Des nématodes trouvés dans des échantillons de pergélisol prélevés en Sibérie ont été ramenés à la vie. Ils pourraient avoir quelque 46 000 ans. Et ils auraient survécu au froid en mobilisant les mêmes techniques que les vers ronds d’aujourd’hui.


au sommaire


    Il y a désormais cinq ans de cela, des chercheurs annonçaient avoir ramené à la vie deux vers ronds emprisonnés à 40 mètres de profondeur dans le pergélisol de Sibérie (Russie). Depuis plusieurs dizaines de milliers d'années. Quelque 42 000 ans, pour l'un des deux au moins. Étonnant. Même pour des nématodes, un embranchementembranchement connu pour être particulièrement résistant aux conditions extrêmes. Alors, pour comprendre comment ils avaient pu se réveiller après une si longue période de congélation, des biologistes de l’Institut Max Planck (Allemagne) les ont étudiés de très près.

    Les biologistes signalent d'abord que l'une des espèces trouvées dans le pergélisol de Sibérie correspond à une nouvelle espèce de nématode. Comme ils ont été découverts dans les échantillons ramenés de la rivière Kolyma, ils ont baptisé cette nouvelle espèce de vers ronds, Panagrolaimus kolymaensis.

    Un ver rond ressuscité après 46 000 ans dans le permafrost ?

    Les chercheurs avancent ensuite que le vers rond dont l'âge avait été estimé à 42 000 ans a en fait quelques milliers d'années de plus. Sur la base d'une datation des matièresmatières végétales trouvées dans les échantillons, ils portent son âge à pas moins de 46 000 ans. Une datation que les biologistes assurent extrêmement précise et fiable. Et elle n'est pas remise en question par leurs collègues. La végétation prise dans le pergélisol ramené de Sibérie aurait bien près de 50 000 ans. Mais certains chercheurs continuent à douter que ce soit aussi l'âge du nématode. Cela en ferait un exemple stupéfiant de cryptobiosecryptobiose. Comprenez de la capacité d'un organisme à suspendre son métabolismemétabolisme en attendant que ses conditions de vie s'améliorent.

    Le saviez-vous ?

    Jusqu’ici, la plus longue cryptobiose avait été observée chez un nématode de l’Antarctique nommé Plectus murrayi qui avait passé 25,5 ans en dormance dans de la mousse et chez un spécimen de Tylenchus polyhypnus, desséché dans un herbier pendant pas moins de 39 ans.

    C'est pourquoi certains chercheurs pensent toujours qu'il s'agit d'un cas de contaminationcontamination des échantillons par des vers ronds bien moins âgés. Même si, les biologistes de l'Institut Max PlanckMax Planck confirment qu'ils ont pu, au laboratoire, forcer l'entrée et la sortie de l'état de cryptobiose chez ces nématodes. Et ce jusqu'à des températures descendant jusqu'à quelque -80 °C. D'autres chercheurs leur opposent que les conditions dans lesquelles cela a pu être réalisé -- un léger séchage préalable suivi d'une congélation brutale -- sont loin d'être naturelles.

    C’est sur les rives de la rivière Kolyma, en Sibérie, que les chercheurs ont trouvé ces vers ronds aux capacités exceptionnelles. © Victoria, Adobe Stock
    C’est sur les rives de la rivière Kolyma, en Sibérie, que les chercheurs ont trouvé ces vers ronds aux capacités exceptionnelles. © Victoria, Adobe Stock

    Pour revenir à la vie, les vers ronds utilisent un stratagème ancien

    Les travaux réalisés en parallèle par les chercheurs de l'Institut Max Planck sur la génétique de ces étonnants vers ronds sont peut-être finalement les plus intéressants. Ils ont pu être réalisé parce que ces nématodes peuvent se reproduire sans mâles, par parthénogenèse. Et c'est ce que les vers ronds ressuscités ont fait. Ce qui a permis aux biologistes d'obtenir suffisamment de matière pour analyses.

    Des analyses génétiquesgénétiques qui ont permis aux biologistes de démontrer que des gènesgènes déjà identifiés chez Caenorhabditis elegansCaenorhabditis elegans -- un nématode modèle utilisé dans les laboratoires du monde entier -- comme lié à la capacité de cryptobiose sont aussi présents chez Panagrolaimus kolymaensis. Comme si le « kit de survie » imaginé par les vers ronds n'avait pas évolué en 46 000 ans. Sauf à transformer, chez certaines espèces, une capacité de dormance brève en possibilité, pour quelques individus au moins, de mettre leur métabolisme en pause pour des temps presque géologiques...


