La découverte d'un disque de galaxies naines satellites autour d'Andromède posait déjà problème dans le cadre du modèle cosmologique basé sur l'existence de la matière noire. Une équipe internationale menée par des astronomes de l'Observatoire astronomique de Strasbourg (CNRS/Uuniversité de Strasbourg) pense avoir confirmé que ce phénomène est très répandu dans l'univers observable, rendant ce conflit encore plus aigu.

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    En janvier 2013, les membres de la collaboration Pandas (Pan-Andromeda Archaeological Survey) ont fait éclater une petite bombe dans le monde de la cosmologie en annonçant la découverte d'un disque de galaxies naines autour de la galaxie d'Andromède. L'astrophysicienastrophysicien Benoît Famaey avait expliqué à Futura-Sciences lors d'une interview pourquoi cette découverte en apparence anodine posait un sérieux problème dans le cadre du modèle cosmologique standard.

    Pour comprendre pourquoi, rappelons tout d'abord que les simulations numériquessimulations numériques de la formation et de l'évolution des populations de galaxies, basées sur l'existence de la matière noirematière noire et de l'énergie noire, comme par exemple la Simulation du Millénaire, reproduisent plutôt bien les observations. Elles rendent bien compte de l'existence des structures à grandes échelles de l'univers, à savoir des amas de galaxies et leur rassemblement pour former des filaments séparés par des vides cosmiques. Mais elles échouent en ce qui concerne la formation des galaxies nainesgalaxies naines entourant des grandes galaxies comme la Voie lactéeVoie lactée et Andromède.


    Les campagnes d'observations faites dans le cadre du SDSS (Sloan Digital Sky Survey) ont contribué à révolutionner la cosmologie en la faisant entrer dans une ère de précision. Cette vidéo montre comment les astronomes s'y prennent avec le SDSS pour cartographier la répartition en 3D des galaxies et des amas de galaxies dans l'univers observable. Pour obtenir une traduction en français parfois assez fidèle, cliquez sur le rectangle avec deux barres horizontales en bas à droite. Les sous-titres en anglais devraient alors apparaître, si ce n'est pas déjà le cas. En passant simplement la souris sur le rectangle, vous devriez voir l'expression « Traduire les sous-titres ». Cliquez pour faire apparaître le menu du choix de la langue, choisissez « français », puis cliquez sur « OK ». © American Museum of Natural History, YouTube

    Les galaxies naines et la matière noire froide

    Ces simulations prédisent en effet qu'il devrait exister un grand nombre de galaxies naines réparties de façon isotropeisotrope autour de ces objets. Dans le cas de la Voie lactée, on s'attendait à en trouver entre 100 et 600 alors qu'on n'en observe pour le moment que 24. De plus, l'astrophysicien Pavel Kroupa affirmait depuis des années avec quelques collègues que les galaxies naines de la Voie lactée semblaient se rassembler dans un disque. Mais comme le décompte exact de ces astresastres est difficile à grande distance et que l'on manquait de données pour la Voie lactée, les membres de Pandas s'étaient tournés vers Andromède, la grande galaxie la plus proche de nous dans le Groupe LocalGroupe Local, espérant éliminer les contradictions entre le modèle de la matière noire froide et les observations.

    À leur surprise, ils ont non seulement confirmé qu'il y avait seulement un petit nombre de galaxies naines en orbiteorbite autour d'Andromède mais qu'elles se rassemblaient dans un disque. La façon la plus simple d'expliquer la présence de ce disque est de considérer que les galaxies naines sont les restes des courants d'étoilesétoiles arrachées par des forces de maréeforces de marée à l'occasion d'une collision entre Andromède et une autre grande galaxie il y a des milliards d'années. Mais du coup, le conflit avec le modèle de la matière noire froide devient encore plus aigu puisque le petit nombre de galaxies naines observées proviennent non des grumeaux de matière noire mais d'une collision entre galaxies. Dernier argument pour enfoncer le clou : on ne devrait pas trouver de signes de la présence de matière noire dans ces naines, or ce n'est pas le cas.


    Dans cette vidéo, on voyage à travers la Simulation du Millénaire II. On croise des amas de matière noire 10.000 fois moins massifs que notre Galaxie avant de tourner autour d'un amas qui, lui, est 1.000 fois plus massif que notre Voie lactée et qui contient un important amas de galaxies. On compare ce genre de simulation aux observations du SDSS et on peut s'en servir pour effectuer des statistiques sur les grandes structures de l'univers et l'influence de divers paramètres sur leur formation. © nbody123456's channel, YouTube

    Avant d'envisager d'amender le modèle standardmodèle standard, par exemple en utilisant Mond au lieu de la matière noire pour expliquer les caractéristiques des galaxies, il fallait savoir si la Voie lactée et Andromède ne constituaient pas de simples anomaliesanomalies statistiques. On estimait déjà qu'il n'y avait qu'une chance sur deux cents que ce soit bien le cas pour la Voie lactée avant la découverte du disque autour de M31. Pour en avoir le cœur net, une équipe internationale de chercheurs, dirigée par des astronomesastronomes de l'Observatoire astronomique de Strasbourg (CNRS/Université de Strasbourg) parmi lesquels se trouve Benoît Famaey, a étudié de plus près des données fournies par le SDSS pour les galaxies de massemasse comparable à la Voie Lactée et possédant au moins deux satellites visibles. Elles concernent 380 galaxies situées entre 30 et 700 millions d'années-lumièreannées-lumière.

