'Antarctique reste entre nos mains. « En brûlant du charbon et du pétrole, nous déterminons à quelle allure les seuils de température critiques que nous avons définis seront franchis. Et même si la perte de glace se produit sur des échelles de temps longues, les niveaux respectifs de dioxyde de carbone (CO2) peuvent déjà être atteints dans un proche avenir. Cette étude montre vraiment l'importance de respecter l'Accord de Paris sur le climat : maintenir le réchauffement climatique en dessous de 2°C , conclut le chercheur. Si nous abandonnons l'Accord de Paris, nous abandonnons Hambourg, Tokyo et New York ! »