Des conditions météo dantesques. Une mer hostile. Un froid piquant. L’Antarctique n’a pas pour habitude de s’offrir au premier venu. Il se mérite. Mais lorsqu’il se dévoile enfin, il le fait sans plus aucune retenue. C’est l’histoire merveilleuse que nous raconte aujourd’hui le photographe Greg Lecoeur. L’histoire d’une aventure humaine au contact de la nature dont témoigne joliment son dernier livre, Antarctica.


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    L'Antarctique, le continent blanc. Une surface égale à quelque 26 fois celle de la France métropolitaine. Presque entièrement recouverte de glace. AristoteAristote en rêvait déjà dans l'Antiquité. Mais il n'a été découvert qu'il y a à peine plus de 200 ans. Et à la fin du XIXe siècle, son exploration faisait figure de dernier grand défi pour les scientifiques et les navigateursnavigateurs du monde entier.

    Son rêve d'Antarctique, Greg Lecoeur, le photographe originaire de Nice qui s'est spécialisé au fil des années dans la prise de vue sous-marine, vient tout juste de le réaliser. Et à l'occasion de la parution de son livre Antarctica, il nous raconte cette aventure humaine hors du commun.

    C’est à bord d’un voilier de quinze mètres que Greg Lecoeur et ses compagnons ont embarqué pour une formidable expédition en Antarctique. © Greg Lecoeur, Tous droits réservés
    C’est à bord d’un voilier de quinze mètres que Greg Lecoeur et ses compagnons ont embarqué pour une formidable expédition en Antarctique. © Greg Lecoeur, Tous droits réservés

    Des conditions météo dantesques

    Elle commence dans la difficulté. Celle d'atteindre la péninsule antarctique à la voile. « Nous avions choisi la voile pour limiter l'impact environnemental de notre expédition. » La porteporte d'entrée, c'est la ville d'Ushuaïa à l'extrême sud de l'Argentine. « Puis, il faut naviguer le long du canal du Beagle. » Avec en ligne de mire, le mythique et très redouté Cap Horn. « Mais avant de pouvoir s'engager dans le passage de DrakeDrake, il faut attendre une fenêtrefenêtre météométéo "favorable". Or avec le changement climatiquechangement climatique, la météo dans la région devient de plus en plus imprévisible. » Il a donc fallu aux membres de l'équipage s'armer tout autant de courage que de patience. « Nous avons même dû faire demi-tour pour trouver refuge dans l'archipel des Wollaston », nous confie Greg LecoeurGreg Lecoeur.

    L’aventure n’en est devenue que plus belle

    Finalement, trois longues semaines et cinq jours de navigation en haute mer ont été nécessaires au photographe et ses compagnons de route pour atteindre enfin la péninsule antarctique. « Les vents, les vagues, les grains, le froid. Nous avons vécu des moments compliqués face aux éléments, à sept sur un bateau de quinze mètres. Mais l'aventure n'en est devenue que plus belle », assure Greg Lecoeur.

    Le ballet de manchots papous dans les eaux froides de l’océan Austral. © Greg Lecoeur, Tous droits réservés
    Le ballet de manchots papous dans les eaux froides de l’océan Austral. © Greg Lecoeur, Tous droits réservés

    L’Antarctique, un autre monde

    Au bout de la difficulté, un autre monde. L'Antarctique. « En un clin d'œilœil, la pureté des lieux vous fait oublier toutes les galères des jours passés. » Le photographe n'a alors plus qu'une seule hâte : aller enfin à la rencontre des animaux qui vivent dans ces conditions hostiles. Et plus encore, du léopard de mer, l'un des plus grands prédateurs de la planète.

    Pendant les douze jours passés sur place, l'équipe est plus chanceuse. Elle profite d'une météo calme et des températures « plutôt clémentes » de l'été austral. Comprenez, des températures proches de zéro, « qui peuvent devenir positives en journée, au soleilsoleil ».

    Pour mouillage, l'équipage choisit une baie abritée, à proximité d'une colonie de manchots. « Le spectacle était incroyable. Les icebergs dérivaient devant nous, au gré des courants, transportant avec eux une riche biodiversitébiodiversité. Des phoques, des léopardsléopards, des manchots. » Mais l'objectif de Greg Lecoeur et de ses compagnons, c'est bien de plonger le long de ces icebergs. Pour approcher ces animaux au plus près. Partager un moment de vie avec eux. Éprouver dans leur chair, la fragilité de cet écosystèmeécosystème.