    Sibérie : des vers ressuscitent du sol gelé après 42.000 ans

    Des nématodes emprisonnés dans la glace ont été ramenés à la vie après plus de 40.000 ans. Un record mondial qui atteste des capacités exceptionnelles de survie de cet étonnant animal.

    Article de Céline DeluzarcheCéline Deluzarche paru le 05/08/2018

    Les nématodes peuvent être décongelés après plusieurs dizaines de milliers d’années. © Scot Nelson, Flickr
    Les nématodes peuvent être décongelés après plusieurs dizaines de milliers d’années. © Scot Nelson, Flickr

    S'ils pouvaient parler, ils nous raconteraient la naissance d'Homo erectus, la vie des mammouthsmammouths laineux et la dernière grande glaciationglaciation européenne. Une équipe de chercheurs russes en collaboration avec l'université de Princeton (États-Unis) viennent de ramener à la vie deux nématodes emprisonnés dans la glace depuis plus de 40.000 ans, soit la fin de l'époque PléistocènePléistocène. À ce jour, ces deux vers sont donc les animaux vivants les plus âgés sur TerreTerre

    Leur découverte, publiée dans la revue Doklady Biological Sciences, provient de deux échantillons de glace, l'un prélevé à 30 mètres de profondeur sous le permafrostpermafrost des rives du fleuve Kolyma, au nord-est de la Sibérie et estimé à 32.000 ans, l'autre issu des bords de l'Alazeya (aussi en Sibérie), à 3,5 mètres de profondeur et daté de 41.700 ans (à plus ou moins 1.400 ans près).

    Ramenés à la vie après 42.000 ans emprisonnés dans la glace

    Après avoir ramené ces échantillons dans leur laboratoire moscovite, les chercheurs les ont décongelés et y ont trouvé plus de 300 nématodes, dont deux « montraient des signes de viabilité » ont expliqué des chercheurs. Il s'agit de deux vers de genre Panagrolaimus et Plectus. Ils ont alors essayé de les ramener à la vie en les plaçant dans une boîte de Petri à 20 °C avec de l'agar-agar (gélifiant tiré d'une alguealgue) et des bactériesbactéries E. coliE. coli comme nourriture.

    Les nématodes ont été retrouvés dans des dépôts de permafrost datant du Pléistocène. © Shatilovich, A. V., Tchesunov, A. V., Neretina, T.V. <em>et al.</em>, <em>Dokl Biol Sci</em>
    Les nématodes ont été retrouvés dans des dépôts de permafrost datant du Pléistocène. © Shatilovich, A. V., Tchesunov, A. V., Neretina, T.V. et al.Dokl Biol Sci

    Bien qu'une contamination ne puisse être totalement écartée, les chercheurs assurent avoir respecté une procédure de stérilisation très stricte. Il est également exclu que des vers se soient introduits ultérieurement dans le sol. « Les nématodes ne sont pas connus pour creuser si profondément dans le pergélisol, la décongélation saisonnière étant limitée à 80 centimètres de profondeur et la décongélation maximale n'ayant jamais dépassé 1,5 mètre de rondeur en 100.000 ans à cet endroit », affirment les chercheurs.

    Congélation, températures extrêmes, irradiations, vide spatial… Ils survivent à tout

    Les nématodes avaient déjà, par le passé, montré des capacités de résistance exceptionnelles. En 1946, des scientifiques avaient réussi à ramener à la vie des nématodes dans des échantillons végétaux vieux de 39 ans. Des tardigradestardigrades ont eux aussi résisté à un séjour de 30 ans dans la glace à -30 °C. Ils sont également capables de végéter plusieurs dizaines d'années en l'absence d'eau, de tolérer des températures allant de -200 °C à +151 °C, de survivre dans le vide spatial ou à des doses de radiations mille fois plus fortes que nous. Les nématodes et les tardigrades partagent en effet des gènes à l'origine de protéinesprotéines qui maintiennent la structure des cellules lorsque celles-ci sont vidées de leur eau.

    Mais personne ne soupçonnait jusqu'ici que la duréedurée de conservation soit aussi longue. « Notre découverte montre la capacité d'organismes multicellulaires à survivre à une cryoconservation de plusieurs milliers d'années », s'enthousiasment les chercheurs. Selon eux, les mécanismes de survivance de ces nématodes pourraient ouvrir la voie à des recherches sur la cryogénisation humaine. Cela vous dirait une petite hibernation pour voir à quoi ressemblera la planète dans 42.000 ans ?