Le sixième épisode de Chasseurs de science est disponible à l'écoute ! Pour cette nouvelle excursion dans l'histoire des sciences, suivez le destin hors du commun d'une girafe érigée au rang de star.


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    Au départ, c'était un simple cadeau diplomatique du pacha d'Égypte au roi français Charles X. Un petit girafon séparé de sa mère est choisi par Méhémet-Ali, sur les conseils du consul de France en Égypte. L'animal traverse alors la Méditerranée et arrive à Marseille à l'automneautomne 1826. Dès ses premiers pas dans l'Hexagone, cette créature suscite la curiosité. La plupart des Français n'avaient jamais vu un animal aussi étrange ! Voici les prémices du destin hors du commun de la girafegirafe Zarafa.

    « Zarafa, une girafe à Paris » est le dernier épisode de notre podcast sur les petites et grandes histoires de la science. Écoutez-le dès maintenant sur vos plateformes de podcasts favorites.

     

    <em>Le Passage de la girafe près d’Arnay-le-Duc</em>, tableau de Jacques Raymond Brascassat (1827). © Musée des beaux-arts de Beaune
    Le Passage de la girafe près d’Arnay-le-Duc, tableau de Jacques Raymond Brascassat (1827). © Musée des beaux-arts de Beaune

    L'été 1827, l'été de la girafomania

    Après avoir traversé la France à pieds, accompagnée de son soigneur attitré et de deux antilopesantilopes, Zarafa arrive à Paris, près d'un an après avoir quitté l'Afrique. Nous sommes à l'été 1827 et l'arrivée de la girafe provoque un véritable engouement. Les Parisiens se pressent au Jardin des Plantes pour l'observer et elle devient populaire au point que les femmes adoptent une coiffure dite « à la girafe ». Des tableaux aux bibelots, la silhouette longiligne de la girafe est partout. Zarafa n'aura évidemment pas conscience de tout cela puisque comme son nom l'indique, elle n'était qu'une simple girafe.

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    Transcription du podcast

    Bienvenue dans Chasseurs de science, je suis Julie votre guide temporelle. Aujourd'hui nous partons sur les routes de la France du XIXe siècle. Nous suivrons le périple d'une créature peu habituelle dans nos contrées. Une girafe dont le long cou fut un objet de désir et de tendance, alors que l'Occident se passionnait pour l'exotisme. 

    En 1824, le pacha d'Egypte, Méhémet Ali, rêve de grandes choses pour son pays. Il imagine déjà la constructionconstruction d'un canal maritime à Suez, 35 ans avant que Ferdinand de Lesseps ne commence les travaux. 

    Malheureusement, il est toujours dépendant du bon vouloir de Constantinople qui lui demande d'envoyer des hommes pour éteindre le feu d'une révolte entre les Grecs et les Turcs. Le pacha cherche alors du soutien en Europe en renforçant ses liens avec la France et son roi Charles X. Bernardino Drovetti, consul général du monarque français alors en Egypte, lui glisse à l'oreille une idée qui va marquer l'histoire. Il sait que Charles X s'intéresse aux animaux exotiquesexotiques et souhaite enrichir sa ménagerie. Pourquoi ne pas lui offrir une espèceespèce encore inconnue des Français, qui attirera à coup sûr des centaines de curieux ?

    Le pacha ne réfléchit pas longtemps. Il y a peu, deux de ses soldats en poste au Soudan ont abattu une girafe et se sont emparés de deux girafons. Méhémet Ali prend alors la décision d'en offrir un à Charles X. Le périple de Zarafa commence alors.

    Dans cet épisode de Chasseurs de Science, marchez aux côtés de Zarafa la girafe lors de sa traversée de la France. Dans son sillage, elle attirera les curieux qui, émerveillés de voir un animal si étrange, se prirent de passion pour elle. L'espace de quelques mois, la France a vécu à l'heure de la « girafomania » où Zarafa est devenue une star bien malgré elle.

    Zarafa et le second girafon arrive au Caire depuis Khartoum au printemps 1826. Le consul d'Angleterre les remarque aussitôt et réclame que, comme son meilleur ennemi la France, l'Angleterre doit aussi se faire offrir une girafe. On tire alors à pile ou face : Zarafa, la plus robuste, partira pour la France et l'autre, plus chétive, ira Outre-manche. Malheureusement, le second girafon n'atteindra jamais l'Angleterre.

    Avec trois vachesvaches soudanaises, en charge de lui fournir du lait, et deux gazelles comme compagnes de voyage, Zarafa embarque dans un bateau à Alexandrie. Un trou a été aménagé sur le pont pour que la girafe puisse étendre son long cou. Son soigneur attitré Atir, un esclave qui travaille pour Bernardino, est aussi du voyage. Il ne quittera plus sa protégée. Prochaine escale, le port de Marseille de l'autre côté de la Méditerranée. 

