Voilà une découverte qui devrait intéresser les exobiologistes et les scientifiques qui retracent l’évolution de la vie pendant l’Archéen : deux archées très voisines sont capables de se développer en présence d’uranium. Mieux, l’une d'elles utilise ce métal, du moins un oxyde, pour en tirer de l'énergie et assurer un métabolisme autotrophe.

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    Une vue au microscope électronique d'une population de Metallosphaera sedula. Ces archées tirent leur énergie de l'oxyde d'uranium. ©Yukari Maezato, Paul Blum, University of Nebraska-Lincoln

    Une vue au microscope électronique d'une population de Metallosphaera sedula. Ces archées tirent leur énergie de l'oxyde d'uranium. ©Yukari Maezato, Paul Blum, University of Nebraska-Lincoln

    C'est en cherchant à savoir si des boîtes de conserve pouvaient être stérilisées à l'aide de rayons gamma en 1956 que l'on a fait la connaissance de Deinococcus radiodurans, une bactériebactérie polyextrêmophile et l'un des organismes les plus résistants aux radiations que l'on connaisse. Elle peut survivre à 5.000 fois la dose mortelle pour un Homme. On ne sait pas très bien pourquoi l'évolution a sélectionné des organismes aussi résistants mais ils nous montrent que la vie est capable de s'adapter à de nombreux environnements. Une information importante pour les exobiologistes, qui peut donner de l'espoir à ceux qui cherchent à déterminer si l'hypothèse de la panspermie a quelques fondements.

    Il y a des milliards d'années, la Terre était plus riche en uranium 235 radioactif et les volcansvolcans crachaient ce métal en plus grandes quantités, donnant lieu à la formation d'oxydes d'uranium comme l'uraninite. Voici quelque 2,4 milliards d'années, la quantité d'oxygène libérée par les premiers organismes photosynthétiques dans les océans a été suffisante pour réagir avec tout le fer en solution de l'océan mondial. Celui-ci a précipité et, à cette époque, les plages avaient la couleurcouleur de la rouillerouille. Les spécialistes en géosciences nomment cet événement la Grande OxydationGrande Oxydation (Great Oxygenation Event ou GOE en anglais), ou encore la crise de l’oxygène.

    La « Fangaia » est un lac de boue bouillonnante situé au fond du cratère de la célèbre Solfatare de Pouzzoles. La boue est constituée par des eaux d’origine pluviale et par l’eau de condensation des vapeurs, qui se mélangent avec un matériel de type argileux. On distingue parfois en surface des stries sombres qui sont des colonies de micro-organismes rares, acidothermophiles, nommés <em>Sulfolobus solfataricus</em>. Ces bactéries se développent de façon optimale à des températures d’environ 80 °C et dans un milieu acide de pH 2 à 3. © Mentnafunangann-Wikipedia

    La « Fangaia » est un lac de boue bouillonnante situé au fond du cratère de la célèbre Solfatare de Pouzzoles. La boue est constituée par des eaux d’origine pluviale et par l’eau de condensation des vapeurs, qui se mélangent avec un matériel de type argileux. On distingue parfois en surface des stries sombres qui sont des colonies de micro-organismes rares, acidothermophiles, nommés Sulfolobus solfataricus. Ces bactéries se développent de façon optimale à des températures d’environ 80 °C et dans un milieu acide de pH 2 à 3. © Mentnafunangann-Wikipedia

    Selon certains chercheurs, c'est aussi à ce moment-là que des gisementsgisements d'uranium auraient commencé à se former, donnant plus tard des réacteurs nucléaires naturels comme ceux découverts à Oklo au Gabon. C'est peut-être pour cela que des procaryotesprocaryotes, c'est-à-dire des bactéries (sans noyau ni organitesorganites) et des archées ou Archaea, ont appris à supporter des taux d'uranium toxique et de radiation ordinairement mortels.

    Metallosphaera sedula, l'archée qui mange de l'uranium

    Cette résistancerésistance à l'uranium a été étudiée récemment par des chercheurs de la North Carolina State University. Des découvertes surprenantes ont été faites avec deux archéesarchées extrêmophilesextrêmophilesMetallosphaera sedula et Metallosphaera prunae. Dans les deux cas, il s'agit d'acidothermophiles, c'est-à-dire des organismes qui ne se développent et ne se reproduisent que dans des environnements très acidesacides et à des températures dépassant les 50 °C. Ils sont bien connus pour vivre dans les sources chaudessources chaudes associées aux environnements volcaniques comme ceux du parc de Yellowstone ou la fameuse SolfatareSolfatare de Pouzzoles non loin du VésuveVésuve. De fait, c'est dans l'une des sources chaudes de la Solfatare (Pisciarelli) que l'on a découvert Metallosphaera sedula.


    Une vidéo montrant plusieurs des geysers, sources chaudes et mares de boues que l'on peut voir à Yellowstone. © jsj177/YouTube

    Metallosphaera prunae a été découverte dans une mine d'uranium de Thuringe en Allemagne. Elle partage avec Metallosphaera sedula 99,99 % de son génomegénome. Toutefois, elle est capable de supporter des niveaux d'octa-oxyde de tri-uranium (U3O8) et d'uranyl-acétate toxiques dans son environnement bien plus élevés que M. sedula. La façon dont elle le fait est remarquable. Elle est en effet capable de stopper ces processus cellulaires et d'entrer dans une sorte de comacoma lorsque le seuil de toxicitétoxicité est atteint.

    Dans le cas de M. sedula, la résistance est moins forte mais elle est peut-être plus spectaculaire. L'archée utilise U3O8 sous forme solidesolide pour l'oxyder en uranyl-acétate afin de produire son énergieénergie ! Loin de la lumièrelumière, c'est avec cette énergie que cette archée synthétise ses moléculesmolécules organiques. En 2006, Lisa Pratt avait débusqué au fond d'une mine en Afrique du Sud des bactéries dans un environnement riche en uranium. Résistantes à la radioactivitéradioactivité, elles tirent même profit des radiations qui génèrent de l'hydrogènehydrogène et des sulfates, lesquels leur servent de sources d'énergie. Mais avec ces archées, c'est la première fois que l'on découvre de la chimiolithoautotrophie directement basée sur l'uranium.