    « Pour cela, il faut s'équiper. De combinaisons pas toujours très maniables. Sur un petit bateau. Dans le froid. Avec des extrémités qui restent exposées. » La nature se mérite. Et à en croire les photos ramenées par l'expédition, les efforts ont payé. L'humilité et la sincérité des plongeurs ont été récompensées. « Nous avons été gâtés », reconnaît volontiers lui-même Greg Lecoeur.

    En couverture du livre <em>Antarctica</em>, une photo souvenir du <em>« plus beau souvenir »</em> de Greg Lecoeur. © Greg Lecoeur, Tous droits réservés
    En couverture du livre Antarctica, une photo souvenir du « plus beau souvenir » de Greg Lecoeur. © Greg Lecoeur, Tous droits réservés

    La nature en maîtresse des lieux

    « Nous avions planifié et imaginé tout un tas de choses. Mais la nature est reine. C'est aussi ce que j'aime dans ce métier de photographe. Au final, c'est la nature qui décide. Elle nous réserve toujours des instants magiques. » C'est elle qui choisit ce qu'elle va offrir à ceux qui savent saisir les opportunités. « Mon plus beau souvenir, c'est notre rencontre avec une colonie de phoques crabiersphoques crabiers - une espèceespèce pourtant des plus courantes. Un moment merveilleux - que l'on retrouve d'ailleurs en couverture du livre, Antarctica. En principe, ces phoques sont plutôt timides et craintifs. Ce jour-là, ils nous ont offert un ballet dans les anfractuosités d'un iceberg. Comme s'ils voulaient jouer à cache-cache avec nous. »

    Le saviez-vous ?

    Avant de partir pour une telle expédition, Greg Lecoeur aime s’intéresser aux comportements et aux spécificités des animaux qu’il s’apprête à rencontrer. Pour « les comprendre et les trouver », d’abord. Puis mieux les documenter une fois sur place. « Le phoque crabier, par exemple, s’est réellement adapté à son environnement. Il présente une dentition particulière qui lui permet de filtrer l’eau et de recueillir le krill dont il va se nourrir. La photo animalière, c’est une manière de raconter ce genre d’histoires. Sans mots. Juste par l’image. C’est un métier passionnant. »

    Les léopards de merléopards de mer, eux, se sont d'abord montrés fuyants. « Avant de partir, nous avons eu droit à un moment magique. » Deux léopards sont venus au contact des plongeurs. « Ils ont mauvaise réputation. Ce sont des prédateurs. Ils sont impressionnants. Mais la curiosité a pris le dessus. » Une rencontre finalement tout en douceur. Sans le moindre signe d'agressivité.

    Un phoque crabier s’offrant à l’objectif de Greg Lecoeur. © Greg Lecoeur, Tous droits réservés
    Un phoque crabier s’offrant à l’objectif de Greg Lecoeur. © Greg Lecoeur, Tous droits réservés

    Le réchauffement climatique jusqu’en Antarctique

    « L'Antarctique, c'est un endroit très spécial », commente Greg Lecoeur en guise de conclusion. « Un endroit vierge. L'airair y est pur. Les seuls bruits que l'on entend, ce sont les craquements des icebergs. Ou ceux des manchots et des otaries. » C'est aussi pour cela que le photographe rêvait d'y aller. Pour témoigner, très simplement, des effets, sur place, du changement climatique. « Nous avions choisi les dates de notre expédition en fonction de la nidification des manchots. Celle-ci se fait à terreterre et lorsque les poussins commencent à barboter dans les eaux, les léopards de mer les prennent en chasse. C'est ce que nous voulions documenter. Mais ce cycle de vie est aujourd'hui décalé dans le temps. Lorsque nous avons dû quitter l'Antarctique, les manchots étaient tout juste sur le point de se mettre à l'eau. »

    Aujourd'hui, Greg Lecoeur est déjà reparti vers d'autres cieux. Avec, à venir, d'autres photos. Toujours au service de la nature et de sa beauté. Sans aucun doute tout aussi envoûtantes que celles présentées dans Antarctica. Mais, ce sera une autre histoire...