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    Les enluminures sont des peintures ou dessins décorant les textes des manuscrits. Le livre de Kells contient, par exemple, des motifs ornementaux particulièrement remarquables.

    Charte de mariage de Jehan de Rivery et Fluvie de la Rivyre - 1572. © Olivier, DP

    Charte de mariage de Jehan de Rivery et Fluvie de la Rivyre - 1572. © Olivier, DP

    L'or des enluminures

    Il est le matériau de l'enluminure, en poudre ou en feuille. L'or est appliqué sur un mordant qui assure l'adhérence :

    • pour l'or en poudre, mordant à la gomme arabique directement mélangé à la poudre ;
    • pour l'or en feuille, un mordant soit à l'œuf soit aux cristaux d'ammoniac soit un gessogesso à base de plâtreplâtre éteint si l'on désire du relief sous la feuille. Il est souvent cerné d'encre noire.

    L'or est abondamment utilisé jusqu'au début du XIVe siècle.

    Aigles. © DR

    Aigles. © DR

    Les pigments des enluminures

    Orpiment, murex, azurite, cochenillecochenille, porphyreporphyre, curcumacurcuma... broyés, en décoction, mêlés à l'eau de gomme d'arabique ou à la colle de peau de poissonpoisson : de nombreux pigments sont utilisés pour les enluminures.

    • les rouges sont obtenus à partir d'oxyde de plomb, de cinabre, de kermès rouge, de murex... ;
    • le bleu lapis-lazuli, réservé aux éléments les plus importants comme la robe de la Vierge ;
    • les jaunes proviennent du safransafran, de la sève de chélidoine, de l'orpiment ;
    • les verts sont extraits de la malachite, du vert-de-gris, de l'argileargile verte... ;
    • le blanc vient de la céruse, très toxique et fabriquée à partir du plomb.

    Les matièresmatières premières sont sujettes à une longue préparation : réduites en poudre très fine à l'aide de mortier et de pilon puis filtrées au travers d'un tissu, elles peuvent enfin être mêlées à un liant pour obtenir les diverses peintures.

    Taureau de Saint Luc. © DR

    Taureau de Saint Luc. © DR

    Liants et application

    Au Moyen Âge, les manuscrits sont peints à l'eau de gomme arabique ou à la colle de peau de poisson ou à la détrempe à l'œuf. Dans cette dernière technique, l'œuf dilué à l'eau sert de liant au pigment pur, broyé très finement. Le mélange se fait au dernier moment car la détrempe sèche rapidement. On l'applique en couches sans épaisseur jusqu'à l'intensité désirée. Les pigments ne sont pas mélangés pour éviter des réactions indésirables. On attend que la couche sèche pour appliquer la suivante

    Tigre bestiaire Aberdeen XIII. © DR

    Tigre bestiaire Aberdeen XIII. © DR

    Les supports des enluminures

    Les supports des enluminures sont :

    • Le papyruspapyrus : manque de résistancerésistance ;
    • Le parchemin : un beau parchemin provient d'un animal jeune à la peau fine ;
    • Le vélin, issu d'animaux mort-nés : c'est le plus prestigieux ;
    • Le papier, qui existe déjà au IIe siècle en Chine. Il arrive en Occident vers le XIe siècle mais réservé aux ouvrages moins luxueux. Il concurrence le parchemin à la fin du XVe siècle.
    Femme récoltant les œufs d'oie. © DR

    Femme récoltant les œufs d'oie. © DR

    Le Livre de Kells

    Le livre de Kells est une œuvre suprême de l'art celte et l'un des plus importants trésors de l'Europe occidentale. Ce n'est pas simplement un manuscrit religieux. Bien sûr, le texte est celui des quatre évangiles et l'unique sujet du livre. Mais son âge et sa facture nous permettent de découvrir l'art et le stylestyle médiéval de l'Irlande...

