« Bêtes de science », c’est comme un recueil d’histoires. De belles histoires qui racontent le vivant dans toute sa fraîcheur. Mais aussi dans toute sa complexité. Une parenthèse pour s’émerveiller des trésors du monde. Pour ce nouvel épisode, partons à la rencontre d’un poisson hors du commun : le labre nettoyeur.


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    Il est bleu, blanc et... noir. Il mesure en moyenne une dizaine de centimètres de long. Et dans la vie de tous les jours, il se fait appeler le labre nettoyeur commun. Parce qu'il aime nettoyer ses compagnons de nage des ectoparasites qu'ils portent sur eux. En réalité, ce n'est pas tellement qu'il aime ça. C'est qu'il n'a pas d'autre choix. Il est ce que les experts appellent un « nettoyeur obligatoire ». Comprenez que, pour survivre, il est obligé de nettoyer les autres poissons.

    Le labre nettoyeur commun, c'est un poisson tropical. On le trouve surtout du côté de la Grande Barrière de corail. Dans la mer Rouge aussi. Ou encore dans les mers indonésiennes. Là, il est capable de nettoyer plus de 2.000 poissons par jour. Et malheureusement pour lui, certains de ses « clients » le confondent parfois avec des poissons de la famille des blennies qui leur ressemblent beaucoup. L'ennui, c'est que ces poissons-là ne sont pas de gentils nettoyeurs, mais des arracheurs de peau, de nageoires et d'écailles. Si vous voyez ce que je veux dire...

    Définitivement un drôle de poisson, ce labre nettoyeur commun. Parce qu'il nait femelle et qu'en grandissant, il change de sexe pour devenir mâle. De l'hermaphrodismehermaphrodisme successif de type protogyne, disent les scientifiques. Mais aussi, et peut-être surtout, parce qu'il a été le premier des poissons à réussir le test du miroirmiroir.

    Des labres nettoyeurs communs en pleine action sur un poisson-hérisson tacheté. © Hans Gert Broeder, Adobe Stock
    Des labres nettoyeurs communs en pleine action sur un poisson-hérisson tacheté. © Hans Gert Broeder, Adobe Stock

    Le test du miroir réussi par un poisson ?

    Le test du miroir, rappelons-le, a été imaginé dans les années 1970 par un psychologue américain, Gordon Gallup. Son objectif : déterminer quelles espècesespèces sont douées d'une conscience d'elles-mêmes. Le test est simple. À première vue. Faites une tache colorée sur le front d'un animal et placez-le ensuite devant un miroir. Si l'animal réagit en voulant, par exemple, enlever cette tache de son front, c'est qu'il comprend que l'image qu'il a face à lui correspond à sa propre image. Parmi les animaux qui ont réussi ce test : l'éléphant d’Asie, le cochon, le gorillegorille ou encore le dauphin.

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    Concernant le labre nettoyeur commun, des chercheurs ont observé cet étonnant comportement il y a quelques années déjà. Des poissons dansant devant les miroirs qui tapissaient les parois de leur aquarium. Et qui, une fois la tache colorée apposée sur leur gorge, passaient beaucoup de temps à observer lesdits miroirs. Voire essayaient d'effacer les taches en se raclant plusieurs fois la gorge. Parce qu'ils les confondaient simplement avec les ectoparasites qu'ils aiment récupérer sur le dosdos de leurs copains poissons, ont alors raillé certains scientifiques.

    De nouvelles preuves

    Alors les chercheurs ont poursuivi leurs travaux pour confirmer -- ou infirmer -- leur hypothèse. Ils ont d'abord placé des labres nettoyeurs communs dans deux aquariums adjacents. Ils ont ensuite marqué leur gorge. Et aucun ne s'est gratté en réponse. De quoi prouver qu'un stimulus visuel sur un autre poisson ne suffit pas à provoquer la réaction observée chez les labres nettoyeurs communs placés face à un miroir.

    Pour comprendre l'autre vérification menée par les chercheurs, rappelons que les animaux testés doivent au préalable être familiarisés avec la présence du miroir. Le processus se déroule en trois étapes. Lors de la première étape, l'animal mis en présence d'un miroir se montre agressif. Pour lui, le miroir est un autre animal. Dans la deuxième étape, l'agressivité se dissipe, mais l'animal conserve un comportement non naturel qui montre qu'il a compris que le miroir n'est pas un autre animal. Dans la troisième étape, enfin, l'animal découvre son corps dans le miroir en l'observant attentivement. Il est alors temps de lui marquer le front -- ou une autre partie de son corps qu'il ne peut voir que dans le miroir.

    Mais tout peut capoter rien qu'en déplaçant le miroir. Les comportements agressifs réapparaissent alors chez les animaux qui n'ont pas relié le miroir à leur propre image. Le labre nettoyeur commun, lui, semble bien garder son calme lorsque le miroir change de côté. Une preuve de plus, selon les chercheurs, que ce petit poisson qui ne paie pas de mine a la conscience de soi. Qu'il n'est... pas si bête. Ou alors, que la validité du test du miroir est à revoir.

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