En 2009, la découverte d'empreintes d'un dinosaure gigantesque, à Plagne, dans le massif du Jura, avait été annoncée par le CNRS, donnant lieu à une importante couverture médiatique. Plusieurs campagnes de fouilles ont été menées, de 2010 à 2012, par le laboratoire de Géologie de Lyon, mettant au jour la plus longue piste de dinosaure sauropode actuellement connue au monde.

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    Il y a huit ans, le 5 avril 2009, des membres de la Société des naturalistes d'Oyonnax (SDNO) signalaient la découverte d'empreintes de pas de très grande taille sur un chemin de débardage de la commune de Plagne, dans le département de l'Ain, en France (voir article ci-dessous). Une expertise menée par des scientifiques du laboratoire de Géologie de Lyon, suivie d'une prospection sur le plateau incliné de Plagne, ont confirmé cette observation et révélé la présence de nombreuses empreintes et de pistes sur 3 hectares de prairie ouverte.

    La piste d'empreintes de sauropode de Plagne. © P. Dumas

    La piste d'empreintes de sauropode de Plagne. © P. Dumas

    Des empreintes dans un excellent état de conservation

    Une piste de 155 mètres a été retracée et les empreintes ont été identifiées dans des niveaux calcaires permettant de les dater précisément. Elles remontent ainsi au Tithonien inférieur (Jurassique supérieur, -150 Ma). À cette époque, le site de Plagne était situé sur la marge sud-est de la plateforme carbonatée jurassienne, dans un environnement de vasière littorale protégée de la mer ouverte.

    Trois campagnes de fouilles estivales (2010-2012) ont été nécessaires, cumulant 2.700 journées de travail. Les résultats de ces années d'observation ont été publiés dans la revue Geobios cet été. L'une des difficultés de l'étude d'un tel objet s'étirant sur plus de 150 mètres et couvrant environ 1.500 m², est d'associer une cartographie générale du site (position relative des empreintes) et un relevé millimétrique des traces (morphologiemorphologie et anatomieanatomie des empreintes). La cartographie aérienne a été réalisée par l'hélicoptèrehélicoptère drone Drelio (laboratoire de Géologie de Lyon). Parallèlement, un relevé lasérométrique 3D de résolutionrésolution millimétrique a été réalisé par la société ATM.3D, associé à une couverture orthophotographique. 

    La piste étudiée développe 110 pas successifs et s'étire sur 155 m de long, les empreintes présentant diverses morphologies selon la plasticitéplasticité du sédiment originel et les conditions de conservation. La partie amont, protégée par un banc de 50 cm de calcaire, a été délicatement fouillée, révélant une vingtaine d'empreintes de mains et de pieds dans un excellent état de conservation.

    Si le sauropode de Plagne marchait dans ses empreintes… © Dessin : A. Bénéteau ; photographie : Dinojura

    Si le sauropode de Plagne marchait dans ses empreintes… © Dessin : A. Bénéteau ; photographie : Dinojura

    Le sauropode de Plagne

    Les empreintes de mains présentent cinq marques de doigts circulaires organisées en arc de cercle, sans traces de griffes. Les empreintes de pieds, mesurant de 94 à 103 cm, sont allongées et portent cinq marques de doigts elliptiques. Les caractéristiques biométriques des empreintes et de la piste révèlent un animal de très grande taille développant des enjambées de 2,80 m en moyenne et se déplaçant à 4 km/h. La morphologie de ces empreintes indique qu'il s'agit d'un nouvel ichnotaxon, Brontopodus plagnensis, dinosaure sauropodesauropode titanosauriforme dont la taille est évaluée à au moins 35 m de long pour une massemasse de 35 à 40 tonnes. 

    Les sites à empreintes de sauropodes connus dans le monde révèlent fréquemment la présence simultanée de pistes de dinosaures carnivorescarnivores bipèdes aux pieds tridactyles caractéristiques (dinosaures théropodesthéropodes). C'est le cas à Plagne, où plusieurs pistes de théropodes ont été repérées. L'une d'entre elles, croisant la piste du grand sauropode, a été mise au jour pendant les fouilles. Elle s'étire sur 38 mètres, développe 18 pas successifs et est attribuée à l'ichnogenre Megalosauripus.

