Les fourmis aussi peuvent être sous l’influence de champignons hallucinogènes modifiant leur comportement. Quatre nouvelles espèces de ces microorganismes, toxiques pour l’insecte, ont même été découvertes dans la forêt amazonienne.

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    Les fourmis-zombis succombent une fois qu'elles sont arrivées là où les champignons voulaient s'installer. © Plos One

    Les fourmis-zombis succombent une fois qu'elles sont arrivées là où les champignons voulaient s'installer. © Plos One

    La nature regorge de phénomènes aussi étonnants que mystérieux. Parmi ceux-ci, les fourmis-zombis méritent sans aucun doute l'une des meilleures places au classement. Ces insectes sociaux, à l'organisation très hiérarchisée et dont le comportement est habituellement entièrement dévoué au bien-être de la colonie, perdent soudainement la tête à cause de champignons un peu trop envahissants.

    Parmi les interactions fourmi-champignon, certaines s'en sortent plutôt bien en entretenant des relations pacifiques (symbiotiques). Ce sont les fourmis coupeuses de feuilles, qui utilisent ces morceaux de végétaux comme zone de culture pour une espèce particulière de champignon, qui ne vit qu'au sein des colonies de fourmis. Les champignons y trouvent la nourriture idéale et nécessaire à leur développement, et les fourmis peuvent à leur tour s'en nourrir.

    Les fourmis-zombis grimpent aux arbustes…

    À l'inverse, certaines fourmis vivent un peu trop étroitement avec des champignons, au point que ceux-ci trouvent le moyen de s'emparer de leur cerveaucerveau et de modifier leur comportement. Ces fourmis-zombis sont connues depuis longtemps, mais ne cessent d'intriguer les scientifiques, qui tentent d'en apprendre un peu plus sur ce champignon pas comme les autres. Dans une nouvelle publication parue dans la revue Plos One, trois biologistes issus d'universités brésilienne, américaine et anglaise, ont identifié quatre nouvelles espèces du microorganismemicroorganisme.

    La forme des spores, produites à partir de la forme anamorphe du champignon (la forme asexuée), diffère selon les espèces. © <em>Plos One</em>

    La forme des spores, produites à partir de la forme anamorphe du champignon (la forme asexuée), diffère selon les espèces. © Plos One

    C'est dans la forêt amazonienne, dans la région Minas Gerais au Brésil, que les chercheurs ont prélevé des échantillons, après avoir observé l'étrange comportement des fourmis-zombis. Une fois infectés par les spores du champignon et par un procédé encore mystérieux, les insectes deviennent comme possédés et se mettent à la recherche d'un arbuste particulier. Ils y grimpent et ne s'intéressent qu'à certaines feuilles aux caractéristiques très précises : situées à 25 centimètres du sol et exposées au nord ou au nord-ouest.

    … et deviennent des usines de production de spores

    Avant de mourir, la fourmi s'accroche à la face inférieure de la feuille et plante ses mandibulesmandibules dans la nervure principale. Alors que les moléculesmolécules chimiques produites par cette plante sont nocives pour la fourmi et la tuent, le champignon, lui, est ravi. Il se multiplie, faisant du pauvre insecte une usine de fabrication et de dissémination des spores, qui sera opérationnelle pendant près d'un an.

    Les spores du champignon sont alors éjectées et tombent au sol, idéalement directement sur une nouvelle proie qui passait par là. La spore qui n'a pas cette chance peut prendre sa revanche en germant sous forme de tige et en colonisant une nouvelle fourmi qui viendrait s'y frotter, recommençant ainsi le cycle de la vie.

    Des nouvelles espèces

    Si les quatre champignons découverts possèdent le point commun d'appartenir au genre Ophiocordyceps, caractérisé par la formation d'une tige sur la « nuque » de la fourmi, ils sont néanmoins reconnaissables selon des différences micromorphologiques évidentes (des spores mais aussi des formes anamorphes et télomorphes, c'est à dire asexuées et sexuées). Chacun d'entre eux attaque une espèce particulière de fourmis (Camponotus rufipes, C. balzani, C. melanoticus ou C. novogranadensis), et ont naturellement été baptisés en hommage à leur hôte (Ophiocordyceps suivi du nom de la fourmi légèrement revisité).

    Les noms d'espèces ont déjà été déposés à l'Index Fungorum, une référence internationale en ce qui concerne la taxonomietaxonomie des champignons. Des prélèvements d'ADNADN ont été réalisés, et les génomesgénomes respectifs de chaque champignon seront prochainement analysés afin de vérifier leur classement et leurs relations phylogénétiquesphylogénétiques.