Relier au système nerveux d'une personne amputée les moteurs et les capteurs sensoriels d'une prothèse : ce n'est plus de la science-fiction. Depuis des années, des chercheurs y travaillent et ont franchi plusieurs caps.

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    Entre la jambe artificielle et le corps humain sur lequel elle est fixée, un fin cordon de quelques centimètres ne contient aucun fil électriquefil électrique mais des fibres nerveusesfibres nerveuses. Côté prothèseprothèse, les neuronesneurones vivent sur une puce électronique. Dans un sens, les fibres transmettent les commandes venues du cerveaucerveau pour actionner les moteurs de la prothèse, qui font office de muscles. Dans l'autre sens, des neurones envoient vers le système nerveux des signaux en provenance de différents capteurscapteurs (pression, température...). Voilà, certains en sont sûrs, la prothèse de prochaine génération.

    L'équipe dirigée par Douglas H. Smith, à l'Ecole de médecine de l'université de Pennsylvanie, n'en est pas encore là. Mais elle s'en approche... Une récente publication dans la revue Surgery résume plusieurs années de travaux et expose les derniers développements. Les scientifiques sont parvenus à faire pousser, en culture, des neurones sur deux surfaces planes accolées. L'une porteporte un ensemble d'électrodes et l'autre une puce électronique. Les neurones commencent leur croissance sur ces deux surfaces. Mais le plateau portant la puce électronique est mobilemobile. Son mouvement extrêmement lent est piloté par un ordinateurordinateur. Il lui faut plusieurs jours pour parcourir un centimètre. Les deux masses de cellules se trouvent séparées mais, en bons neurones qu'elles sont, elles font croître leurs extensions nerveuses et un ensemble d'axones (qui transmettent l'influx nerveuxinflux nerveux issu du neurone, et qui, dans l'organisme, constituent les nerfsnerfs).

    A gauche, les neurones poussent sur une puce électronique et ceux vivant à droite croissent sur un faisceau d'électrodes. Entre les deux, des fibres nerveuses (des axones) grandissent lentement tandis que le plateau de gauche s'éloigne à vitesse très faible. Le gros plan montre un microphotographie de ces fibres. Quand la longueur obtenue est suffisante, l'interface bionique est fabriquée. Crédit : Douglas Smith, MD, <em>University of Pennsylvania School of Medicine</em>

    A gauche, les neurones poussent sur une puce électronique et ceux vivant à droite croissent sur un faisceau d'électrodes. Entre les deux, des fibres nerveuses (des axones) grandissent lentement tandis que le plateau de gauche s'éloigne à vitesse très faible. Le gros plan montre un microphotographie de ces fibres. Quand la longueur obtenue est suffisante, l'interface bionique est fabriquée. Crédit : Douglas Smith, MD, University of Pennsylvania School of Medicine

    Entre les deux surfaces finit par se constituer un faisceau d'axones. Ce n'est pas exactement un nerf puisqu'il transmet l'influx nerveux dans les deux sens. Un nerf est, lui, unidirectionnel. Les nerfs moteurs, par exemple, envoient vers les muscles l'influx nerveux venant du cerveau. Mais ici, il y a des neurones de part et d'autre et tous envoient leurs axones vers l'autre côté.

    L'équipe de Douglas Smith a démontré que les neurones poussant sur la puce électronique peuvent transmettre les signaux électriques envoyés dans le circuit. Dans un travail précédent, elle avait transplanté cette sorte d'interface bionique chez un rat.

    Les conditions sont maintenant réunies pour passer à l'étape suivante et tester la possibilité de rendre cette interface fonctionnelle. Chez l'animal, il s'agit de s'assurer que les neurones transplantés peuvent effectivement être réunis au système nerveux de l'organisme et transmettre l'influx dans un sens ou dans les deux, par exemple pour restaurer une activité motrice. On pourrait aussi espérer utiliser cette interface pour contourner une lésion de la moelle épinièremoelle épinière et commander un membre paralysé.