    Les galaxies naines satellites dans le SDSS

    Les chercheurs viennent de publier dans Nature un article où ils exposent les conclusions qu'ils tirent de ces observations. Ils ont trouvé presque à chaque fois au moins deux galaxies naines, les plus brillantes et qui ressemblent donc aux NuagesNuages de Magellan autour de la Voie lactée, apparemment bel et bien en orbite dans un disque autour des grandes galaxies. Statistiquement, cela voudrait même dire qu'à peu près la moitié des galaxies satellites de l'univers local devraient être situées dans des disques en rotation pour être en accord avec leurs observations.

    Avant cette découverte, les chercheurs avaient déjà fait une autre évaluation de la probabilité que les disques de galaxies naines autour de la Voie lactée et Andromède soient une simple anomalie statistique : « En fait, on est arrivé à calculer que la probabilité combinée de trouver des disques de satellites tels qu'observés autour de la Voie Lactée et d'Andromède était de 1 sur cent mille en étant conservateur. C'est très peu, mais ça reste possible dans un Univers comptant des milliards de galaxies » a expliqué à Futura-Sciences Benoît Famaey.

    L'astrophysicien Benoît Famaey est un spécialiste des galaxies et de Mond. Chercheur au CNRS, il travaille à l'observatoire de Strasbourg. © Pierre Maraval

    L'astrophysicien Benoît Famaey est un spécialiste des galaxies et de Mond. Chercheur au CNRS, il travaille à l'observatoire de Strasbourg. © Pierre Maraval

    Et le chercheur de préciser que : « Ici en outre, on montre que nos observations sont en désaccord avec une distribution isotrope à 99,994 %, donc on peut dire qu'en combinant avec la probabilité précédente, on est à une chance sur 1,5 milliard d'observer cela dans un univers bien décrit par des simulations effectuées dans le cadre du modèle standard comme celle du Millennium II que nous avons pris comme base pour notre travail. Cela ne veut pas immédiatement dire qu'il faut rejeter en bloc ce modèle, mais à tout le moins que ces simulations ne tiennent pas compte de quelque chose de vraiment fondamental qui nous échappe ».

    Dans une précédente interview, Benoît Famaey nous avait expliqué que dans le cas des galaxies naines autour de la Voie lactée, et semble-t-il dans le cas de celles autour d'Andromède, tout se passe comme si elles contenaient beaucoup de matière noire. En tant que naines de marée, elles ne devraient pas, mais on peut expliquer naturellement ces observations avec Mond, étant donné la très faible accélération gravitationnelle à l'intérieur de ces petites galaxies. Est-on confronté au même problème avec les nouvelles galaxies naines observées ?

    La galaxie spirale NGC 6946 permet de dresser la courbe de vitesse de rotation des étoiles en fonction de leur distance (en parsecs). La théorie Mond reproduit bien les observations alors que la théorie de Newton échoue. La matière noire n'est donc pas la seule explication plausible du comportement des étoiles dans les galaxies. © <em>Science</em>

    La galaxie spirale NGC 6946 permet de dresser la courbe de vitesse de rotation des étoiles en fonction de leur distance (en parsecs). La théorie Mond reproduit bien les observations alors que la théorie de Newton échoue. La matière noire n'est donc pas la seule explication plausible du comportement des étoiles dans les galaxies. © Science

    Sur ce point, l'astrophysicien nous a répondu que : « pour ce qui est du contenu en matière noire, par analogieanalogie avec les nuages de Magellan par exemple, on peut être à peu près sûr que ces galaxies en ont aussi en "dynamique newtonienne", mais on ne mesure pas leur "dynamique interne" directement. C'est prévu dans un futur proche avec des campagnes d'observations qui sont menées en mesurant la raie à 21 cm de l'hydrogènehydrogène neutre dans ces galaxies. Elles nous permettront aussi de comparer le sens de rotation des disques de satellites avec celui des disques stellaires des hôtes. Ce serait intéressant de savoir s'il y a corrélation ou non entre le sens de rotation du disque de satellites et du disque galactique parce que cela contraindrait les modèles de formation des galaxies naines, sans nécessairement imposer de forts à priori sur la réponse à ce stade ».