Des milliards de tonnes de boue recouvrent désormais cinq villages de l’île de Java et en menacent directement une dizaine d’autres. Une catastrophe naturelle… vraisemblablement provoquée par l’homme.

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    Image Formosat-2 du 26 septembre 2008. En 1, une ouverture vient de se produire dans la digue est. En 2, les boues s'écoulent du bassin sud. Notez la coloration des eaux de la rivière. Crédit NSPO/Spotimage

    Image Formosat-2 du 26 septembre 2008. En 1, une ouverture vient de se produire dans la digue est. En 2, les boues s'écoulent du bassin sud. Notez la coloration des eaux de la rivière. Crédit NSPO/Spotimage

    L'histoire débute le 28 mai 2006 dans le bassin minier de JavaJava Est, une zone de quelque 7.250 km² renfermant trois importantes réserves pétrolières et gazières, Tanggula Angin, Carat et Wunut. Elles sont exploitées par trois compagnies, l'australienne Santos Ltd et les indonésiennes Medco Energi et PT Lapindo Brantas, cette dernière ayant en charge la synchronisation des activités, ainsi que l'exploration du site.

    Alors que celle-ci procédait à un forage exploratoire visant à situer une poche de gaz naturel, la tête de forage, qui venait de traverser une épaisse couche d'argile entre 500 et 1.300 mètres de profondeur, puis des sables, des schistes et des débris volcaniques, se bloquait dans une couche de roches de carbonate perméables à 2.834 mètres. Pendant que le personnel tentait de la dégager, une éruption de boue se produisait soudain à 200 mètres au sud-ouest.

    Cinq jours plus tard, le 2 juin, une nouvelle éruption surgissait à 800 mètres cette fois au nord-ouest du site, puis le lendemain à 1.000 mètres dans la même direction. Au cours de ces manifestations, du sulfure d'hydrogènesulfure d'hydrogène était détecté.

    La coulée semble ne jamais devoir s'arrêter...

    Depuis, le dégagement de boues s'est amplifié au point d'atteindre de 50.000 à 130.000 mètres cubes par jour. Plus de 25 km² ont été recouverts, engloutissant cinq villages, une autoroute ainsi que de nombreux champs cultivés. Des dizaines de milliers de cultivateurs, ruinés, réclament compensation auprès de la PT Lapindo Brantas, dont le propriétaire n'est autre que... Aburizal Bakrie, ministre du Bien-Etre Populaire de Java.

    Par-delà la digue, la boue... Crédit Commons

    Par-delà la digue, la boue... Crédit Commons

    Les autorités locales contestent la responsabilité humaine de cette catastrophe, l'attribuant à des évènements naturels. Un séisme de magnitudemagnitude 4 s'était effectivement produit deux jours plus tôt et est pointé du doigt. Mais son épicentreépicentre se situait à 280 kilomètres de là, une trop grande distance pour être directement ressenti par l'homme.

    Selon les experts, le percement de la couche de carbonate aurait provoqué le relâchement d'une quantité phénoménale de vapeur d'eau sous pressionpression, qui aurait ensuite érodé l'argile des couches supérieures en se frayant un passage vers la surface, entraînant l'apparition de rivières de boues.

    Jeudi 30 octobre dernier, la question est revenue sur le tapis à l'occasion d'un congrès international de géologiegéologie pétrolière en Afrique du Sud. Sur les 74 géologuesgéologues présents, 55 reconnaissent un lien entre le forage et l'éruption de boue, tandis que 16 estiment les données insuffisantes pour pouvoir se prononcer. Seulement 3 nient toute implication humaine et accusent le tremblement de terretremblement de terre survenu 48 heures plus tôt. L'enjeu est de taille, puisque la somme des compensations exigées par les agriculteurs pour la perte de leurs exploitations est estimée à quelque 500 millions de dollars, que la PT Lapindo Brantas pourrait être invitée à rembourser.

    Beaucoup de mesures, peu d'effet

    En attendant, toutes les mesures prises par les pétroliers pour tenter d'endiguer ce torrenttorrent de boue ont échoué. Sous le poids, le lac de boue a déjà commencé à s'affaisser, tendant à former un cratère. Des digues ont été élevées à sa périphérie afin de la diriger vers la rivière après l'avoir mélangée à de l'eau pour faciliter son écoulement.

    Aujourd'hui, le lit de la rivière a déjà diminué de moitié, encombré par les dépôts de boue. Celle-ci, naturellement enrichie en hydrocarbureshydrocarbures et métauxmétaux lourds, contamine les élevages de crevettes qui dépendent de la rivière et dont le personnel se retrouve au chômage technique, plus aucun pays n'acceptant d'importer ce produit.

    L’évolution du site durant les premiers mois d'écoulement de la boue (<em>mud flow</em>). Les digues (<em>mud containment walls</em>) n'arrêtent pas la boue mais la dirige vers la rivière. Notez les élevages de crevettes (<em>shrimp farms</em>) à droite de la zone. Crédit Nasa

    L’évolution du site durant les premiers mois d'écoulement de la boue (mud flow). Les digues (mud containment walls) n'arrêtent pas la boue mais la dirige vers la rivière. Notez les élevages de crevettes (shrimp farms) à droite de la zone. Crédit Nasa

    D'autres projets existent. L'idée de jeter de grosses boules de bétonbéton dans le cratère afin d'endiguer la résurgence des boues a été abandonnée, de crainte d'augmenter encore la pression exercée sur le sous-sol avec on ne sait quelles conséquences... Une autre idée, japonaise, consisterait à construire une énorme cheminéecheminée de 40 mètres de hauteur tout autour du cratère, puis de la recouvrir d'un toittoit. Les scientifiques sont sceptiques...

    D'autres séismes ont déjà été provoqués par l'activité humaine... En décembre 2006, la Terre avait déjà marqué son mécontentement lors de la constructionconstruction d'une centrale géothermiquecentrale géothermique en Suisse. Mais en tout état de cause, à Java les géologues sont unanimes : la situation pourrait durer encore plusieurs décennies.