C'est une première : une équipe de géologues (1)vient de déterminer l'âge du Kilimandjaro ! « Bien que mythique, ce massif volcani­que de Tanzanie, point culminant de l'Afrique, n'a fait l'objet que de très rares études », rapporte Mathieu Benoit, l'un des géologues de l'équipe de l'Institut universitaire européen de la mer (IUEM) (2), à Plouzané.

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    Ascension du Mont Kilimandjaro : porteurs.

    Ascension du Mont Kilimandjaro : porteurs.

    La seule datation très approximative dont on dispo­sait remontait aux années soixante et depuis, rien n'avait été fait alors que les moyens techniques ont considérablement évolué. Ainsi, à partir de quelque 300 kgkg d'échantillons de lave prélevés en 2005 sur une quinzaine de coulées, les trois édifices volcaniques qui composent le Kilimandjaro - le Shira, le Kibo (5 995 m), et le Mawenzi -, ont pu être datés.(3) « Nos résultats confirment que le Kibo est bien le volcan le plus récent, comme le proposait l'étude réalisée dans les années soixante ; il serait apparu il y a 200 000 ans, commente le chercheur. Mais contrairement à ce qu'avançaient les anciennes données, les deux autres édifices ne se sont pas du tout formés en même temps. Le Shira daterait de 2 millions d'années et le Mawenzi serait apparu il y a 500 000 ans. » Une formation bien plus complexe et bien plus longue qu'on ne le pensait !

    Résultat inédit, l'âge du célèbre volcan ne constitue pas le seul intérêt de cette étude. Les chercheurs se sont penchés sur le Kilimandjaro parce qu'il fait partie du rift (4) est-africain (3 500 km de long), la référence pour l'étude de ces structures dans le monde. « Or le volcan y occupe une position très particulière, commente Bernard Le Gall, géologuegéologue et spécialiste de la tectonique. Il le coupe transversalement en délimitant deux zones aux caractéristiques très distinctes : une vallée unique au nord (Kenya) qui présente une forte activité magmatique et trois branches au sud, non magmatiques. Cette grande discontinuité localisée au niveau du Kilimandjaro est connue sous le nom de divergence nord-tanzanienne. »

    C'est dans le but d'étudier l'activité magmatique de la divergence que les chercheurs se sont rendus sur le terrain en 2003 puis en 2005 afin de rapporter des échantillons de tous les volcans de cette zone et de les analyser (5). « Le rifting a commencé au nord, dans la région de l'Afar, il y a 30 millions d'années, rappelle Bernard Le Gall, et depuis il s'est prolongé jusqu'au Kilimandjaro qui représente en quelque sorte la tête de la déchirure. » En couplant leurs analyses de la tectonique et du magmatisme au niveau de la divergence, les chercheurs obtiendront une vision du rift et de son histoire. Ils espèrent même extrapoler son devenir, comme déterminer les failles qui pourraient se former et conduire, pourquoi pas, à la séparationséparation de l'Afrique en deux...

    Stéphanie Belaud

    1. Bernard Le Gall, Mathieu Benoit et Philippe Nonnotte (étudiant en thèse).
    2. Institut CNRS / Université de Brest.
    3. Datation réalisée par Hervé Guillou au LSCE à Gif-sur-Yvette.
    4. Dépression longue et étroite qui traverse un continent, due à l'extension de la croûte terrestrecroûte terrestre. C'est le processus qui précède la formation d'un océan.
    5. Projet en partie financé par le programme DyETI. Les analyses géochimiques ont été réalisées dans le cadre du pôle « SpectrométrieSpectrométrie Océan ».

    Contact :

    IUEM, Plouzané
    Bernard Le Gall
    [email protected]

    Mathieu Benoit
    [email protected]