« Bêtes de science », c’est comme un recueil d’histoires. De belles histoires qui racontent le vivant dans toute sa fraîcheur. Mais aussi dans toute sa complexité. Une parenthèse pour s’émerveiller des trésors du monde. Pour ce nouvel épisode, plongeons dans les profondeurs à la rencontre d’un géant des mers : la baleine.


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    Le monde du silence. C'est ainsi que Jacques-Yves CousteauJacques-Yves Cousteau et Louis Malle qualifiaient les fonds marins. C'était au milieu des années 1950. Depuis, notre vision de ce qui se passe dans les océans a bien évolué. Les scientifiques le savent désormais. Les poissons, les crevettes et même le corail émettent des sons. Les dauphins produisent des cliquetis rapides et des sifflements.

    Mais, au fond des océans, les baleines sont les seules à savoir chanter. On le sait depuis le début des 1970, seulement. Lorsque des chercheurs américains ont découvert les émissionsémissions sonores de baleines à bosse sur des enregistrements de l'U.S. Navy. Des émissions qu'ils ont qualifiées de chantschants parce qu'elles étaient composées de plusieurs sons répétés à différentes fréquences.

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    Ces chants servent d'abord aux baleines à s'orienter dans ce monde obscur qui est le leur. Le fond des océans. Mais les chercheurs soupçonnent d'autres fonctions au chant des baleines à bosse. Comme ils sont émis par les mâles, essentiellement dans des zones de reproduction, ils ont imaginé que c'est l'amour que la baleine à bosse chante. L'ennui, c'est que lorsque les chercheurs diffusent des « playbacks » de ces chants, ils n'arrivent à rien. Aucune femelle ne semble attirée.

    Leur autre hypothèse, c'est que ces chants servent à définir un territoire, à marquer une position. Tout en donnant des informations sur la santé et peut-être les motivations de la baleine qui les émet. Juste pour informer celles qui pourraient croiser dans les environs.

    Le spectrogramme du chant d’une baleine à bosse. © Université du Queensland

    Apprécier le chant des baleines pour mieux les préserver

    Mais ce qui est peut-être encore plus étonnant, c'est que les chants des baleines évoluent. Lentement. Ils perdent ou gagnent des vocalisations. D'année en année. En quinze ans, le chant d'une baleine à bosse peut ainsi se voir totalement remanié. Les éthologues parlent d'évolution culturelle.

    Parce que ces évolutions se font au contact d'autres baleines. Les baleines à bosse sont même capables d'apprendre des chants incroyablement complexes de baleines vivant dans d'autres régions. C'est ce que des chercheurs ont observé entre des baleines de Nouvelle-Calédonie, par exemple, et des baleines de la côte est de l'Australie.

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    C'est la première fois que des chercheurs observent un tel niveau d'échange culturel entre des espècesespèces non humaines. Sur les routes de migration ou les aires d'alimentation qu'elles partagent, les baleines s'enseignent des chants qu'elles répètent ensuite de manière très précise, sans les simplifier et sans omettre quelque son que ce soit. Et ce, quelle que soit la complexité du chant. Le tout avec une grande efficacité, une grande rapidité puisque les chants en question changent d'année en année.

    La baleine à bosse a récemment été retirée de la liste des espèces en voie de disparition. C'est une bonne nouvelle. Mais cette drôle de baleine n'est pas définitivement hors de danger. Elle doit encore rester sous surveillance étroite. Ces observations étonnantes faites par les chercheurs pourraient aider à améliorer l'efficacité des méthodes de conservation et de gestion de l'espèce. En attendant, elles sont bien le signe que la baleine à bosse n'est pas si bête.

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    Poulpe chassant dans un lagonDans cet œuf de requin vit un embryon de roussetteUne forêt de plumes de mer (Pennatulacea)Baleine à bosse ouvrant la bouche pour manger du krillGros plan sur un hippocampeLimace grimpante sur l’île Bangka, en IndonésieRequins à pointe noire dans le lagon Moorea, près de TahitiChien sur la glace, en FinlandeTortue verte à la recherche d'un herbier marin sur un récif de MayotteLa crevette qui a perdu la têteUn petrel bien curieux dans l’océan PacifiqueUne limace de mer qui se nourrit des œufs d’autres limacesUn requin curieux aux BahamasUn mystérieux cténophore au large de l’AngleterreUne méduse à crinière de lion au milieu de méduses-lunes
    Poulpe chassant dans un lagon

    En 2017, Gabriel Barathieu a obtenu le premier prix avec cette photo d'une pieuvre en train de chasser dans un lagon. Le jury a notamment apprécié « les couleurscouleurs vives contrastées, les texturestextures délicates très détaillées et la pose parfaite auxquelles s'ajoutent le bon choix de l'objectif et la situation. Le tout combiné produit un champion ».

    © Gabriel Barathieu, UPY 2017