Quand dans une réception les verres s’entrechoquent et les invités discutent en petits groupes, il est plus difficile de se concentrer sur une conversation. Heureusement, la voix du conjoint se distingue particulièrement des autres. Mais peut aussi très facilement être ignorée…

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    On reproche parfois à certaines personnes d'avoir une oreille sélective. Mais cette capacité se révèle être un atout lorsque l'on tente de suivre le fil d'une discussion dans une ambiance particulièrement bruyante. D'après les conclusions d'une étude publiée dans Psychological Science, la nature nous aurait dotés de la capacité de distinguer plus clairement la voix de nos proches au milieu du brouhaha. À l'inverse, si on ne veut plus l'entendre, on peut plus facilement l'ignorer. Jusqu'à un certain âge...

    Le contexte : entendre des voix, mais surtout la bonne

    Le cerveau n'en fait qu'à sa tête. Et souvent, cela nous arrange bien. Notre environnement regorge d'informations diverses et variées, que nos sens reçoivent en permanence. La plupart d'entre elles nous sont peu utiles, mais quelques-unes sont parfois cruciales. Par exemple, lorsqu'au milieu des senteurs alléchantes d'un bon repas qui se prépare, des odeurs de brûlé inondent nos narines, nous réagissons vite pour stopper la combustioncombustion. Notre cerveau doit donc savoir faire le tri entre l'utile et le futile.

    Il en va de même lorsque quelqu'un tient une discussion, alors qu'autour de lui, d'autres voix dialoguent entre elles, bien que l'on ignore encore exactement les mécanismes qui entrent en jeu. Ingrid Johnsrude, de l'université Queen’s (Kingston, Canada), s'est demandée si le fait de discuter avec une personne qui nous est familière pouvait favoriser le processus. Ainsi s'est-elle lancée dans une recherche qui montre qu'en effet, les voix connues aident notre cerveau à trier ce qu'il reçoit.

    L’étude : les seniors ne se détachent plus du discours de leur conjoint

    Qui de plus familier que la personne qui partage notre quotidien ? Les auteurs ont donc choisi d'interroger des couples mariés, les personnes étant âgées de 44 à 79 ans. Chacun des membres était invité à lire un texte tout en s'enregistrant. Plus tard, les volontaires, équipés d'un casque audio, étaient amenés à écouter le discours de leur conjoint diffusé en même temps que les mots d'une personne inconnue.

    Dans certains cas, leur mission était de retranscrire les propos de leur proche. Dans d'autres, il fallait faire état de ce que leur racontait un anonyme. Enfin, ils écoutaient parfois deux inconnus et devaient se focaliser sur une seule des deux voix.

    Les seniors amoureux n'arrivent plus à faire abstraction de la voix de leur conjoint. Probablement un mécanisme pour compenser la perte auditive liée à l'âge. © Adwriter, Flickr, cc by nc 2.0

    Les seniors amoureux n'arrivent plus à faire abstraction de la voix de leur conjoint. Probablement un mécanisme pour compenser la perte auditive liée à l'âge. © Adwriter, Flickr, cc by nc 2.0

    Les performances ne sont jamais aussi bonnes que lorsqu'il s'agit d'écouter sa moitié, et ce, quels que soient l'âge et le sexe des participants. En revanche, les auteurs ont noté des différences notables liées à l'âge lorsqu'il s'agit de discriminer des voix anonymes. Les quadragénaires et les quinquagénaires parvenaient mieux à distinguer le contenu du discours d'une personne non familière lorsqu'il était prononcé par-dessus la voix de leur conjoint. Comme s'ils pouvaient plus facilement faire abstraction de ce qu'ils connaissaient déjà. En revanche, les seniors ont montré bien plus de difficultés à se détacher du récit de l'être cher.

    L’œil extérieur : c’est pour mieux t’entendre, ma moitié

    Les chercheurs déduisent donc de leur travail que la familiarité est un paramètre qui entre en ligne de compte pour discriminer un discours particulier dans un environnement bruyant. Le cerveau organise la scène en fonction des paramètres qu'il connaît, et hiérarchise l’information à partir de son intention, à savoir écouter ou ignorer les paroles d'un interlocuteur qui lui est proche.

    Mais cette capacité semble évoluer au cours du temps, à tel point que les personnes âgées ne parviennent plus à éluder la voix de leur conjoint. Si l'on peut considérer que les seniors perdent cette aptitude, il s'avère que cela peut se révéler avantageux. En effet, avec l'âge et les troubles de l'audition, il devient de plus en plus difficile de distinguer les voix au milieu d'une ambiance sonore. Alors quitte à ne plus pouvoir se détacher d'une voix, autant que ce soit celle de la personne partageant le quotidien.