Imao, une société spécialisée dans l’acquisition d’images aériennes, vient de lancer une base de données cartographique en 3D nommée Ubick. Destinée aux professionnels, elle repose sur plusieurs technologies développées en France qui lui confèrent une grande qualité et une haute précision. Pierre Farout et Pascal Martinez, respectivement cofondateurs d’Imao et vice-président d’Acute3D, ont répondu aux questions de Futura-Sciences.


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    Lorsqu'on parle de cartographie numérique en 3D, on pense généralement à des services comme Google Earth, Apple Plans ou Nokia Here. On peut désormais ajouter Ubick, un service de cartographie 3D haute précision entièrement conçu en France. Grâce à une technologie inédite de prise de vue aérienne et le recours à un puissant outil de reconstruction 3D à partir de photos, Ubick offre une modélisationmodélisation hyperréaliste avec une précision de 15 cm. De quoi naviguer au-dessus d'une ville et plonger dans ses rues d'un coup de zoom pour examiner la façade d'un bâtiment ou un monument en tournant autour à 360°.

    Ubick dispose d'un mode 3D stéréoscopique dont on peut profiter en se servant de lunettes anaglyphes. Il est aussi possible d'enregistrer une navigation en vidéo. Selon ses concepteurs, la base de données Ubick peut être utile à un grand nombre d'applicationsapplications dans les domaines de l'urbanisme, du tourisme, des jeux vidéo ou du cinéma. Il s'agit donc d'un service à vocation professionnelle que l'on ne retrouvera pas sous la forme d'une application Internet de type Google EarthGoogle Earth« Cela dit, de grands acteurs peuvent y trouver une source pour leurs applications de cartographie, de téléphonie, de GPS embarqué, etc. », précise Pierre Farout, cofondateur d'Imao, l'entreprise à l'origine d'Ubick.

    Cinq caméras embarquées pour Ubick

    Créée en 2001, cette société dont le siège se trouve à Limoges (Limousin) est spécialisée dans la cartographie aérienne par photo numérique et lidarlidar. Elle dispose d'une flotte de huit avions à travers le monde et réalise des travaux d'acquisition pour des entreprises privées ou des clients institutionnels. Imao met en avant sa capacité à produire des images de haute précision grâce à son système de capture très performant. Pour Ubick, la cartographie a été réalisée à l'aide de cinq caméras installées sous l'avion. Il y a quatre caméras de 50 mégapixels avec des focalesfocales de 150 mm inclinées à 45° et disposées dans le sens de déplacement, de manière à couvrir les champs de droite, de gauche, à l'avant et à l'arrière. La cinquième caméra, dont la résolutionrésolution peut aller de 136 à 196 mégapixels, est installée en position verticale. Le tout est couplé à une centrale inertielle qui enregistre pour chaque cliché les paramètres d'orientation ainsi que ses coordonnées GPS. « L'ensemble des données d'un vol standard de trois heures représente près de 7.000 images pour 2 To de données », peut-on lire sur le site d'Ubick.

    Pour réaliser les prises de vue aériennes destinées à Ubick, Imao a aménagé l’un de ses avions avec un système comportant cinq caméras et une centrale inertielle. Les itinéraires de vol sont intégrés dans le système de navigation et le pilote suit les axes de prise de vue à partir de son tableau de bord. Les caméras se déclenchent automatiquement grâce au GPS intégré et à l’ordinateur de vol. © Imao
    Pour réaliser les prises de vue aériennes destinées à Ubick, Imao a aménagé l’un de ses avions avec un système comportant cinq caméras et une centrale inertielle. Les itinéraires de vol sont intégrés dans le système de navigation et le pilote suit les axes de prise de vue à partir de son tableau de bord. Les caméras se déclenchent automatiquement grâce au GPS intégré et à l’ordinateur de vol. © Imao

    Ces images aériennes sont ensuite traitées par InterAtlas, une entreprise créée par Pierre Farout. InterAtlas se charge de la production et de la vente des données cartographiques en 2D. Pour Ubick, ses ingénieurs calculent l'orientation dans l'espace et la position décimétrique (XYZ) de chaque cliché. « InterAtlas a été un des précurseurs du service en ligne de cartographie déportée avec son site Urbimap, qui a été ouvert à la même époque que Google Earth. Urbimap et sa technologie ShokyMap sont d'ailleurs toujours utilisés par Pages Jaunes », remarque Pierre Farout.

    Pour la mise en 3D, Ubick repose sur la technologie logicielle Smart3DCapture développée par Acute3D. Cette start-upstart-up basée à Sophia Antipolis (Alpes-Maritimes) a été créée début 2011 avec le soutien de l'Incubateur Paca-Est, par deux chercheurs diplômés de l'École polytechnique et de l'École des Ponts ParisTech. Ils ont travaillé pendant près de 15 ans au développement de cette technologie capable de construire des modèles en 3D à partir de simples photos numériques. Pascal Martinez, vice-président en charge du développement chez Acute3D, en détaille le fonctionnement pour Futura-Sciences. « Le logiciellogiciel analyse un jeu de photographiesphotographies présentant un recouvrement suffisant, et en identifie les points de la scène qui sont vus dans plusieurs d'entre elles, afin de recréer des points 3D. Ceux-ci servent de base à la création d'un maillage adaptatif, plus dense sur les zones à forte variation de forme, qui est ensuite texturé d'après les photographies d'origine. »

    Compatibilité avec les logiciels 3D et 30 villes couvertes

    Le traitement est entièrement automatisé et n'impose aucune contrainte pour les prises de vue en amont. « La technologie Smart3DCapture permet la création de modèles à très grande échelle, avec une grande précision, ce qui n'était tout simplement pas possible avec les technologies précédentes, impliquant de lourdes interventions humaines, et donc des coûts élevés », poursuit le représentant d'Acute3D.

    Ubick couvre d'ores et déjà 30 villes françaises, dont Paris, Lyon et Marseille, et projette d'en ajouter une vingtaine. Les données sont commercialisées sous forme de dalles de 250 x 250 m avec des tarifs dégressifs. Pour les professionnels, cette base de données cartographique présente plusieurs avantages. Tout d'abord, elle est compatible avec des formats de fichiers (extensions .osg, .obj, .s3c) supportés par les logiciels 3D du marché (OpenSceneGraph, Collada, AutoCad, etc). « La taille du pixelpixel est de dix centimètres et les jeux d'images peuvent être fournis. Ces images "photogrammétriques" permettent une restitution vectorielle et la réalisation de plans topographiques de grande qualité (échelle 1/1000) », souligne également Pierre Farout.

    Il a en outre cité de nombreux exemples d'utilisations envisageables. En urbanisme, Ubick peut être employé pour la présentation de projets architecturaux ou d'aménagement. Dans les domaines du tourisme et du patrimoine, les cartes peuvent servir à créer des visites virtuelles ou des inventaires de bâtiments grâce aux informations métriques recueillies lors des prises de vue. Les réalisateurs et les développeurs de jeux vidéo peuvent intégrer des cartes Ubick dans leurs créations pour produire des simulations réalistes et des effets immersifs. Pierre Farout nous confie que plusieurs sociétés françaises sont actuellement en train d'intégrer Ubick dans leurs services pour créer des applications 3D pour tablettes, des simulateurs et des bornes interactives. La technologie d'Acute3D est quant à elle déjà utilisée pour la création de villes en 3D et la CAOCAO par des clients comme Autodesk et Nokia aux États-Unis, mais aussi Aerometrex (Australie), Asia AirAir Survey (Japon), Blom (Suède) ou encore Hangyao (Chine). Un bel exemple de réussite made in France...