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    Les archéo-métallurgistes d'aujourd'hui essaient de retrouver les techniques et les résultats du Moyen Âge.

    Fractale en cuivre. © Agnes123, Pixabay, DP
    Fractale en cuivre. © Agnes123, Pixabay, DP

    1. Voici donc un article du DRECAM, Département de Recherche sur l'État Condensé, les Atomes et les Molécules, Production expérimentale de laiton par cémentation en creuset ouvert selon les recettes médiévales. A. Doridot, L. Robbiola, F. Téreygeol

    Pour les périodes médiévales, la fabrication du laiton (alliages Cu-Zn) repose sur le procédé de cémentation - le laiton étant un alliage recherché tant pour ces qualités mécaniques que pour sa couleurcouleur imitant celle de l’or. Rappelons que ce procédé thermochimique d'élaboration vise à libérer, sous forme gazeuse, du zinczinc issu d'un mineraiminerai (calamine) qui diffuse dans du cuivrecuivre solidesolide, en présence de charbon. La calamine peut être au préalable grillée (oxydée). Le charboncharbon a pour rôle de maintenir un milieu réducteur et notamment de réduire l'oxyde de zinc formé lors du grillage.

    Laiton produit par cémentation, image de l’article cité.
    Laiton produit par cémentation, image de l’article cité.

    Les recettes médiévales dont nous disposons mentionnent exclusivement une cémentation à l'aide de creusets « ouverts » (par exemple : Théophile XIIe siècle, Biringuccio XVIe siècle, Agricola XVIe siècle). Cependant, les traces archéologiques de ce procédé, connues à ce jour en Europe et essentiellement données pour antiques, reposent sur l'existence de creusets lutés et totalement fermés. Il y a donc ici un problème de concordance des sources entre les textes et les données archéologiques sur la nature des creusets employés. En d'autres termes peut-on élaborer du laiton par cémentation à partir d'un creuset ouvert ?

    Pour répondre à ce point précis de métallurgie, une approche expérimentale a été réalisée en variant la nature du minerai de zinc. Les essais ont été effectués à partir :

    • d'oxyde de zinc ;
    • de calamine non grillée ;
    • de calamine grillée 30 minutes ;
    • de minerai grillé pendant 12 heures.

    Les expérimentations ont été conduites en milieu réducteur en utilisant du cuivre sous forme de tournure et du poussier de charbon pendant deux heures à des températures comprises entre 950 et 1.050 °C. Les échantillons métalliques obtenus pour l'ensemble des essais ont été caractérisés par EDS-MEBMEB. Les résultats confirment la formation de laiton. Les données analytiques et structurales, notamment les teneurs en Zn et les hétérogénéités de composition, ont permis de conclure à la pertinence des recettes médiévales. Ces résultats ouvrent d'ores et déjà de nouvelles pistes de recherche, notamment dans la reconnaissance des creusets destinés à la préparation de cet alliage.

    2. Un autre article sur des recherches contemporaines du même labo à propos des monnaies contenant du cuivre. La coupellation à la cendre des alliages cuivreux   F. Téreygeol, N. Thomas

    [...] La définition du titre d'un alliage dans le cadre d'une production monétaire nécessite une grande rigueur car c'est sur cette opération que repose l'acceptation ou non d'un lot de monnaies. Une des méthodes employées pour y parvenir est l'essai d'argentargent par voie sèchevoie sèche. Il s'agit de séparer le métalmétal blanc du plombplomb et du cuivre par oxydationoxydation de ces derniers. S'il est relativement aisé de séparer le plomb de l'argent, la coupellation du cuivre nécessite une plus grande maîtrise technique. Les données d'archives fournissent la marche à suivre dans un cadre expérimental. La difficulté réside dans l'ajout nécessaire de plomb pour permettre la séparationséparation du cuivre. La quantité à ajouter varie de 3 à 17 fois la massemasse de cuivre estimée.

    Coupellation.
    Coupellation.

    Un fourneau d'essayeur a été bâti à Melle (Deux Sèvres, France), et une série d'alliages Cu-Ag réalisée in situ a pu être essayée. Le four est appareillé afin de contrôler la température. Pour estimer la qualité de l'opération exécutée, les boutons de retour sont tout d'abord pesés puis ils font l'objet d'une analyse quantitative. Les coupelles ayant servi à ces opérations sont aussi observées car elles permettent de recueillir des informations facilitant l'analyse et l'interprétation des artefacts archéologiques.

    Une recherche utile

    Cette recherche n'est pas inutile, en effet, une chercheuse du CNRS a montré qu'il y avait de faux-monnayeurs chez les Gaulois, et pourquoi pas après tout ?

    Des faux-monnayeurs chez les Gaulois : Aurélie Deraisme, de l'Institut de recherche sur les archéomatériaux d'Orléans. Voici un résumé de sa thèse publié par le CNRS :

    [...] Marqué par la scission entre les Empires romain et gaulois, le IIIe siècle connaît de graves crises politiques et économiques. Alors, en marge de la production de l'atelier officiel de Trèves, des ateliers secondaires se mettent à frapper, à grande échelle, des monnaies qui imitent les pièces de l'usurpateur Postume, alors à la tête de l'Empire gaulois.

    Postume sur les pièces de monnaie, II<sup>e</sup> ap. J.-C. Cette pièce est en argent.
    Postume sur les pièces de monnaie, IIe ap. J.-C. Cette pièce est en argent.

    De fausses monnaies finalement tolérées, en cette période de pénurie monétaire importante. De telles pièces ont été notamment retrouvées en Seine-et-Marne, à l'emplacement du village de Châteaubleau, près de Provins. La présence de boudins et de flans monétaires argentés à cet endroit laisse supposer qu'il s'agissait de l'un de ces ateliers secondaires. Pour en savoir plus sur ces pièces illégales et leurs techniques de fabrication, Aurélie Deraisme, physico-chimistephysico-chimiste spécialisée dans la métallurgie des alliages cuivreux, et ses collaborateurs en ont tout d'abord étudié la composition. Alors que les pièces officielles contiennent 15 % d'argent et 85 % de cuivre, les autres ne renferment que 2 % d'argent pour 98 % de cuivre. Une belle économie pour les faussaires !

    Par microscopie électronique, elle a ensuite déterminé leur structure interne. Si l'argent est uniformément réparti dans toute la masse des pièces officielles, il ne se trouve que dans une mince couche de surfacecouche de surface dans les monnaies d'imitation. Pour comprendre comment les artisans de l'époque obtenaient de telles pièces, la scientifique a cherché à les recréer en laboratoire. Elle a, pour cela, utilisé des cylindres de cuivre recouverts d'une mince feuille d'argent qu'elle a ensuite chauffés, dans des conditions permettant d'éviter toute oxydation de surface, à différentes températures et pendant des duréesdurées variables. C'est en les chauffant pendant 4 minutes à 950 °C qu'elle a obtenu la composition et la structure de l'argenture les plus proches de celles des pièces archéologiques. L'ensemble de ces résultats permet d'imaginer plus précisément les techniques d'argenture utilisées par les métallurgistes gallo-romains, notamment pour la fabrication de fausses pièces de monnaies.