    Le 23 octobre 1826, le brigantin en provenance d'Égypte accoste à Marseille. Zarafa et ses compagnons de voyage restent encore trois semaines en quarantaine et finalement, le 18 novembre 1826, elle touche enfin le sol français. Zarafa rejoint les jardins du préfet des Bouches-du-Rhône, le comte Villeneuve-Bargemont. Par égard pour l'animal, il est décidé que Zarafa passera l'hiverhiver dans le Sud, dans une écurie chauffée et aménagée, pour qu'elle puisse s'acclimater aux températures hexagonales. 

    Chaque jour, elle part en balade et est exhibée aux yeux des Marseillais, qui n'en reviennent pas. C'est la première fois qu'ils voient une créature aussi étrange ! Elle est si grande, avec son cou allongé et sa démarche chaloupée ; personne n'avait rien vu de tel de ses yeux ! Une girafe avait rejoint l'Europe en 1486, offerte à Laurent de Médicis, mais plus personne n'est là pour en témoigner. Le préfet profite de la présence de la nouvelle « starlette » pour accroître sa popularité. Pas un dîner ne se passe sans que les invités aient le droit de rendre visite à Zarafa. 

    La girafe reste à Marseille jusqu'au printemps 1827. Geoffroy Saint-Hilaire, professeur au Muséum d'histoire naturelle, arrive de Paris pour organiser son voyage jusque dans la capitale. Charles X attend son présent avec impatience. Saint-Hilaire prend le temps de connaître Zarafa, il observe son comportement à chacune de ses sorties et lui fait même coudre un imperméable et un bonnet, tous deux brodés aux armes du pacha égyptien et de Charles X.

    Le 20 mai 1827, escortée par les gendarmes, Zarafa prend le chemin vers le nord avec Atir, les antilopes et un mouton. L'étonnant convoi doit parcourir les 880 kilomètres qui les séparent de Paris à pied. L'arrivée est prévue pour le 30 juin 1827, après six semaines de le long de la vallée du Rhône. Sur le chemin, les sabots de Zarafa touchent pour la première fois la neige et lors qu'elle se rapproche de Paris, le naturaliste Georges CuvierGeorges Cuvier part sur la Seine pour aller à sa rencontre, accompagné  de l'écrivain Stendhal.

    À Saint-Cloud, Charles X trépigne d'impatience. Il attend de voir Zarafa depuis presque un an maintenant. Sa nièce ne voit pas l'excitation qui anime le monarque d'un bon œilœil et n'hésite pas à le rappeler à l'ordre « C'est à la girafe d'être conduite au roi, et non pas au souverain de se précipiter comme un vulgaire au-devant du cadeau qu'on lui fait. »

    Le 9 juillet 1827, Zarafa arrive à Saint-Cloud. L'animal majestueux, drapé dans un manteaumanteau brodé des armoiries de la couronne française et couronné de fleurs fraîches, est présenté au roi. Fasciné par ce présent exotique, Charles X laisse l'animal happer quelques feuilles dans sa main.

    Dès lors, Zarafa est érigée au rang de star. Elle vit dans la RotondeRotonde du Jardin des plantes, en compagnie d'Atir, et pas moins de 600.000 badauds se pressent devant les grilles de son enclos pour l'admirer. Une véritable « girafomania » s'empare alors de Paris. 

    Les femmes se coiffent « à la girafe », les hommes nouent aussi leur cravate « à la girafe », et l'animal est représenté sur des assiettes, en sculpture, en peinture, devient même un personnage de fiction. Des caricaturistes font un parallèle entre la stature de Charles X et le long coup de Zarafa. Mais la frénésie ne dure qu'un été. Le peuple finit par se détourner d'elle ; la révolution de Juillet 1830 commence à gronder. La girafe termine sa vie loin des regards. Atir s'occupe d'elle jusqu'à ce qu'elle succombe de la tuberculosetuberculose bovine qu'elle avait contractée en buvant du lait de vache. Le 12 janvier 1845, 18 ans après son arrivée Zarafa décède. 

    Son corps est empaillé et exposé au Muséum d'histoire naturelle de la Rochelle à partir de 1930 car la place manque entre les mursmurs de celui de Paris. Le nom Zarafa ne lui a été donné que bien plus tard, par un romancier américain. Tout le long de son périple à travers la Méditerranée et la France, on l'appelait « le bel animal du roi ». Alors qu'elle fut l'objet de tous les désirs l'espace d'un temps, son prénom, Zarafa, signifie tout simplement « girafe » en arabe.

    Merci d'avoir écouté Chasseurs de Science, si cet épisode vous a plu, n'hésitez par à le partager et à nous laisser un commentaire. Dans le prochain épisode vous repartirez à l'aventure en compagnie d'Emma. À bientôt !