Selon une nouvelle étude américaine, une meilleure compréhension du mode d'action du venin de scorpion pourrait permettre, à terme, de développer de nouveaux insecticides basés sur le même processus, sans effet néfaste pour l'Homme.

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    Les scorpions ne laissent jamais indifférents, qu'on les trouve fascinants ou effrayants. Ces arthropodesarthropodes, cousins des araignées, peuvent en effet être assez impressionnants avec leurs huit pattes et leur taille parfois supérieure à 10 centimètres de long (et bien davantage pour les scorpions du paléozoïquepaléozoïque !). Ils sont en outre pourvus d'une arme qui leur procure une certaine tranquillité face à leurs adversaires, parfois bien plus gros qu'eux. 

    En plus de leurs chélicèreschélicères dotées de pinces, leur abdomen est prolongé en une queue généralement repliée, d'où se dresse un aiguillon venimeuxvenimeux. Si l'ensemble des scorpions synthétisent donc du venin (qui ne sont pas tous toxiques pour l'Homme), celui du scorpion du désertdésert israélien (ou Leiurus quinquestriatus) est l'un des plus redoutables. Ce scorpion, qui reste incognito grâce à sa couleurcouleur sablesable, se fait en revanche remarquer par sa piqûre qui provoque une violente douleur et peut même entraîner la mort des personnes sensibles... et surtout des insectesinsectes ! Un insecticideinsecticide potentiel en somme !

    Des toxines qui percent les cellules

    Il synthétise une moléculemolécule qui appartient à la famille des toxines β. Ces peptides, composés de 61 à 76 acides aminés, ont la particularité de s'attaquer au système nerveux et musculaire de la victime. Au niveau moléculaire, les scientifiques connaissent leur mode d'action : elles interfèrent spécifiquement avec les canaux ioniquescanaux ioniques situés en surface des cellules.

    Ces canaux ioniques, à sodiumsodium en particulier, sont des pores au niveau de la membrane plasmique, qui peuvent être en position ouverte ou fermée. Ils peuvent donc laisser passer des ionsions au travers de la membrane cellulairemembrane cellulaire et ces flux ont pour conséquence de provoquer l'excitation des cellules (neuronesneurones ou cellules musculairescellules musculaires). Les toxines β forcent l'ouverture de ces canaux et perturbent donc fortement l'équilibre physiologique des organes atteints par le venin.

    Le venin du scorpion est administré à ses victimes par son aiguillon. © Greg Kohuth (image du communiqué de l'université d'État du Michigan)

    Le venin du scorpion est administré à ses victimes par son aiguillon. © Greg Kohuth (image du communiqué de l'université d'État du Michigan)

    Cibler les canaux sodium des insectes

    « De façon intéressante, certaines toxines de scorpions affectent sélective ment un certain type de canal à sodium à l'exclusion des autres, explique Ke Dong, un toxicologiste et neurobiologiste de l'université d'État du Michigan. Le but de notre projet sur les toxines de scorpion est de comprendre pourquoi certaines  toxines de scorpion agissent sur les canaux à sodium d'insectes mais pas sur ceux des mammifèresmammifères. »

    Il est en effet important de mettre au point des molécules qui n'agissent que sur les cellules à éliminer, sans effet sur les autres organismes (comme pour les antibiotiques qui n'agissent que sur des processus cellulaires bactériens). Ke Dong et son équipe ont donc étudié plus en détails les effets du venin de ce scorpion sur les canaux sodium de la blatte germanique (Blattella germanica) dans le but de découvrir l'origine de la spécificité des venins.

    Des acides aminés particulièrement sensibles

    Des modifications génétiquesgénétiques ciblées permettant de substituer certains acides aminés du canal sodium de l'insecte, associées à des tests d'excitabilité des cellules par le venin du scorpion, ont permis aux chercheurs d'obtenir de nouvelles données, publiées dans la revue Journal of Biological Chemistry. Ils ont ainsi mis en évidence la grande importance de certains acides aminés dans des domaines très précis de la protéineprotéine (motifs S1 et S4 du domaine III de la sous-unitésous-unité α du canal).

    Ces données sont précieuses pour les chercheurs. Ils peuvent maintenant penser à développer de nouvelles molécules aux propriétés insecticides, qui agiront spécifiquement sur ces régions protéiques, sans aucun effet pour l'Homme. Ils espèrent ainsi résoudre le problème de la résistancerésistance croissante des insectes aux pesticidespesticides.