Lors des infections urinaires qu'elles provoquent, les bactéries Escherichia coli commencent par développer des colonies à l'intérieur même des cellules de la vessie. Une tactique exceptionnelle déjà repérée chez la souris mais qui est désormais fortement soupçonnée chez l'Homme. Si elle se confirme, de nouvelles méthodes thérapeutiques découleront probablement de cette découverte.

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    Pourquoi le taux de récidive des cystites dépasse-t-il 40 % après un traitement antibiotique qui semble avoir eu raison de l'agent infectieux ? Parce que le coupable, en l'occurrence le colibacille Escherichia coliEscherichia coli (E. coli), pénètre à l'intérieur des cellules de la vessie et s'y multiplie, formant de véritables colonies dormantes qui produiront plus tard une nouvelle infection. L'hypothèse d'un développement intracellulaire de E. coli avait été formulée il y a une dizaine d'années mais semblait peu probable. La vessie, en effet, dresse une barrière entre son contenu et le reste du corps, afin d'éviter l'empoisonnement de l'organisme et aussi, justement, son infection par un éventuel agent pathogène présent dans l'urine. Il semblait logique de penser que E. coli ne pouvait franchir cette barrière.

    Manifestement, elle le fait, comme l'avait déjà suggéré des observations chez la souris. Dès 1998, Scott J. Hultgren avait en effet repéré des colibacilles à l'intérieur de cellules de la paroi interne de la vessie, y formant des colonies. Plus tard, il avait émis l'hypothèse que les bactéries, à l'intérieur des cellules, menaient une véritable coopération en formant des structures communautaires, appelées biofilms, qui les rendent plus résistantes aux attaques du système immunitairesystème immunitaire. Sous forme de longs filaments, les colibacilles finissent par sortir des cellules et se répandent à l'intérieur de la vessie, générant un nouvel épisode d'infection.

    Chez la souris au moins, le développement de la maladie s'appuierait donc sur deux pierres angulaires jusque-là insoupçonnées : la présence de colonies intracellulaires dormantes formant des réservoirs bactériens entre deux infections et la formation de ces biofilms capables de tenir la dragée haute au système immunitaire.

    Observé au microscope électronique, un filament bactérien présent chez une patiente atteinte de cystite.<br />© 2007 Rosen <em>et al.</em>

    Observé au microscope électronique, un filament bactérien présent chez une patiente atteinte de cystite.
    © 2007 Rosen et al.

    Doit-on allonger le traitement de la cystite ?

    David A. Rosen, de l'Université de Saint-Louis (Washington) et ses collègues (dont Scott J. Hultgren), viennent de démontrer que ce scénario pourrait aussi se dérouler chez l'être humain. Leurs résultats sont intégralement publiés en ligne par la revue Plos Medicine.

    L'observation n'est pas sans intérêt car E. coli serait responsable de 80 à 90 % des infections urinairesinfections urinaires. Parmi elles, la cystite (inflammationinflammation de la paroi interne de la vessie) est de loin la plus fréquente et touche particulièrement les femmes (à cause de la proximité entre l'anusanus, la voie génitale et la sortie de la voie urinaire, favorisant l'infection par des bactéries intestinales et vaginales). Plus d'une femme sur deux sera victime d'une cystite au cours de sa vie. La maladie, très gênante, reste souvent sans grande gravitégravité mais peut aussi évoluer vers une forme aiguë.

    L'équipe de Rosen a analysé les urines de 100 femmes, dont 80 présentaient des symptômessymptômes de la cystite et 20 avaient connu une infection récente. Par la microscopie électronique et des techniques d'immunofluorescence, les chercheurs ont mis en évidence des filaments bactériens chez 33 des 80 patientes atteintes de la maladie, soit 41 %. Des colonies intracellulaires étaient présentes chez 14 d'entre elles, soit 18 %, et, dans ce cas, des filaments bactériens étaient toujours présents. En revanche, chez les 20 patientes ne présentant pas de symptôme, aucun filament ni aucune colonie intracellulaire n'ont été trouvés.

    D'après les auteurs, la conclusion est que le modèle découvert chez la souris pourrait aussi être valable chez l'être humain, ou, au moins, chez certaines femmes. Conclusion pour les médecins : les analyses d'urine après une infection indiquant l'absence de bactéries ignorent ces réservoirs intracellulaires qui provoqueront peut-être une récidive quelque temps plus tard. Dans ses commentaires accompagnant la publication, Steven M. Opal, qui a supervisé le texte, explique que ces résultats, s'ils étaient confirmés, pourraient conduire à allonger les traitements après une infection.