    Empreinte et portion de la piste de théropode. © P. Dumas

    Empreinte et portion de la piste de théropode. © P. Dumas

    L'étude scientifique du site de Plagne se prolonge par un projet de protection et de valorisation de ce patrimoine, actuellement mené par la commune de Plagne, la Communauté de communes du pays bellegardien, le département de l'Ain et la région Rhône-Alpes-Auvergne, en association avec l'équipe scientifique. L'objectif principal est la protection de ce patrimoine géologique unique et sa présentation au public.


    Les plus grandes empreintes de dinosaures découvertes à Plagne

    Article de Jean-Luc GoudetJean-Luc Goudet publié le 08/10/2009

    Des curieux de nature ont déniché de superbes traces de pas de dinosaures, larges de plus de un mètre, près de Nantua, dans l'Ain. Les scientifiques ont confirmé : il s'agit bien d'empreintes de sauropodes géants.

    La découverte est le fait de promeneurs mais n'est pas due au hasard. Depuis longtemps, des membres de la Société des naturalistes d'Oyonnax (SDNO) explorent systématiquement plusieurs sites de cette région, dans l'Ain, pour y chercher des trésors paléontologiques. L'idée était bonne, puisqu'en avril 2009, Marie-Hélène Marcaud et Patrice Landry ont repéré près de Plagne d'énormes traces de pas de dinosaures d'un diamètre compris entre 1,20 et 1,50 mètre.

    Ces naturalistes avisés ont tout de suite contacté le laboratoire Paléoenvironnements et Paléobiosphères (CNRS / université Claude BernardClaude Bernard Lyon 1) et deux chercheurs, Jean-Michel Mazin et Pierre Hantzpergue, ont commencé l'étude du site.

    Une empreinte dans le calcaire, laissée il y a 150 millions d'années par un dinosaure sauropode qui devait jauger au moins 30 tonnes. © Photothèque CNRS / Raguet Hubert

    Une empreinte dans le calcaire, laissée il y a 150 millions d'années par un dinosaure sauropode qui devait jauger au moins 30 tonnes. © Photothèque CNRS / Raguet Hubert

    Les fouilles commencent...

    Les empreintes prennent la forme de dépressions circulaires entourées d'un bourrelet calcaire. Cette roche date du Jurassique supérieur, 150 millions d'années avant le présent (du Tithonien, plus précisément, dernière époque du Jurassique). Durant cette période, bien avant le soulèvement des Alpes, la région est recouverte à plusieurs reprises par une mer peu profonde. C'est pendant une phase d'émersion que ces traces de pas ont été laissées.

    À cause de leur forme et de leur diamètre, les paléontologuespaléontologues les attribuent à des sauropodes de grande et même de très grande taille. Les dinosaures qui se sont promenés là devaient peser entre trente et quarante tonnes et mesurer plus de 25 mètres de longueur.

    L'équipe au complet : à gauche, les découvreurs, Marie-Hélène Marcaud et Patrice Landry, et à droite, Pierre Hantzpergue (université Lyon 1) et Jean-Michel Mazin (CNRS Lyon). © Photothèque CNRS / Raguet Hubert

    L'équipe au complet : à gauche, les découvreurs, Marie-Hélène Marcaud et Patrice Landry, et à droite, Pierre Hantzpergue (université Lyon 1) et Jean-Michel Mazin (CNRS Lyon). © Photothèque CNRS / Raguet Hubert

    Le travail scientifique ne fait que commencer. Les empreintes sont très nombreuses et s'étendent sur une grande surface, peut-être de plusieurs centaines de mètres de longueur. Le site s'avère donc exceptionnel, par la taille des traces (ce sont les plus grandes au monde) et par leur nombre.

    Il faut désormais entamer des fouilles systématiques et minutieuses pour les repérer toutes. Les équipes du CNRS et de l'université Lyon 1 y participeront mais aussi des membres de la SDNO.