Le microbiote digestif est un acteur incontestable de la santé. Dans une nouvelle étude, des chercheurs montrent que le régime alimentaire peut modifier très rapidement sa composition chez l’Homme. Cette découverte pourrait conduire au développement de thérapies basées sur l’alimentation pour soigner les pathologies influencées par les bactéries digestives.

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    Escherichia coli, une bactérie intestinale présente chez les mammifères, au microscope électronique. Le microbiote digestif participe à la physiologie des animaux. Pourra-t-on un jour contrôler sa composition et soigner certaines maladies ? © Microbe World, Flickr, cc by nc sa 2.0

    Escherichia coli, une bactérie intestinale présente chez les mammifères, au microscope électronique. Le microbiote digestif participe à la physiologie des animaux. Pourra-t-on un jour contrôler sa composition et soigner certaines maladies ? © Microbe World, Flickr, cc by nc sa 2.0

    Ces dernières années, la littérature scientifique n'a cessé de démontrer le rôle décisif des bactéries intestinales sur la santé. Tour à tour, les études ont mis en lumièrelumière leur influence sur le développement de diverses maladies comme l'obésité, le diabète de type 2, la dépression et même... l'autisme, chez la souris en tout cas. Les probiotiques pourraient d'ailleurs représenter un moyen de traitement efficace contre certaines de ces pathologies.

    En peu de temps, les microbes digestifs sont donc passés de simples locataires du tube digestif à des acteurs incontestables de la physiologie humaine et animale. Et il y a tout à parier que les chercheurs n'ont pas encore totalement éclairci tous leurs mystères. On en croirait presque que c'est eux qui possèdent le contrôle du corps et non l'inverse!

    La composition de la flore intestinale dépend de l’alimentation. Chez les mangeurs de viande, les bactéries digestives ont appris à digérer les protéines et à résister aux acides biliaires. © RayMorris1, Flickr, cc by nc nd 2.0

    La composition de la flore intestinale dépend de l’alimentation. Chez les mangeurs de viande, les bactéries digestives ont appris à digérer les protéines et à résister aux acides biliaires. © RayMorris1, Flickr, cc by nc nd 2.0

    Mais pas de panique, nous pouvons aussi influencer ces microbesmicrobes. Dans une nouvelle étude, publiée dans la revue Nature, des chercheurs de l'université Harvard à Boston (États-Unis) ont montré qu'en modifiant le régime alimentaire, on pouvait rapidement remanier la composition du microbiote intestinal.

    Un microbiote modifié en seulement cinq jours

    En 2009 déjà, l'équipe avait réussi la prouesse de transformer la flore intestinale de souris en seulement une journée. Ils se sont alors demandé si cela pouvait être reproduit chez l'Homme. Pour tester cette hypothèse, ils ont recruté 10 volontaires et leur ont demandé de suivre un régime alimentaire particulier pendant cinq jours. La moitié d'entre eux devait manger uniquement des produits d'origine animale : bacon et œufs le matin, côtelettes de porc et poitrines de bœuf à midi et enfin salami et fromages pour le dîner. Les autres en revanche devaient suivre un régime végétarien composé de fibres, fruits, légumes et graines.

    Les scientifiques ont collecté des échantillons fécaux avant, pendant et après l'expérience. Grâce à diverses méthodes de microbiologie, biologie moléculaire et génomique, ils ont pu analyser la composition bactérienne des prélèvements. Ils ont également étudié leur microbiome, qui correspond à l'activité de l'ensemble des gènesgènes appartenant au microbiotemicrobiote intestinal.

    Plutôt carnivore ou herbivore ?

    Leurs résultats montrent que l'alimentation n'affecte pas, ou peu, la diversité des espècesespèces bactériennes de l'intestin. En revanche, elle modifie drastiquement leurs proportions, en particulier chez les candidats mangeurs de produits d'origine animale. Après seulement quatre jours, ce groupe possédait en effet un nombre élevé de bactéries capables de tolérer les acides biliaires, fabriqués en quantité importante par l'intestin pour digérer la viande.

    L'activité des gènes est également influencée par la nourriture. Chez les mangeurs de viandes, les gènes codant pour les enzymesenzymes casseuses de protéinesprotéines sont les plus actifs alors que les bactériesbactéries des candidats végétariensvégétariens fabriquent préférentiellement des enzymes capables de digérer les glucidesglucides. « Ces deux profils d'activité génétiquegénétique ressemblent beaucoup à ceux que l'on retrouve dans les microbiomesmicrobiomes d'animaux carnivores ou herbivoresherbivores, explique Lawrence David, le principal auteur de ces travaux. Le changement est très rapide puisqu'en cinq jours seulement, le profil d'un végétarien de longue date devient identique à celui d'un carnivorecarnivore ! »

    Ces travaux révèlent à quel point la composition de la flore intestinaleflore intestinale peut évoluer rapidement. Cette fluctuation permettrait de très vite adapter l'organisme à un nouveau régime alimentaire. « Ce phénomène peut être utilisé à notre avantage pour soigner certaines maladies influencées par la flore intestinale », conclut la chercheuse. Cependant, de nombreuses expériences sont nécessaires pour apprendre à dompter les microbes digestifs chez l'Homme et pour parvenir à utiliser l'alimentation comme arme thérapeutique.