A la fin des années 1960, Washoe, femelle chimpanzé, devint le premier primate à apprendre le langage des signes, bousculant nos idées sur les capacités mentales des singes et initiant une série de recherches.

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    Washoe, la guenon qui vécut parmi les humains. © Friends of Washoe

    Washoe, la guenon qui vécut parmi les humains. © Friends of Washoe

    Washoe s'est éteinte à 42 ans, un âge canonique pour un chimpanzé. Il faut dire qu'elle était bien soignée, choyée même. Née en 1965, dans une forêt d'Afrique de l'ouest, capturée on ne sait trop comment à dix mois, elle a été recueillie par un couple, Beatrice et Allen Gardner, de l'université du Nevada, et a depuis toujours vécu parmi les humains.

    Dès l'année suivante démarrait le Projet Washoe : tenter d'enseigner à cette jeune femelle le langage des signes américain (ASL). Quatre ans plus tard, en 1970, Washoe connaissait 132 signes. Roger. S. Fouts, de l'université d'Oklahoma, s'était joint au projet, et a un jour emmené Washoe rendre visite à un groupe de chimpanzés en captivité. Spontanément, la jeune guenon s'est mise à utiliser l'ASL pour communiquer avec eux. Il n'y eut bien sûr aucun résultat chez les singes mais cette tentative de communication donna à Fouts l'idée de lancer un deuxième programme avec quatre chimpanzés.

    Ce fut le début d'une série de recherches, comme celle menée par Ann et David Premack sur la guenon Sarah (l'apprentissage a toujours semblé plus facile avec les femelles...) puis sur plusieurs autres chimpanzés, en utilisant des morceaux de plastiqueplastique en guise de mots. Les singes - du moins les plus doués d'entre eux - ont appris à réaliser de véritables phrases : « Mary donne Sarah pomme » ou « Sarah met banane dans baquet ».

    Invention de l’insulte

    De longues polémiques s'en sont suivies sur la question de la nature de ces prouesses linguistiques. Les singes manient-ils véritablement un langage ou se contentent-ils de faire des gestes pour obtenir une récompense ? De nombreux indices plaident pour une vraie capacité d'abstraction, comme l'utilisation d'un mot en l'absence de l'objet qu'il désigne.

    Washoe a continué à utiliser les mots de l'ASL pour communiquer avec les humains. Elle a elle-même eu l'idée d'utiliser comme une insulte le mot sale, qu'elle avait appris au sens propre. Fouts s'est un jour vu traité de « sale Roger » quand il a refusé d'emmener la guenon en promenade. Plus tard, Washoe, face à un macaque, le tança d'un « sale singe ».

    Par la suite, Washoe a continué à apprendre des mots. Elle en connaissait 250, comptabilisés selon une méthode rigoureuse (le mot devait avoir été employé au moins trois fois avec des interlocuteurs différents et dans des situations différentes). Elle a enseigné elle-même l'ASL à l'un de ses fils, Loulis. Cette transmission de savoir de la mère au petit a été observée à plusieurs reprises en milieu naturel.

    Aujourd'hui encore, les capacités mentales des chimpanzés restent mystérieuses. La tendance actuelle est plutôt de sortir de la polémique binairebinaire « Parle ? Parle pas ? » et de tenter de mieux comprendre la nature de ces capacités ainsi que leur utilité dans l'environnement habituel des singes.

    Washoe nous a mis sur la piste et méritait bien ce petit hommage...