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    Baluchithère : un squelette reconstitué sur place

    Baluchithère : un squelette reconstitué sur place

    Depuis la mise au jour de quelques squelettes partiels de baluchithères, dans la première moitié du 20ème siècle, en Mongolie et au Kazakhstan, aucune découverte n'avait permis la reconstitution d'un squelette de baluchithère.

    Le premier squelette partiel, découvert en Mongolie, a d'abord attribué à Baluchitherium grangeri par les paléontologuespaléontologues américains Granger et Gregory en 1936. Ces derniers ont opéré une reconstitution graphique, d'après les quelques éléments associés d'un même individu et en extrapolant les dimensions des restes manquants.

    Cette reconstitution, souvent reproduite dans les manuels, est malheureusement erronée : le cou est trop court, les membres trop raides et les proportions du membre antérieur largement mésestimées.

    En revanche, un squelette provenant du Kakakhstan, complet à 40%, a été mieux traité : ce que nous avons pu observer au Pakistan est en effet bien plus proche de la reconstitution qu'en a proposée Vera Gromova en 1959. Le squelette (complété) est d'ailleurs exposé dans la galerie de paléontologiepaléontologie du Musée de l'Académie des Sciences de Moscou. Enfin, le magnifique tableau de Zdenek Burian, exposé au Muséum de Prague depuis 1957, montre un groupe de baluchithères en train de manger au faîte d'un arbrearbre. L'allure générale est respectée, mais le membre antérieur est toutefois trop gracile.

    Plusieurs étapes de la reconstitution du squelette composite de baluchithère à Dera Bugti, en 1999. Après avoir disposé les os disponibles selon leur position anatomique et reconstitué la forme de l'animal en chair, Pierre-Olivier Antoine souligne le contour du profil gauche de l'individu avec de la peinture blanche. Il complète ensuite les parties manquantes avec de la peinture antirouille marron. Le squelette composite ainsi reconstitué est enfin photographié depuis le toit de la Guest House. © 1999 MPFB (MB, LM, JLW).

    Plusieurs étapes de la reconstitution du squelette composite de baluchithère à Dera Bugti, en 1999. Après avoir disposé les os disponibles selon leur position anatomique et reconstitué la forme de l'animal en chair, Pierre-Olivier Antoine souligne le contour du profil gauche de l'individu avec de la peinture blanche. Il complète ensuite les parties manquantes avec de la peinture antirouille marron. Le squelette composite ainsi reconstitué est enfin photographié depuis le toit de la Guest House. © 1999 MPFB (MB, LM, JLW).

    Comme les restes crâniens, dentaires et du squelette appendiculaire étaient complètement désarticulés dans le gisementgisement de Lundo Chur, nous avons décidé de reconstituer un squelette compositesquelette composite du baluchithère.

    Reconstitution

    Reconstitution

    Nous avons donc récolté les spécimens afin de remonter un squelette. Puis, nous sommes retournés à Dera Bugti, chargés d'une tonne d'ossements environ. Là, le squelette a été reconstitué, à même le sol, sur une bâche. Grâce à cette reconstitution, nous savons désormais quelle taille ces rhinocérosrhinocéros géants atteignaient. Ils devaient en moyenne atteindre 5 m au garrot (5,5 m au museau), pour environ 8 m de long.

    L'allure générale était plutôt celle d'un okapiokapi très massif, avec une tête de cheval et une lèvre supérieure probablement préhensilepréhensile (pour attraper les feuilles d'arbres composant leur régime alimentaire. Le dosdos est en pente, le membre antérieur beaucoup plus long et puissant que le membre postérieur.

    Quelques spécimens récoltés de 1999 à 2004 appartenaient manifestement à des individus plus grands encore, atteignant probablement jusqu'à 6 m au garrot et 9 m de long. Un adulte moyen devait peser environ 15 à 20 tonnes. Les restes mis au jour au cours de notre expédition correspondent à plus d'une vingtaine d'individus, allant du nouveau-né au vieillard. L'énorme variation de taille perceptible sur les restes de ce gisement reflète une très grande variabilité individuelle.

    D'autre part, le dimorphisme sexueldimorphisme sexuel, fondé notamment sur la taille comme chez la plupart des grands mammifèresmammifères herbivoresherbivores fossilesfossiles et actuels, a certainement joué un grand rôle dans cette variabilité, comme cela a été proposé dans un article scientifique paru en 2004 (Antoine et al.).

    La baluchithère est vraiment un géant ! En haut, rangée dentaire inférieure d'un rhinocéros fossile de taille « normale » ; en bas, fragment d'une molaire inférieure de baluchithère. La morphologie est similaire et les dimensions triplées ! © 2000 MPFB (POA)

    La baluchithère est vraiment un géant ! En haut, rangée dentaire inférieure d'un rhinocéros fossile de taille « normale » ; en bas, fragment d'une molaire inférieure de baluchithère. La morphologie est similaire et les dimensions triplées ! © 2000 MPFB (POA)

    La denture suit à la fois le schéma des tapirstapirs et des rhinocéros : la denture antérieure (incisives et canines) est complètement développée, comme chez les tapirs, tandis que les molairesmolaires et prémolaires ont des couronnes peu spécialisées, de type rhinocéros. On peut penser que leur régime alimentaire se composait de feuilles, de jeunes pousses et de branchages au faîte des arbres.