L’eau de mer constitue une ressource quasi illimitée en lithium, ce métal indispensable à la fabrication de batteries électriques. Mais ce dernier y est très dilué, ce qui rend impossible toute exploitation commerciale. Des chercheurs ont trouvé un nouveau moyen pour filtrer les ions sodium, grâce à « l’intercalation électrochimique pulsée ». Explications.


au sommaire


    Utilisé dans les industries du verre et de la céramiquecéramique, les graisses lubrifiantes ou la production d'aluminum, le lithium est surtout un élément clé des batteries électriques. Très léger, le lithium possède en effet un rapport énergie-poids inégalé. En 2019, 57.700 tonnes de lithium ont été consommées selon l’USGS, et la demande devrait doubler ici 2050 prévoit la Banque mondialeBanque mondiale.

    « Une forte pénétration du véhicule électrique au niveau mondial pourrait engendrer une diminution marquée de la marge de sécurité d'approvisionnement en lithium », s'inquiète ainsi Emmanuel Hache, de l'IFPIFP Énergies nouvelles. De plus, la production mondiale est aujourd'hui incroyablement concentrée, la région andine (Bolivie, Argentine, Chili) représentant plus de 50 % des réserves. Le lithium y est extrait d'immenses salars où les saumuressaumures riches en lithium sont évaporées dans des bassins à ciel ouvert.

    230 milliards de tonnes de lithium dans l’eau de mer

    Il existe pourtant une source quasi illimitée de lithium : l'eau de mer. Les océans du monde contiendraient ainsi 230 milliards de tonnes de lithium, selon l'Agence internationale de l'Énergie, mais le lithium y est très dilué (environ 1,8 mg par litre). De nombreux chercheurs planchent depuis plusieurs années sur des méthodes visant à extraire efficacement le lithium de l'eau de mer, par évaporation ou grâce à des membranes filtrantes. Des techniques très énergivores et souvent coûteuses. Il est également possible d'utiliser des électrodes au lithium-ion pour piéger les ions lithium. Le problème est que ces électrodes attirent également les ions sodium, un élément 100.000 fois plus abondant que le lithium dans l'eau de mer. Si les deux éléments s'introduisent dans l'électrode au même rythme, autant dire que l'accumulation de lithium est quasiment inexistante.

    Le saviez-vous ?

    Une batterie de voiture électrique type Tesla de 70 kWh contient 63 kg de carbonate de lithium (Li2CO3), soit 12 kg de lithium pur.

    Améliorer la sélectivité des électrodes

    Pour contourner ce problème, des chercheurs dirigés par Yi Cui, spécialiste des matériaux à l'université de Stanford, ont cherché à rendre les matériaux des électrodes plus sélectifs. Ils ont tout d'abord recouvert une électrode en lithium et phosphate de ferfer d'une fine couche de dioxyde de titanedioxyde de titane hydrophobehydrophobe, agissant comme barrière pour le sodium. Les ions lithium étant plus petits que les ions sodium, ils arrivent à se faufiler plus facilement à travers cette couche. Ils ont ensuite utilisé une technique baptisée « intercalation électrochimique pulsée » : plutôt que d'appliquer une tension négative constante à l'électrode, ils ont fait alterner rapidement le sens du courant. L'électrode a ainsi été soumise à un cycle de 10 secondes de tension négative, suivie d'une seconde d'arrêt et de 10 secondes de tension positive.

    Quand on inverse rapidement le sens du courant dans les électrodes, les ions lithium sont piégés dans la structure en sandwich du matériau plus rapidement que les ions sodium. © Chong Liu et al., <em>Joule</em>, 2020
    Quand on inverse rapidement le sens du courant dans les électrodes, les ions lithium sont piégés dans la structure en sandwich du matériau plus rapidement que les ions sodium. © Chong Liu et al., Joule, 2020

    « Lorsqu'on applique ce courant, les ions lithium et sodium se déplacent dans l'électrode, s'arrêtent, puis recommencent à circuler dans l'autre sens lorsque le courant s'inverse, décrit Yi Cui. Cependant, comme le phosphate de fer a une affinité légèrement plus élevée pour le lithium que pour le sodium, les ions lithium sont les premiers à entrer dans les électrodes et les derniers à en sortir. Ainsi, la répétition de ce cycle concentre le lithium dans l'électrode ». Après dix cycles consécutifs (ce qui ne prend que quelques minutes), Cui et ses collègues ont obtenu un rapport de 1:1 entre le lithium et le sodium. « Cela double la sélectivité par rapport aux méthodes actuelles », se félicitent les auteurs de l'étude parue dans la revue Joule.

    Reste à améliorer encore le procédé. Au bout de 100 à 1.000 de cycles électrochimiques, les ions sodium s'accumulent quand même dans le matériaumatériau de l'électrode, ce qui entraîne des fissures et une perte d'efficacité. Les chercheurs travaillent donc à présent à trouver des interfaces hydrophileshydrophiles encore plus filtrantes que le dioxyde de titane pour prévenir cette intrusion. Les auteurs estiment cependant que cette étude fournit « une perspective prometteuse pour permettre le déploiement massif des voitures électriquesvoitures électriques ».


    Extraction de lithium à partir de l'eau de mer

    Article de ADIT BE Japon publié le 15/05/2004

    Des chercheurs à l'Institute of Ocean Energy de l'université Saga ont commencé à extraire des petites quantités de lithium à partir d'eau de mer, à un taux de 1 gramme par jour, et espèrent être les premiers au monde a commercialiser le processus.

    L'opération est conduite depuis février 2004 sur des installations de l'institut situées à Imari (préfecture de Saga) et le chlorure de lithium est obtenu avec une pureté d'environ 90%.

    Les chercheurs projettent également d'utiliser des eaux uséeseaux usées industrielles ou des eaux de source riches en lithium pour améliorer l'efficacité.