Comment est né le couple de trous noirs dont la fusion a généré l'onde gravitationnelle détectée en septembre 2015 par Ligo ? Des simulations numériques apportent peut-être la réponse, supposant qu'il s'est formé à partir des premières étoiles apparues il y a plus de 11 milliards d'années. Si tel est bien le cas, les fusions de trous noirs seraient fréquentes.

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    La détection d'une l'onde gravitationnelle par eLigo le 14 septembre 2015, c'est-à-dire l'événement baptisé GW150914 (GW pour Gravitational Wave, en anglais), a surpris à plus d'un titre. Il fut provoqué par la fusion de deux trous noirs stellairestrous noirs stellaires et pas de deux étoiles à neutrons comme beaucoup de théoriciens le prévoyaient. Surtout, les masses déterminées par l'analyse du signal, 36 masses solaires pour l'un et 29 pour le second, battaient les records jusque-là obtenus avec l'étude des quelques cas de trous noirs stellaires plutôt solidement établis. Comment des objets compacts aussi massifs et formant un système binairesystème binaire ont-ils bien pu se former ? Enfin, leur détection aussi rapide impliquait qu'ils doivent vraisemblablement exister en grand nombre dans l'univers observable.

    Certains en ont conclu qu'il ne s'agissait peut-être pas de trous noirs stellaires mais d'une population d'authentiques trous noirs primordiaux, nés au moment du Big BangBig Bang ou peu s'en faut. Ces trous noirs pouvaient même alors constituer une part majeure de la matière noire. D'autres ont proposé que ces trous noirs se forment par capture dans des amas globulairesamas globulaires. Aujourd'hui, Krzysztof Belczynski et Tomasz Bulik, de l'université de Varsovie, en compagnie de leurs collègues Daniel Holz, de l'université de Chicago, et Richard O'Shaughnessy, du Rochester Institute of Technology, viennent de proposer une nouvelle hypothèse à l'aide de simulations numériquessimulations numériques.

    Comme ils l'expliquent dans un article publié dans le journal Nature mais en accès libre sur arXiv, les chercheurs ont considéré dans leur simulation la naissance des premières étoiles de l'univers. Elles ne devaient pas se former exactement de la même manière que notre SoleilSoleil car le milieu interstellaire était alors beaucoup moins riche en éléments lourds. Il en était même dépourvu au moment de la naissance des toutes premières étoiles. Or, il faut des métauxmétaux lourds pour permettre facilement la naissance d'étoiles peu massives comme le Soleil. La formation des premières étoiles pose d'ailleurs problème. Une des clés de cette énigme semble reposer sur l'existence d'hydrogène moléculaire et, surtout, sur le fait que ces étoiles devaient être massives, de l'ordre d'une centaine de masses solaires.

    L'instrument Ligo (<em>Laser Interferometer Gravitational-Wave Observatory</em>) a permis de détecter l'onde gravitationnelle produite par la collision puis la fusion de deux trous noirs d'environ 30 masses solaires chacun. Mais à quoi aurait ressemblé visuellement l'événement pour des observateur à quelques milliers de kilomètres ? Des simulations numériques nous permettent de le découvrir. Cette image, montrant des effets de lentille gravitationnelle, est extraite de l'une d'elles. © SXS (<em>Simulating eXtreme Spacetimes project</em>)

    L'instrument Ligo (Laser Interferometer Gravitational-Wave Observatory) a permis de détecter l'onde gravitationnelle produite par la collision puis la fusion de deux trous noirs d'environ 30 masses solaires chacun. Mais à quoi aurait ressemblé visuellement l'événement pour des observateur à quelques milliers de kilomètres ? Des simulations numériques nous permettent de le découvrir. Cette image, montrant des effets de lentille gravitationnelle, est extraite de l'une d'elles. © SXS (Simulating eXtreme Spacetimes project)

    Un trou noir binaire massif formé en 5 millions d'années

    Toujours est-il que l'équipe d'astrophysiciensastrophysiciens est parvenue à reproduire la formation du système binaire de trous noirs à l'origine de GW150914 avec des étoiles de masses comprises entre 40 et 100 masses solaires à partir d'une poche de matièrematière primitive contenant moins de 10 % de la quantité d'élément lourds (autre que l'hydrogènehydrogène et l'héliumhélium, pour un astrophysicien) du nuagenuage à l'origine du Soleil. Les calculs montrent que cela s'est produit environ deux milliards d'années après le Big Bang. Du fait de leur masse, elles ont évolué très vite, de sorte qu'environ quatre millions d'années seulement après la naissance d'une étoile double, l'une s'est effondrée gravitationnellement en trou noir mais sans donner de supernovasupernova. Bien que controversé, ce processus pourrait être essentiel pour assurer le succès de la simulation. La seconde étoile fait de même probablement un million d'années plus tard.

    Le détail du scénario soutenu par les simulations est plus précisément le suivant. Avec une masse d'environ 100 fois celle du Soleil, contre environ 60 pour sa compagne, la première étoile se met à enfler, jusqu'à atteindre le lobe de Roche du système, de sorte que les forces de maréeforces de marée de la seconde lui arrachent de la matière. Moins massive, la première étoile s'effondre en trou noir. La seconde ayant vu sa masse augmenter, son évolution la fait se dilater à son tour jusqu'à ce que son enveloppe avale le premier trou noir. Tout ces processus s'accompagnent de pertes de masses sous forme de ventvent stellaire, si bien que lorsque la seconde devient à son tour un trou noir, la masse des deux objets compacts est plus faible que celle des deux étoiles initiales.

    La suite de l'histoire est plus calme, au moins durant presque 11 milliards d'années, avec l'émissionémission d'ondes gravitationnelles qui va lentement réduire la taille de l'orbiteorbite des deux corps jusqu'au bouquet final il y a environ 1,4 milliard d'années à l'origine de GW150914.

    L'essentiel du scénario n'est probablement pas dans sa réussite mais plutôt dans ce qu'il implique pour eLigo. Quand cet instrument atteindra sa pleine sensibilité, il devrait logiquement détecter environ mille fusions de trous noirs stellaires par an, ayant des masses comprises entre 20 et 80 fois celle du Soleil.