    Livre de Kells. © DR

    Livre de Kells. © DR

    L'histoire du Livre de Kells nous ramène au VIe siècle. Le livre est l'œuvre d'au moins deux mains différentes (peut-être quatre) d'après les experts ; il a été copié peu de temps après la mort de Saint Columba dont le monastère se trouvait sur l'île de Iona, autour de l'an 800. Il s'agit d'un livre d'art sacré devant apparaître dans les grandes occasions.
    Un travail réalisé à la main, avec des entrelacs époustouflants, d'une minutie incroyable, chaque motif est original. Sur une page, 158 lignes figurent dans un entrelacs de 3 cm2 et aucune erreur n'a pu être repérée même avec une loupe ! Les maîtres d'atelier devaient souffrir de myopiemyopie car il faut une loupe avec un grossissement de 10 pour voir les détails de décorationdécoration époustouflants qui figurent sur le portrait de St Luc, page 201. Il y a de nombreux autres exemples de la finesse de ces détails, et les loupes de cette puissance ont été inventées plusieurs centaines d'années après cette époque.

    Livre de Kells. © DR

    Livre de Kells. © DR

    Deux des peintres se démarquent par leur génie et leur style particulier. Le premier est Celte (soit Irlandais soit Ecossais). Il est précis, soigné et habile, se servant toujours d'encre ferrique. Par sa superbe, cette seule écriture aurait fait du livre un chef d'œuvre. Ses couleurscouleurs préférées sont le bleu et le vert. Vers la fin du livre il y a deux pages de lui, avec des lettres bleues d'un côté et la symétrique verte de l'autre.

    Son grand rival devait venir du sud - un Arabe, un Arménien ou un Italien. Il connaissait l'art méditerranéen et peignait dans un style audacieux, presque fantastique, tout en maîtrisant le style tourbillonnant de l'art Celte. Il peut commencer un texte en noir, poursuivre avec un écarlate éclatant, passé au brun et revenir au noir. Il est toujours friand de petits détails - rameaux de fleurs sauvages, points et diamantsdiamants.

    Durant les raids vikingsvikings il a été emporté au monastère de Kells (Irlande) afin de le protéger. Il y est resté jusqu'en 1007, année où il fut volé. La couverture en or, probablement incrustée de pierres précieusespierres précieuses, fut arrachée et le manuscrit jeté. Retrouvé, il avait subi ses premiers dommages et la couverture ne fut jamais retrouvée. Gardé à Kells jusqu'en 1541, lorsque l'Eglise catholique romaine le prend sous sa protection, le livre est rendu à l'Irlande et donné au Trinity College de Dublin par l'archevêque Ussher. Il est resté à l'université depuis. Il a souffert des ravages du temps, d'une mauvaise reliure. En 1953, un travail de restauration important a débuté. A Dublin, deux volumesvolumes sont visibles dans des conditions de contrôle très strictes et les pages sont tournées régulièrement afin que le grand public puisse admirer les différentes sections du livre.

    Livre de Kells. © DR

    Livre de Kells. © DR

    Afin de rendre ce trésor plus facile d'accès, la direction du Trinity College a décidé en 1986 de permettre la réalisation de fac-similés de qualité. Le travail a été confié à un éditeur suisse, Urs Duggelin, dont la société (Faksimile Verlag) est spécialisée dans la reproduction de manuscrits enluminés rares et bénéficie d'une remarquable réputation. Duggelin a considéré ce projet comme la réalisation du rêve de toute une vie. L'original ne pouvait pas être déplacé de Dublin. Il ne pouvait pas être "délié" (pour numériser les pages), et surtout, il était hors de question que qui ou quoi que ce soit touche les pages du livre - même pas le verre d'une plaque de reproduction. Dans sa détermination Duggelin a investi environ 160 000 euros et deux années et demi de travail pour inventer une machine qui permet de photographier le livre sans le toucher. Les photos ont été réalisées en 1986. Ensuite le véritable travail a débuté. La copie reproduit fidèlement l'état actuel de l'original, y compris les quelque 580 trous faits par des insectesinsectes de toutes sortes et par dégradation naturelle. Une impression normale se fait en 4 couleurs, mais comme certaines pages du livre de Kells contiennent une dizaine de couleurs, un procédé plus complexe (et plus coûteux) a été mis en place. Les livres sont reliés et cousus à la main, en respectant les techniques médiévales, ce qui demande beaucoup de compétence.