Depuis octobre 2014, une équipe d’archéologues de l’Inrap fouille, sur prescription de l’État (Drac Champagne-Ardenne), une remarquable tombe celte datée du début du Ve siècle avant notre ère et découverte dans un tumulus exceptionnel, à Lavau (Aube).

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    Au centre d'un tumulus de 40 mètres de diamètre, un défunt et son char reposent au cœur d'une vaste chambre funéraire de 14 m2, une des plus vastes recensées par les archéologues pour cette période de la fin du premier âge du fer (le Hallstatt). Sous les niveaux d'effondrementeffondrement du tumulus, la tombe contient des dépôts funéraires d'une richesse digne des plus hautes élites hallstattiennes. Disposés dans un angle, les objets les plus fastueux se composent de bassins, d'une cisteciste (seau) en bronze, d'une céramiquecéramique fine au décor cannelé, d'un coutelas dans son fourreau. La pièce maîtresse du dépôt funéraire est un chaudronchaudron en bronze d'environ 1 mètre de diamètre.

    Fouille d'un chaudron en bronze d'un mètre de diamètre provenant de la tombe princière, datée du début du V<sup>e</sup> siècle avant notre ère. © Denis Gliksman, Inrap

    Fouille d'un chaudron en bronze d'un mètre de diamètre provenant de la tombe princière, datée du début du Ve siècle avant notre ère. © Denis Gliksman, Inrap

    Une tombe princière exceptionnelle

    Ses quatre ansesanses circulaires sont ornées de têtes d'Acheloos, dieu-fleuve grec ici représenté cornu, barbu, avec des oreilles de taureau et une triple moustachemoustache. Le bord du chaudron est également décoré de huit têtes de lionnes. L'œuvre est étrusque ou grecque. À l'intérieur du chaudron repose une oenochoé en céramique attique à figures noires : Dionysos allongé sous une vigne fait face à un personnage féminin. Il s'agirait d'une scène de banquet, un thème récurrent de l'iconographie grecque. La lèvre et le pied de cette cruche sont sertis d'une tôle d'or, soulignée d'un décor de méandres en filigrane. Elle est la plus septentrionale à ce jour. Ce service à boisson d'origine gréco-italique reflète les pratiques de banquet des élites aristocratiques celtiques.

    Cruche à vin grecque dont le décor représente Dionysos dans une scène de banquet. © Denis Gliksman, Inrap

    Cruche à vin grecque dont le décor représente Dionysos dans une scène de banquet. © Denis Gliksman, Inrap

    Principautés celtiques et cités-États étrusques ou grecques

    La fin du VIe siècle et le début du Ve siècle avant notre ère sont marqués par le développement de l'activité économique des cités-États étrusques et grecques d'Occident, Marseille en particulier. À la recherche d'esclaves, de métauxmétaux et de biens précieux (dont l'ambre), les commerçants méditerranéens entrent en contact avec les communautés celtiques continentales. Celles maitrisant les voies naturelles de communication, en particulier dans la zone des interfluves Loire-Seine-Saône-Rhin-Danube, profitent de ce trafic et voient leurs élites acquérir de nombreux biens de prestige dont les plus remarquables sont retrouvés enfouis dans de monumentales tombes tumulaires - à La Heuneburg et Hochdorf en Allemagne par exemple, à Bourges, Vix et maintenant Lavau, en France.

    Une autre vue du chaudron en bronze aux anses décorées du dieu grec Achéloos. © Denis Gliksman, Inrap

    Une autre vue du chaudron en bronze aux anses décorées du dieu grec Achéloos. © Denis Gliksman, Inrap

    Un espace funéraire, lieu mémoriel

    La vocation funéraire de ce site est remarquable, notamment par sa pérennité. Des tombes à incinération et des tertres circulaires délimités par des fossés sont mis en place dès la fin de l'âge du bronze (vers 1300 à 800 avant notre ère). Leur succède, au cours du premier âge du fer, un guerrier et son épée en fer ainsi qu'une femme parée de bracelets en bronze massif. Vers 500 avant notre ère, des fossés de près de trois mètres de profondeur unissent au sein d'un même ensemble monumental ces anciens monuments funéraires et le récent tumulus princier. Cet espace mémoriel est encore en usage à la période gallo-romaine : les fossés du tertre sont curés, des sépultures antiques occupent désormais l'espace.

    Vue aérienne du grand fossé ceinturant le tumulus princier daté du début du V<sup>e </sup>siècle avant notre ère, à Lavau (Aube), 2015. © Denis Gliksman, Inrap

    Vue aérienne du grand fossé ceinturant le tumulus princier daté du début du Ve siècle avant notre ère, à Lavau (Aube), 2015. © Denis Gliksman, Inrap

    La connaissance des principautés celtiques renouvelée

    La fouille de la sépulturesépulture de Lavau renouvelle aujourd'hui la recherche et nos connaissances sur le phénomène princier du premier âge du fer en Europe occidentale. Mieux conservée que les tombes à char de Vix (Côte-d'Or) et d'Hochdorf dans le Bade-Wurtemberg (Allemagne), celle de Lavau bénéficie aujourd'hui des dernières méthodologies et techniques développées par l'Inrap et déjà mises en œuvre lors de la fouille de la tombe à char de Warcq (Ardennes). Ainsi une équipe interdisciplinaire, d'une grande complémentarité, œuvre sur le terrain, pour faire de ce chantier une opération préventive exemplaire.