Par une technique virtuelle, et sans effectuer le moindre prélèvement sur le tableau, des physiciens ont réussi à détailler la méthode du « sfumato » utilisée par Léonard de Vinci.

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    La Dame à l’Hermine (1488-1490). Crédit : musée Czartoryski

    La Dame à l’Hermine (1488-1490). Crédit : musée Czartoryski

    Le plus célèbre tableau du monde n'est pas facile à observer, du moins dans tous ses détails. Car lorsque nous nous laissons envoûter par le regard de Mona LisaLisa, la lumièrelumière ne nous en parvient qu'après avoir traversé de nombreuses couches picturales, ainsi qu'un vernisvernis qui a jauni avec le temps. Pour en percer les (derniers ?) secrets, les chercheurs devaient donc démêler toutes ces altérations, voulues ou non. Bien entendu, il était hors de question de s'attaquer à l'œuvre elle-même...

    La technique employée par les scientifiques, dont Pascal Cotte et une scientifique de l'Institut des Nanosciences de Paris (INSP - CNRS), est simple dans son principe. Mais son applicationapplication des plus complexes. Il fallait en effet analyser très précisément la lumière réfléchielumière réfléchie en cent millions de points différents du tableau et en obtenir autant de spectresspectres. Cela a été rendu réalisable au moyen d'une caméra multi-spectrale et d'une nouvelle technique spécialement développée à cet effet.

    Image du site Futura Sciences
    La Joconde (1503-1506). Crédit : WebMuseum, Paris.

    Les données ont ensuite été comparées à des mesures réalisées dans les mêmes conditions avec des pigments utilisés au XVIème siècle, recouverts ou non de vernis vieilli artificiellement. La base de connaissances ainsi obtenue a permis, par comparaison des données provenant du tableau, d'enlever virtuellement le vernis recouvrant la Joconde et d'examiner directement les couches picturales.

    Les chercheurs se sont ensuite concentrés sur le visage, et y ont identifié une terre d'ombre formant l'unique pigment inclus dans la couche superficielle. Une saturation exceptionnelle des couleurscouleurs a été mise en évidence, ces deux caractéristiques identifiant formellement la technique du glacisglacis.

    Une méthode d'analyse infaillible

    En effet, deux possibilités s'offraient aux scientifiques pour expliquer cette exceptionnelle saturation de couleurs. Soit un mélange de pigment blanc avec des pigments colorés en diverses proportions, soit le glacis lui-même, qui consiste à appliquer un grand nombre de couches d'une couleur très diluée. C'est la comparaison des données enregistrées à celles obtenues par simulation numériquesimulation numérique au moyen d'une méthode développée récemment à l'INSP qui a pu identifier sans la moindre ambiguïté la technique du glacis.

    Curieusement, cette même analyse reposant sur la méthode spectrale a permis de déterminer que la sous-couche du tableau était composée de 1 % de vermillon et de 99 % de blanc de plombplomb, une formule qui était bien utilisée par les peintres italiens de l'époque, mais uniquement pour la couche superficielle...

    Une réponse, de nouvelles questions

    Mais le glacis, inventé par les primitifs flamands, n'était pas utilisé à cette époque par les peintres italiens. Ce qui projette une fois de plus De Vinci au rang de grand précurseur, mais soulève aussi la question de l'origine de sa méthode. Selon l'hypothèse actuelle, ce serait un autre célèbre peintre italien, Antonello Da Messina, qui aurait diffusé cette technique en Italie et notamment auprès de de Vinci après un voyage dans le nord de l'Europe. Pour appuyer cette thèse, la même équipe de scientifiques va bientôt procéder au dévernissage virtuel d'un autre tableau de De Vinci, la Dame à l'HermineHermine, légèrement antérieur à la Joconde, et qui ne devrait pas comporter de glacis.

    Cette étude fera l'objet d'une publication dans Applied Optics du 1er juin 2008 (Vol. 47, #16), sous le titre « Multispectral camera and radiative transfer equation used to depict Leonardo's sfumato in Mona Lisa », sous la signature de M. Elias, P. Cotte.