En 1999, une équipe dirigée par l'astrophysicien John Webb avait étudié l'intensité des raies d'absorption de la lumière des quasars lointains par différents ions métalliques. Celle-ci est calculable dans le cadre de l'électrodynamique quantique, la théorie la plus précise et la plus aboutie connue de l'homme. Tous les détails de l'interaction de la lumière avec la matière y sont en principe contenus et les calculs dépendent d'une constante appelée ‘constante de structure fine'.

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    Surprise ! Celle-ci semblait ne pas avoir la même valeur à de grandes distances de la Terre. Comme regarder loin c'est regarder tôt, une conclusion s'imposait : la constante ne l'était pas et variait dans le temps !

    L'information s'est rapidement répandue dans la communauté des physiciensphysiciens, en effet la théorie des cordes, censée unifier toute la physique de la matière et des interactions, contient naturellement la possibilité d'un tel changement. Une possibilité étudiée particulièrement par des gens aussi célèbres que Thibault Damour et Alexander Polyakov.

     <br />Thibault Damour  -  Alexander Polyakov

    Thibault Damour - Alexander Polyakov

    Peu de temps après, une autre équipe menée par le français Patrick Petijean mettait fin à cet espoir. Ironiquement, des efforts conjoints de physiciens Hollandais d'une part et d'astrophysiciensastrophysiciens menés par le même Patrick Petijean d'autre part, viennent de relancer un pavé dans la mare.

    Il s'agit maintenant d'une évolution dans le temps du rapport masse du proton sur masse de l'électronélectron comme indiqué dans leur article. La variation est faible, 0,002 % en 12 milliard d'années pour un UniversUnivers estimé à 13,7 milliard d'années à 60 millions près par WMAP récemment.

    Comment ont-ils fait ?

    La moitié de la méthode consiste à mesurer le rayonnement ultravioletultraviolet émis par les quasarsquasars au cœur des anciennes galaxiesgalaxies (très certainement des trous noirstrous noirs super massifs accrètant de la matière). En traversant les immenses nuagesnuages d'hydrogènehydrogène moléculaire de ces galaxies, cette lumièrelumière y est absorbée, créant un profil de lignes sombres dans son spectrespectre. Le résultat est une sorte de code-barre précis et caractéristique des atomesatomes et des moléculesmolécules.

    Image du site Futura Sciences

    Par chance, l'expansion de l'Univers ramène cette lumière des premiers milliards d'années de l'Univers dans le domaine du visible. Reste à la mesurer et c'est ce qu'ont fait (au Very Large Telescope dans le désertdésert de l'Atacama au Chili) Alexandre Ivanchik, un physicien théoricien du Ioffe Physico-Technical Institute à St. Petersburg, Patrick Petitjean et leurs collègues.

    L'autre moitié de la méthode, elle, repose sur des mesures fines en laboratoire. Wim Ubachs et Elmar Reinhold de la Free University of Amsterdam ont alors effectué parallèlement des mesures sur cette même molécule d'hydrogène. Il faut utiliser la lumière du laserlaser pour déterminer son spectre dans l'ultraviolet de façon très précise, plus que ce qui avait été fait jusque-là.

     <br />VLT Atacama  - Vue du laboratoire où ont été effectuées les  mesures avec un laser

    VLT Atacama - Vue du laboratoire où ont été effectuées les mesures avec un laser

    Or, ce spectre est sensible au rapport masse du proton/masse de l'électron que l'on note mu. C'est enfin en comparant les deux mesures de spectre que le résultat est tombé. Wim Ubachs reste prudent, pour lui il s'agit juste d'une indication, « je n'appellerai pas ça une preuve » ajoute-t-il. Reste que dans le cadre de la  théorie des cordes, l'existence de différents champs scalaires en liaison avec les dimensions supplémentaires (les champs modulaires), et surtout le dilaton, est connue depuis longtemps comme susceptible de modifier au cours du temps la valeur des constantes de couplage et de toutes les masses des particules.

    Ce n'est pas simple car il existe de nombreuses contraintes observationnelles : certaines valeurs pour les changements de masse/constante de couplage ne sont pas simultanément compatibles avec les observations par exemple.

    S'agit-il tout de même d'une des premières fenêtresfenêtres sur le monde fascinant des cordes ?

    C'est au futur d'en décider.