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    À la fin du XIXe siècle, un neurologue russe, Sergei Korsakoff, remarque un trouble spectaculaire de la mémoire chez ses patients alcooliques chroniques : une amnésieamnésie générale.

    Les troubles de la mémoire comme l'amnésie, comment les guérir ? © Lightspring, Shutterstock

    Les troubles de la mémoire comme l'amnésie, comment les guérir ? © Lightspring, Shutterstock

    Voici une des descriptions par Sergei Korsakoff : « C'était un malade de trente-sept ans, un écrivain russe, qui avait pris l'habitude dans ses voyages en Sibérie de boire beaucoup d'eau-de-vie (de grain). [...] Il absorbait néanmoins une quantité considérable d'eau-de-vie.[...] Les amis du malade finirent par remarquer que sa mémoire devenait plus faible. [...] Le malade oubliait complètement ce qui lui était arrivé récemment ; il ne pouvait dire s'il avait mangé ce jour-là, si quelqu'un était venu le voir. Ce qui venait de se passer cinq minutes auparavant, il ne pouvait s'en souvenir. [...] Ce qui s'était passé bien avant la maladie, le malade s'en souvenait parfaitement et en donnait des détails ; mais tout ce qui avait eu lieu vers le commencement de la maladie, le malade se le rappelait confusément. Ainsi par exemple, il avait commencé une nouvelle au mois de juin et en avait déjà écrit plus de la moitié, et, à cette heure, il ne se souvenait plus du dénouement qu'il avait voulu lui donner. »

    C’est en Russie que le neurologue Sergei Korsakoff découvre une amnésie générale liée à la consommation excessive d’alcool. © DP
     
    C’est en Russie que le neurologue Sergei Korsakoff découvre une amnésie générale liée à la consommation excessive d’alcool. © DP

    Et ainsi pour plusieurs de ses patients : ils sont capables d'un rappel immédiat ; dans les théories actuelles, ils ont une mémoire à court terme. De même, ils sont capables d'évoquer des souvenirs anciens ; ils ont donc également une mémoire à long terme. Mais tout se passe comme s'il n'y avait plus d'enregistrement à long terme. Cette amnésie est dite antérograde générale, car elle empêche toute nouvelle information, mot, image, visage, d'être stockée à long terme. En l'honneur de son découvreur, on l'appelle l'amnésie de Korsakoff. Les malades vivent donc dans leur passé et dans un présent qui se renouvelle sans cesse. Un amnésique de Korsakoff qui met du sucresucre dans son café ne s'en rappellera plus lorsque le sucre aura fondu, et en remettra sans arrêt. Tel patient ne peut jouer aux cartes, car il ne peut se souvenir des cartes qui sont tombées sur le tapis. Mais à l'inverse, si un malade de Korsakoff savait jouer (avant sa maladie) au jeu d'échecs, il peut continuer à jouer, car les pièces sont devant lui sur l'échiquier et il n'a pas à les mémoriser.

    Neurones de l’hippocampe chez un rat. L’hippocampe est l’enregistreur des nouveaux épisodes dans notre mémoire. © Saikali, Lieury, 2013

    Neurones de l’hippocampe chez un rat. L’hippocampe est l’enregistreur des nouveaux épisodes dans notre mémoire. © Saikali, Lieury, 2013

    Zones responsables de l'amnésie de Korsakoff : hippocampes

    Cependant, les lésions étant multiples dans la pathologiepathologie alcoolique, c'est la neurochirurgieneurochirurgie associée à des tests de mémoire qui permit d'identifier clairement la zone responsable de l'amnésie de Korsakoff. Ce sont les Canadiens William Scoville, neurochirurgien, et Brenda Milner, neuropsychologue, qui montrèrent que l'amnésie était systématiquement provoquée lors de la destruction au niveau temporaltemporal d'une zone appelée « hippocampe », car cette structure ressemble au petit poissonpoisson en forme de cheval (Scoville & Milner, 1957).

    En particulier, Brenda Milner (1970) a décrit le cas spectaculaire de H. M., un jeune homme opéré des deux hippocampeshippocampes pour arrêter des épilepsiesépilepsies graves. Depuis son opération, il est incapable d'apprendre des informations nouvelles, il lit les mêmes journaux, ne se souvient pas de la nouvelle adresse de ses parents, etc., mais son intelligenceintelligence et ses souvenirs antérieurs restent intacts. Notre hippocampe possède 40 millions de neuronesneurones, c'est-à-dire 40 millions d'archivistes dévoués dont la mission est de sauvegarder nos souvenirs !

    La destruction des hippocampes peut être provoquée par la maladie d’Alzheimer. © LSDB, <em>Wikimedia Commons</em>, CC by-sa 2.1

    La destruction des hippocampes peut être provoquée par la maladie d’Alzheimer. © LSDB, Wikimedia Commons, CC by-sa 2.1

    Sauf traumatisme particulier (accidentaccident de voiturevoiture) ou accident vasculaire, l'hippocampe est le plus fréquemment détruit par l'alcool, mais aussi par des droguesdrogues (cocaïne, etc.). La maladie d’Alzheimer est également caractérisée par une destruction de l'hippocampe qui maintient le patient dans le passé.