Ocepechelon bouyai est une tortue du Crétacé découverte dans la « mer des Phosphates », des dépôts situés au Maroc. L’animal, décrit pour la première fois le mois le dernier, disposait d’un museau tubulaire unique en son genre. Son anatomie suggère que cette tortue se nourrissait en aspirant ses proies.

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    Reconstitution de la tortue Ocepechelon bouyai, réalisée à partir du fossile découvert dans les dépôts de phosphates du Maroc. © Letenneur C., Muséum national d'histoire naturelle

    Reconstitution de la tortue Ocepechelon bouyai, réalisée à partir du fossile découvert dans les dépôts de phosphates du Maroc. © Letenneur C., Muséum national d'histoire naturelle

    Les recherches d'un groupe de scientifiques français, marocains et belges, publiées en juillet dans la revue Plos One, fournissent la description d'une tortue marine géante, Ocepechelon bouyai, découverte dans les dépôts de phosphates de la fin du Crétacé au Maroc (bassin d'Ouled Abdoun). Elle a vécu au Maastrichtien supérieur voilà 67 millions d'années. Cette tortue fossile montre par ailleurs des adaptations uniques et poussées à la vie aquatique, caractérisées par un dispositif d'alimentation par aspiration sans précédent parmi les vertébrés tétrapodes (vertébrés munis de doigts).

    Le retour à la vie aquatique est l'un des phénomènes évolutifs majeurs dans l'histoire des vertébrés. Ce phénomène s'accompagne d'importantes modifications morphologiques, physiologiques et comportementales, en particulier en ce qui concerne l'alimentation. À l'instar des mammifères marins fossiles et actuels (cétacés, pinnipèdes, siréniens), les reptilesreptiles marins du MésozoïqueMésozoïque (tortues, crocodilescrocodiles, ichthyosauresichthyosaures, plésiosaures, mosasauresmosasaures) présentaient un large éventail d'adaptations à divers modes de nutrition. Malgré cette grande diversité, l'alimentation par aspiration est extrêmement rare chez les reptiles marins du Mésozoïque, tout en étant une stratégie commune chez les vertébrés aquatiques.

    Vues dorsale (à gauche) et ventrale (à droite) du crâne d'<em>Ocepechelon bouyai</em>, une tortue du Crétacé mise au jour au Maroc. On distingue son museau tubulaire. © Bardet <em>et al</em>., <em>Plos One</em>,<em> </em>2013

    Vues dorsale (à gauche) et ventrale (à droite) du crâne d'Ocepechelon bouyai, une tortue du Crétacé mise au jour au Maroc. On distingue son museau tubulaire. © Bardet et al., Plos One, 2013

    Cette récente découverte met en perspective les particularités d'une telle tortue géante. Le crânecrâne de 70 cm de long d'Ocepechelon bouyai en fait l'une des plus grandes tortues de haute mer jamais décrites, et son anatomieanatomie très particulière l'écarte spectaculairement de la morphologiemorphologie crânienne typique des tortues. En effet, son long museau tubulaire se terminant par une petite bouche arrondie et ouverte vers l'avant montre des similitudes frappantes avec le becbec allongé des poissonspoissons syngnathidés (hippocampeshippocampes). Une telle morphologie du museau en « pipettepipette » n'est observée chez aucun autre tétrapode connu, aussi bien actuel que fossile.

    La tortue Ocepechelon, véritable aspirateur de proies

    D'autre part, la grande taille d'Ocepechelon, ses mâchoires allongées sans structure particulière pour traiter les aliments et ses narinesnarines reculées très haut sur le crâne rappellent certains cétacés, en particulier les baleines à bec. Cette anatomie suggère une adaptation extrême à une capture par aspiration de proies de petite taille, jusqu'alors totalement inconnue chez les tortues tant actuelles que fossiles.

    Au sein des tortues marines (les chélonioïdés), Ocepechelon est plus proche de la famille de la tortue luth actuelle (les dermochélyidés) et d'une famille de tortues du CrétacéCrétacé (les protostégidés, tortues représentées par la fameuse forme géante Archelon) que de celle des autres tortues marines actuelles (les chéloniidés).

    C'est ainsi que cette nouvelle tortue, témoin fossile d'une spécialisation écologique unique, illustre non seulement l'importante radiation des tortues marines chélonioïdées au cours du Crétacé supérieur, mais également l'incroyable diversité et l'abondance des vertébrés marins qui peuplaient cette « mer des Phosphates » à l'extrême fin du Mésozoïque, juste avant l'extinction de masseextinction de masse de la limite Crétacé-PaléogènePaléogène