Plus d’un siècle après la découverte de mystérieuses dents fossilisées, l’espèce dont elles proviennent vient d’être identifiée. Il s’agit de Megaconus mammaliaformis, un mammalien qui a vécu voilà 165 millions d’années. De la taille d’un rat, l’animal ne pouvait pas monter aux arbres, mais gare à celui qui tentait de l’attraper.

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    En Chine, il y a plus d'un siècle, des paléontologuespaléontologues ont découvert des dents fossilisées portant de hautes cuspides (les crêtes au sommet de la dentinedentine). Elles devaient appartenir à l'un des premiers mammifères. Mais auquel ? Le mystère est resté entier jusqu'à cette année, grâce à la description d'un nouveau fossile mis au jour dans la formation géologique de Tiaojishan, au sein de la Région autonome de Mongolie-intérieure. Le site de Daohugou, le lieu précis de la découverte, a déjà fait parler de lui par le passé, puisque plusieurs mammaliens, parmi lesquels figurent les ancêtres des mammifères modernes, y ont été exhumés (Castorocauda ou Volaticotherium antiquus, entre autres).

    Âgé de 164 à 165 millions d'années (Jurassique moyen), le nouveau fossile a été caractérisé par Chang-Fu Zhou du Musée paléontologique du Liaoning (Chine), qui est également l'auteur principal d'un article paru dans la revue Nature. Le chercheur a utilisé la microscopie classique et la microtomographie par rayons Xrayons X. Ses résultats interpellent, puisqu'il a trouvé des caractères primitifscaractères primitifs, mais aussi modernes.

    Par exemple, l'oreille moyenneoreille moyenne de l'animal, dont les osselets ont été parfaitement conservés, est en relation avec la mâchoire inférieure. De plus, une transition graduelle de la forme des vertèbres est visible au niveau de la région thoracolombaire de la colonne vertébrale (parties centrale et lombaire du dosdos), tandis que les os de la hanche présentent des caractéristiques non observées depuis des millions d'années. Donc oui, c'est bien un mammalien, mais...

    Le fossile parfaitement conservé de <em>Megaconus mammaliaformis</em> fait maintenant partie des collections du Musée paléontologique du Liaoning (Chine). © Zhe-Xi Luo, université de Chicago

    Le fossile parfaitement conservé de Megaconus mammaliaformis fait maintenant partie des collections du Musée paléontologique du Liaoning (Chine). © Zhe-Xi Luo, université de Chicago

    Mammalien équipé d’éperons empoisonnés

    Les dents, les mêmes que celles trouvées voilà plus d'un siècle, soulèvent certaines interrogations. Les molairesmolaires antérieures sont étonnamment larges, ce qui est utile pour broyer des végétaux coriaces. Pour leur part, les molaires postérieures possèdent des cuspides alignées longitudinalement, de quoi permettre à l'animal de couper des végétaux en réalisant des mouvementsmouvements axés sur l'alignement des dents. Or, il s'agit de caractères dérivéscaractères dérivés que l'on a retrouvés chez les multituberculés, puis chez des mammifères modernes (des rongeurs). Un autre point étonne à ce stade : les mammaliens sont surtout connus pour être des insectivores, et non des herbivoresherbivores.

    Sur la base de ces informations, Megaconus mammaliaformis, son nom scientifique, a été classé dans la famille des éleuthérodontidés. La présence des molaires spécialisées montrerait que ce caractère est apparu à plusieurs reprises dans différents taxonstaxons indépendants au cours de l'évolution. Ainsi, il n'est pas propre aux mammifères modernes, comme le fait d'arborer une fourrure douce. En effet, le fossile décrit par Chang-Fu Zhou possède clairement des marques de poils sur tout le corps.

    Finalement, qui était Megaconus mammaliaformis ? L'auteur nous en a dressé une description complète. L'animal avait approximativement la taille d'un rat, pour un poids estimé de 250 g. Il se déplaçait en marchant au sol, car il ne pouvait ni grimper aux arbres, ni sauter de branche en branche. En cause : la fusionfusion de ses tibiastibias et de ses péronéspéronés limitait la flexibilité de ses pattes arrière. Ainsi, le mammalien était particulièrement exposé aux prédateurs, mais il n'était pas une proie facile pour autant. Il possédait des éperons connectés à des glandes à venin sur ses membres postérieurs. Un mécanisme de défense parfait !