La médiatisation des abeilles, et notamment de leur déclin, permet à de nombreuses personnes de prendre au sérieux les dangers qui les guettent. Cela pourrait être un outil majeur dans les politiques de conservation de ces insectes pollinisateurs.


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    L'humain se mobilise davantage pour des causes qui le concernent. Telle est, entre les lignes, la conclusion d'une étude publiée dans Current Opinion in Insect Science. Les auteurs, deux chercheurs en biologiechercheurs en biologie de l'université du Missouri (États-Unis), se sont penchés sur la perception des abeilles de la société, et sur les conséquences qui en découlent pour la recherche et la conservation.

    « Les insectes sont pour la plupart invisibles aux yeuxyeux du public. Ils sont essentiels pour notre survie à bien des égards, mais ils sont souvent considérés comme acquis jusqu'à ce qu'une crise les rende impossibles à ignorer » considère Damon Hall, l'un des auteurs. « Avec les abeilles, nous assistons à un appel à l'action dans les médias et dans le milieu de la recherche. Les gens reconnaissent que si les abeilles échouent, alors notre alimentation et notre agriculture deviendront beaucoup plus difficiles à maintenir ». En effet, les abeilles pollinisent environ 75 % de tous les fruits, noix et légumes cultivés aux États-Unis, ainsi que 80 % des plantes à fleurs dans le monde.

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    Le déclin des abeilles leur a ouvert la voie de la médiatisation. En partie dû aux pratiques agricoles, ce phénomène multifactoriel a surtout pour origine les maladies et les parasites comme le Varroa destructor, ainsi que les carences alimentairescarences alimentaires dont souffrent les abeilles, tel qu'expliqué dans cet article du journal du CNRS.

    La petite tache est en réalité <em>Varroa destructor</em>, un acarien parasite de l'abeille. En la piquant, celui-ci se nourrit de son hémolymphe et l'affaiblit, et peut lui transmettre virus et autres agents infectieux. Notamment le virus mortel de la paralysie chronique, ou « maladie noire ». © Klaus Nowottnick, Adobe Stock
    La petite tache est en réalité Varroa destructor, un acarien parasite de l'abeille. En la piquant, celui-ci se nourrit de son hémolymphe et l'affaiblit, et peut lui transmettre virus et autres agents infectieux. Notamment le virus mortel de la paralysie chronique, ou « maladie noire ». © Klaus Nowottnick, Adobe Stock

    Les abeilles et l'Anthropocène

    Cette médiatisation s'est accompagnée d'un gain d'intérêt pour les abeilles, et en particulier pour les abeilles domestiques. De nombreuses données ont été publiées sur l'impact du déclin, concernant notamment les risques sur la sécurité alimentaire mondiale ou ceux de pertes économiques. Tout ceci a permis de lier étroitement la santé des abeilles au bien-être humain dans l'imaginaire collectif. « La conservation des populations d'abeilles signifie la conservation de notre mode de vie », simplifie Damon Hall. Dès lors, les auteurs de l'étude soulignent que les populations humaines sont plus enclines à prendre au sérieux les menaces qui pèsent sur les abeilles. Et à les protéger.

    « S'il est essentiel de comprendre les menaces des abeilles du point de vue même des abeilles, notre examen souligne clairement l'importance de traiter les dimensions humaines de la crise. Il est regrettable que le déclin des abeilles ait tant d'implications négatives pour l'humanité, mais en même temps, ces implications nous facilitent la mobilisation contre ces menaces » déclare Damon Hall.

    L'anthropocentrisme serait alors un élément clé dans les efforts de conservation, si ce n'est l'élément central. Toutefois, les auteurs mettent en garde contre le retour de bâton de la médiatisation actuelle. Celle-ci se concentre sur les abeilles domestiques. Or, les abeilles sauvages sont des pollinisateurs tout aussi cruciaux pour la biodiversitébiodiversité et l'agriculture. Et il serait dommageable que la conservation se focalise sur l'abeille à miel, quand il existe plus de 20.000 espècesespèces d'Anthrophila.