Les salamandres semblent décidément très originales... Des scientifiques ont montré l’existence d’une algue photosynthétique à l’intérieur des cellules de cet amphibien. Une symbiose de ce type n’avait encore jamais été observée chez les vertébrés.

au sommaire


    La salamandre Ambystoma maculatum possède des algues photosynthétiques dans ses cellules. La symbiose permettrait à l'amphibien de bénéficier d'un apport d'énergie supplémentaire. © Camazine / Licence Creative Commons

    La salamandre Ambystoma maculatum possède des algues photosynthétiques dans ses cellules. La symbiose permettrait à l'amphibien de bénéficier d'un apport d'énergie supplémentaire. © Camazine / Licence Creative Commons

    Les salamandres sont fascinantes pour plus d'une raison. Ces amphibiens aux couleurscouleurs éclatantes savent régénérer leur queue, des membres, un œilœil ou même une partie de cerveaucerveau endommagée. Aujourd'hui, la salamandre révèle une nouvelle facette de son mode de vie, inédite chez les vertébrés.

    Une sorte de symbiose était déjà connue entre l'algue Oophilia amblystomatis et la salamandre Ambystoma maculatum. En effet, les œufs de salamandre se développant dans l'eau, on pensait que les algues entouraient les œufs pour assainir l'eau en captant les déchets riches en azoteazote tout en augmentant la concentration en oxygène.

    Au 9e congrès international de la morphologie des vertébrés qui a eu lieu à Punta deldel Este en Uruguay, des scientifiques de l'Université Dalhousie à Halifax au Canada ont présenté une nouvelle théorie : les algues qui entourent les œufs de salamandre vivraient aussi à l'intérieur même des cellules de l'amphibien. Une telle cohabitation est déjà connue chez d'autres animaux, comme le corail mais la présence d'algues photosynthétiques dans un organisme vertébré est une grande première.

    Qui plus est, elle pose une énigme aux biologistes. En effet, les vertébrés sont dotés d'un système immunitairesystème immunitaire bien développé qui rend a priori impossible la présence dans une cellule d'un organisme étranger. Il semblerait qu'ici le système immunitaire de l'amphibien soit désactivé ou bien que l'algue soit capable de passer outre cette défense.

    Les mitochondries (l'une est vue ici au microscope électronique à transmission), réservoir d'énergie de la cellule, s'accumulent autour de l'algue intracellulaire pour capter directement les sucres. Crédits DR

    Les mitochondries (l'une est vue ici au microscope électronique à transmission), réservoir d'énergie de la cellule, s'accumulent autour de l'algue intracellulaire pour capter directement les sucres. Crédits DR

    L’algue, une source d’énergie pour la salamandre

    Pour offrir l'habitat aux algues, la salamandre doit donc y trouver son compte. Les travaux des chercheurs laissent penser que la photosynthèse a lieu à l'intérieur des cellules de la salamandre et qu'elle approvisionnerait l'animal en produits directement issus du processus de photosynthèse : de l'oxygène et des hydrates de carbonecarbone (les sucressucres).

    En effet, en observant les œufs au microscope électroniquemicroscope électronique à transmission, qui possède un pouvoir grossissant suffisamment fort, les scientifiques ont montré que les mitochondriesmitochondries s'accumulent autour du symbionte. Les mitochondries (elles-mêmes suspectées d'avoir une origine symbiotique) représentent le réservoir d'énergieénergie de la cellule et sont responsables de la transformation des sucres en moléculesmolécules de transport de l'énergie, l'ATPATP. Se retrouver proche du symbionte permet à la mitochondrie de récupérer rapidement les produits issus de l'algue et de fabriquer de l'énergie. Le rôle de la symbiose semble donc évident, d'autant plus que les œufs de salamandre privés d'algues dans le milieu environnant sont plus lents à éclore.

    Toutefois, les chercheurs ne savent toujours pas à quel moment les algues pénètrent dans les cellules. Au sein de l'embryonembryon, la population d'algues croît de manière logarithmique avec le développement de l'amphibien, indiquant que soit les algues se multiplient à l'extérieur de l'œuf en même temps que les cellules embryonnaires de la salamandre, soit les algues pénètrent les cellules de l'animal rapidement et sont automatiquement répliquées à chaque multiplication cellulaire.

    Une vidéo incite à pencher vers la deuxième hypothèse : elle montre l'apparition d'une zone lumineuse qui correspond à quelques cellules végétales proches de l'œuf au moment de la formation du système nerveux de l'animal. Les scientifiques supposent que cet amas d'algues pourrait avoir été attiré par les déchets azotés expulsés par la salamandre. S'il existe un moyen d'évacuer des déchets, il doit exister également une voie pour entrer dans l'œuf, voie qui serait exploitée par les algues.

    Cependant, les algues seraient déjà présentes à un stade plus précoce de l'embryon puisque les cellules végétales ont été observées dans l'oviducteoviducte de la mère salamandre. Les algues pourraient se transmettre à la descendance, de manière extracellulaire, dans le gelgel entourant les œufs.

    Bien que la salamandre soit un « animal fabuleux », il n'est pas impossible que cette découverte ouvre la voie vers l'identification d'autres vertébrés, moins originaux, également hôtes d'algues ou d'autres symbiontes. La nature n'a certainement pas fini de nous étonner...