« Bêtes de science », c’est comme un recueil d’histoires. De belles histoires qui racontent le vivant dans toute sa fraîcheur. Mais aussi dans toute sa complexité. Une parenthèse pour s’émerveiller des trésors du monde. Pour ce nouvel épisode, partons à la découverte d’un dangereux prédateur : le crocodile.


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    Sur terre. Dans l'eau. Le crocodile est à l'aise un peu partout. Du moment que cet « un peu partout » se situe dans une région tropicale, voire subtropicale. Et saviez-vous qu'il a un lien de parenté avec... l'oiseau ? Un ancêtre commun du côté des archosauriens qui peuplaient la Terre il y a environ 240 millions d'années. Étonnant pour ce monstre qui peut aujourd'hui mesurer jusqu'à sept mètres de long et peser jusqu'à une tonne.

    Le crocodile, c'est aussi des dents mythiques. Un peu particulières. Sans racines. Elles peuvent ainsi être remplacées jusqu'à cinquante fois au cours de la vie de l'animal. Même si la production ralentit avec l'âge. Et que l'on peut rencontrer de vieux crocodiles édentés !

    Mais pas de quoi se moquer trop longtemps. Depuis la nuit des temps, le crocodile fait peur. Sa mâchoire est l'une des plus puissantes du règne animal. Et il peut arriver qu'il s'attaque aux Hommes. Le Crocodile du Nil est un prédateur particulièrement dangereux. Il ferait plus de cinquante victimes humaines par an. Pour défendre son territoire ou pour protéger ses petits. Mais aussi, pour se nourrir. Il se cache généralement, ne laissant que ses yeuxyeux et ses narinesnarines dépasser de l'eau. Puis se jette sur les imprudents qui s'approchent de trop près.

    Une technique de chasse des plus classiques, malgré tout. Alors, pourquoi nous intéresser au crocodile aujourd'hui ? à cet animal dont le cerveaucerveau a une taille, disons, petite, pour ne pas trop le vexer ? Parce que des chercheurs ont observé que certains crocodiles -- Crocodylus palustrisCrocodylus palustris et Alligator mississippiensisAlligator mississippiensis, si vous êtes curieux de savoir lesquels -- ont mis au point une méthode un peu plus astucieuse. Basée sur l'usage de « leurres ». Elle n'est pas destinée à piéger les humains mais de pauvres petits oiseaux innocents en quête de brindilles pour constituer leur nid.

    Des outils à la portée des crocodiles ?

    On est loin de ces crocodiles qui ouvrent leur bouche à des oiseaux pour leur permettre de picorer les restes de leur repas coincés entre leurs dents. Il faut dire que l'astuce leur permet d'éviter des infections dues à de la viande qui pourrait y faisander. Et que l'oiseau s'envole dès qu'il sent un danger. Comme un signal d'alarme pour le crocodile qui rejoint alors les profondeurs.

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    En photo, le pluvier, grand ami du crocodile

    Mais revenons à ces petits futés. À cette période particulière de l'année qu'est celle de la reproduction -- et uniquement à cette période --, les crocodiles les plus malins ont pris l'habitude de se glisser sous des branchettes, de manière à les déposer près de leurs mâchoires. Ils n'ont alors plus qu'à patienter. À attendre qu'un oiseau focalisé sur la recherche de quelques matériaux de construction veuille s'en saisir. Et à bondir pour croquer le malheureux. Enfin, disons plutôt, pour l'avaler directement. Car les crocodiles sont comme les serpents. Ils ne mâchent pas.

    Ce que les chercheurs décrivent là, ce n'est ni plus ni moins que le tout premier cas observé d'utilisation d'outils chez des reptiles. De quoi nous faire passer l'envie de laisser le crocodile classer au rang d'animal un peu grossier et très ennuyeux. Dans son livre pour enfants, L'énorme crocodile, l'auteur Roald Dahl nous avait pourtant prévenus en lui faisant dire : « J'ai dressé des plans secrets et mis au point des ruses habiles... » L'animal se montre en réalité très observateur. Et capable de stratégies cognitives poussées. Doit-on en conclure que les dinosaures non aviairesdinosaures non aviaires, dont il est le parent vivant le plus proche, savaient eux aussi utiliser des outils ? Il n'y a rien de moins sûr. D'autant que d'autres chercheurs jugent ces observations de crocodiles s'appuyant sur des « leurres » anecdotiques et non significatives. Un comportement qui pourrait tout à fait ne pas être intentionnel. Malgré tout, ils restent d'accord sur un point : le crocodile n'est pas si bête !