En Antarctique, le plus grand iceberg du monde bloque les glaces de la banquise et empêche des colonies de manchots d'aller pêcher en mer libre, condamnant les poussins à mourir de faim.

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    Centre d'écologie et physiologie énergétiques / CNRS

    Centre d'écologie et physiologie énergétiques / CNRS

    Détaché de la banquise en 2000, l'iceberg B15A, avec ses 150 kilomètres de long et ses 3.000 kilomètres-carré, est venu buter sur la côte Antarctique, bouchant l'accès à la mer pour une communauté de 3000 couples de manchots d'Adélie. Le drame se noue du côté de McMurdo Sound, principale voie d'accès maritime à trois stations de l'Antarctique, appartenant à la Nouvelle-Zélande, aux Etats-Unis et à l'Italie. Ce gigantesque bloc de glace a déjà été accusé en 2002 d'empêcher le développement du phytoplancton.

    <br />Rupture B15a (partie orange et blanche sur le devant)<br />&copy; Nasa

    Rupture B15a (partie orange et blanche sur le devant)
    © Nasa

    Aujourd'hui, il inquiète de nouveau. En obturant la baie, "le plus gros objet flottant actuellement sur la planète", selon l'expression de Lou Sanson, patron de l'agence gouvernementale Antarctica New Zealand, empêche les eaux maritimes circulant près de la côte de repartir vers le large et de fragmenter la banquise. Face à cette étendue de glace, les manchots de Cape Royds doivent marcher durant 180 kilomètres pour atteindre la mer libre et se nourrir de krill, les petites crevettes des mers froides. Ces solidessolides oiseaux en ont vu d'autres mais c'est actuellement le printemps dans l'hémisphère sudhémisphère sud, et les manchots doivent ramener dans leur jabot de quoi nourrir leur poussin (un par couple), à peine né mais très vorace. D'après Lou Sanson, après leur long périple, les adultes reviennent le réservoir vide... Résultat, les scientifiques prédisent pour cette communauté la mort de la presque totalité des poussins de l'année.

    Manchots et humains sur le même radeau

    La population de Cape Royds ne serait pas la seule touchée. John Cockrem, de l'Université Massey en Nouvelle-Zélande, affirme que, sur l'île RossRoss, deux colonies de manchots, regroupant environ 50.000 couples, ont vu eux aussi se fermer la banquise et doivent parcourir près de cent kilomètres au lieu des cinq habituels. Les scientifiques craignent que 10 % de la population ne disparaisse.

    <br />Manchot &copy; Pierre Jouventin

    Manchot © Pierre Jouventin

    Mais un autre spécialiste, Julian Tangaere, responsable de la base néo-zélandaise Scott, tempère ce catastrophisme. Il explique que l'iceberg se dirige vers le large, à raison de deux à trois kilomètres par jour. Un chenal d'eau libre commence donc déjà à s'élargir. "Pour être honnête, a-t-il déclaré selon l'Associated Press, je pense que quelques personnes ont tiré la sonnettesonnette d'alarme un peu vite et je pense qu'on a largement le temps de voir comment vont évoluer les choses."

    La menace concerne également les humains, du moins les scientifiques des bases américaines, italiennes et néozélandaises, qui, eux aussi, voient la mer de beaucoup plus loin depuis l'accostage de B15A. L'envoi d'un brise-glace américain est envisagé pour ravitailler les trois bases. Les chercheurs aussi ont faim...