Un principe actif dérivé d'un psychédélique, l'ibogaïne, pourrait conférer les mêmes effets potentiellement curatifs de ce dernier sans les effets indésirables. 


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    Préambule : l'article n'étant pas en libre accès (et n'étant pas disponible sur une plateforme massivement utilisée par nous autres scientifiques et journalistes scientifiques) la rédaction ne se porteporte pas garante de la qualité méthodologique de l'étude, étant donné que nous n'avons eu accès qu'au résumé de cette dernière. 

    L'Iboga est une racine qui contient plus d'une molécule hallucinogène. L'une d'entre elles, l'ibogaïne est un alcaloïde qui possède des propriétés anti-addictives chez l'animal et chez l'humain. Pour autant, l'utilisation empirique de cette moléculemolécule n'a donné lieu qu'à des témoignages anecdotiques et controversés concernant son efficacité dans la réalité complexe. Aucun essai clinique n'a jamais été réalisé pour vérifier la véracité des prédictions mécanistes. 

    Ceci est certainement dû aux nombreuses suspicions concernant sa sécurité et sa tolérance par notre organisme. Des chercheurs ont alors tenté d'identifier les éléments structurels de la molécule qui lui conféraient ses propriétés anti-addictives (dans une logique réductionniste) afin de donner un coup de pouce au développement clinique. Ils publient leurs résultats dans la revue Nature.

    À l'aide d'une conception chimique minutieuse, il est possible de modifier un composé psychédélique pour produire un variant plus sûr, non hallucinogène ayant un potentiel thérapeutique. © NDABCreativiy, Adobe Stock
    À l'aide d'une conception chimique minutieuse, il est possible de modifier un composé psychédélique pour produire un variant plus sûr, non hallucinogène ayant un potentiel thérapeutique. © NDABCreativiy, Adobe Stock

    Des résultats mécanistes cohérents 

    Depuis que l'on connait cette molécule, on pense qu'elle pourrait avoir des propriétés anti-addictives grâce à son action sur le cerveau. Plus précisément, sur l'activation d'une famille de gènes (les neurotrophines) codant pour une famille de protéines (les facteurs neurotrophes). Ces protéines sont principalement responsables de la croissance des neurones en développement et de l'entretien des neurones matures.

    Les scientifiques ont réussi à mettre au point un analogue de l'ibogaïne, soluble dans l'eau et dépourvu, en théorie, d'effets hallucinogènes et toxiques. Lorsqu'ils ont testé leur produit chez le rat, les résultats étaient cohérents avec les prédictions théoriques : la molécule favorise la plasticité neuronale structurelle, réduit les comportements visant à rechercher de l'alcoolalcool et de l'héroïne, et produit des effets de type antidépresseurantidépresseur.

    Les auteurs concluent que leurs travaux démontrent qu'à l'aide d'une conception chimique minutieuse, il est possible de modifier un composé psychédélique pour produire un variant plus sûr, non hallucinogène ayant un potentiel thérapeutique. Pour l'instant, les résultats sont à considérer au niveau mécaniste pour promouvoir le développement de protocoles cliniques. Ces derniers devraient nous en apprendre plus sur l'efficacité et la sûreté réelles de cet analogue.


    Un hallucinogène testé pour l'arrêt du tabac

    Article de Marie-Céline RayMarie-Céline Ray, le 29/09/2014

    La psilocybinepsilocybine contenue dans certains champignonschampignons hallucinogènes pourrait aider des fumeurs de longue duréedurée à arrêter de fumer. C'est le résultat d'une petite étude pilote qui a obtenu 80 % de réussite sur un échantillon de 15 fumeurs.

    Dans les années 1950-1970, des recherches avaient porté sur l'utilisation d'hallucinogènes pour traiter la dépendance aux drogues (alcool, opioïdesopioïdes). Ce champ d'étude prometteur avait été abandonné en raison des controverses suscitées par l'usage de tels produits. En 2012, des travaux ont suggéré qu'un traitement utilisant le LSD pouvait aider au sevrage alcooliquesevrage alcoolique. Un article récent paru dans Journal of Psychopharmacology donne les résultats d'une recherche menée à l'université Johns-Hopkins (Baltimore) basée sur l'emploi d'un principe actifprincipe actif des champignons hallucinogènes, la psilocybine, pour le sevrage tabagique. 

    Dans leur étude, les chercheurs ont recruté 10 hommes et 5 femmes en bonne santé. En moyenne, ceux-ci fumaient 19 cigarettes par jour et leur tabagisme s'étalait sur une durée de 31 ans. Les participants avaient tous essayé à plusieurs reprisesd'arrêter de fumer, sans succès. La première dose de psilocybine fut administrée sous la forme d'une pilule àchaque participantle jour où il décida d'arrêter de fumer ; il s'agissait d'une dose modérée de 20 mg/70 kgkg. Des doses plus élevées (30 mg/70 kg)leur ont étédonnées2 semaines et 8 semaines plus tard. S'ils le souhaitaient, les participants pouvaient ne recevoir que la dose modérée lors des deux dernières sessions. L'approche clinique comportait aussi une thérapiethérapie comportementale.

    Pendant chaque séance durant 6 à 7 h, les participants, qui pouvaient écouter de la musique et devaient se reposer,étaient suivis par des membres du personnel de recherche. Au bout de 6 mois, 12 participants sur 15 ontarrêté la cigarette. Du point de vue biologique, le mécanisme exact d'action de la psilocybine n'est pas connu. Mais une hypothèse est que la molécule aide à rompre le flux des pensées et des comportements addictifs qui sont ancrés chez l'individu ayant fumé pendant des années.

    Le protocole avec la psilocybine semble plus efficace pour arrêter de fumer que les autres thérapies existantes. © Tomasz Sienicki, Wikimedia Commons, cc by sa 3.0
    Le protocole avec la psilocybine semble plus efficace pour arrêter de fumer que les autres thérapies existantes. © Tomasz Sienicki, Wikimedia Commons, cc by sa 3.0

    La psilocybine semble plus efficace que les traitements anti-tabac

    Le taux de réussite dans cette expérience est de 80 % après 6 mois, bien meilleur que celui des thérapies existantes (si l'on ne tient pas compte de la petite taille de l'échantillon). Ainsi, la varénicline (Champix) donnerait environ 35 % de réussite, alors qu'elle est considérée comme le médicament le plus efficace pour l'arrêt du tabac. D'après Matthew Johnson, auteur de cette étude, les autres traitements - remplacement par de la nicotinenicotine et thérapies comportementales - auraient des taux de succès inférieurs à 30 %.

    Le traitement avec la psilocybine a conduit à des effets secondaires, comme une augmentation de la pression artériellepression artérielle, des maux de tête ou de l'anxiété. Toutefois, d'après les chercheurs, il a été possible de gérer ces effets secondaires avec une réponse médicale appropriée. D'ailleurs, les médicaments prescrits pour le sevrage tabagique (bupropion, varénicline), pris quotidiennement, peuvent  provoquer des nausées ou des insomniesinsomnies.

    Selon les termes de l'article, il ne faut pas voir dans ces résultats une incitation à prendre des drogues psychédéliques pour arrêter de fumer. On peut néanmoins imaginer qu'un médicament à base de psilocybine soit un jour administré dans le cadre d'un programme de sevrage tabagique impliquant aussi une thérapie comportementale. Cette étude n'ayant impliqué qu'un faible nombre de participants, il faut quand même rester prudent avant d'en extrapoler les résultats.