L'ESA vient de fêter les 20 ans des bons et loyaux services de XMM-Newton, un poids lourd des télescopes spatiaux observant le cosmos dans le domaine des rayons X. Il a fourni plusieurs découvertes sur les trous noirs et les étoiles à neutrons.


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    Il y a presque 70 ans, une  nouvelle fenêtrefenêtre d'observation pour l'astrophysique s'est ouverte, celle des rayons X. En effet, une fuséefusée V2 avait alors emporté un détecteur pour observer le rayonnement du Soleil dans cette bande de longueurs d'onde, une grande première pour l'époque. Les rayons X étant facilement stoppés par l'atmosphèreatmosphère (mais pas par le milieu interstellaire, des rayons X de longueurs d'onde inférieures à un nanomètre pouvant traverser de part en part la Voie lactéeVoie lactée), on savait que l'on ne pouvait pas observer sans sortir de l'atmosphère ce rayonnement prédit, théoriquement, à partir de la détermination de la température très élevée du plasma de la couronne solaire (106 K).

    Il faudra tout de même attendre l'année 1970 pour la mise en orbiteorbite d'un satellite conçu pour de l'astronomie X. Uhuru (« liberté » en swahili), nommé ainsi pour remercier le Kenya qui hébergeait dans ses eaux continentales la plateforme d'où a été lancé le satellite, marqua le début d'une révolution. Il permit la réalisation en quelques années de la première carte de la voûte céleste en rayons X et la découverte, ou l'étude plus précise, de plusieurs centaines de sources dont certaines sont devenues célèbres comme Centaurus X-3, le premier pulsarpulsar X découvert et Cygnus X-1, le premier candidat au titre de trous noirstrous noirs.

    <i>« L'enquête de XMM-Newton sur les étoiles à neutrons nous a montré qu'il y a beaucoup de mystères à explorer dans ce domaine », </i>confie l'astronome de l'ESA Robert Schartel. Ici,<i> </i>un enregistrement du pulsar NGC 5907 X-1. <i>© </i>ESA, XMM-Newton-Nasa, Chandra et SDSS
    « L'enquête de XMM-Newton sur les étoiles à neutrons nous a montré qu'il y a beaucoup de mystères à explorer dans ce domaine », confie l'astronome de l'ESA Robert Schartel. Ici, un enregistrement du pulsar NGC 5907 X-1. © ESA, XMM-Newton-Nasa, Chandra et SDSS

    D'autres instruments dans l'espace vont suivre comme le satellite EinsteinEinstein qui, de novembre 1978 à avril 1981, a livré les premières images des restes de supernovaesupernovae et découvert les émissionsémissions X des amas de galaxiesamas de galaxies ainsi que les jets de matièrematière de Centaurus A et M87. Depuis une vingtaine d'années, l'astronomie X s'est considérablement développée grâce à des télescopestélescopes comme le ChandraChandra de la NasaNasa et le XMM-NewtonXMM-Newton de l'ESAESA, de sorte que l'on connaît maintenant plusieurs centaines de milliers de sources X, dont de nombreuses en dehors de la Voie lactée.


    Une présentation de XMM Newton et des découvertes qu'il a rendues possible depuis 20 ans. Pour obtenir une traduction en français assez fidèle, cliquez sur le rectangle blanc en bas à droite. Les sous-titres en anglais devraient alors apparaître. Cliquez ensuite sur l'écrou à droite du rectangle, puis sur « Sous-titres » et enfin sur « Traduire automatiquement ». Choisissez « Français ». © Nasa's Goddard Space Flight Center

    Un télescope pour étudier trous noirs et amas galactiques

    Ce 10 décembre 2019 justement, l’ESA a fêté les 20 ans du lancement par la fusée Ariane 5 de XMM-Newton (XMM pour X-Rays multi Mirror Mission). C'est un poids lourd des observations des rayons X puisqu'il mesure 10 mètres de longueur, 16 mètres d'envergure pour 4 mètres de diamètre et pèse 3,8 tonnes environ. Parti pour l'espace depuis Kourou, il se trouve parfois à une distance de 114.000 kilomètres de notre Planète, à 7.000 kilomètres au plus près. Les caméras du satellite sont parmi les plus sensibles et ses miroirsmiroirs parmi les plus puissants jamais développés dans le monde pour les rayons X.

    Comme Futura l'expliquait il y a 10 ans, dans le précédent article ci-dessous, XMM-Newton a permis de faire des découvertes importantes concernant les astresastres compacts, c'est-à-dire les étoiles à neutronsétoiles à neutrons, qu'elles soient sous forme de pulsars ou de magnétarsmagnétars mais aussi et surtout les trous noirs, qu'ils soient stellaires ou supermassifs. Les trous noirs étudiés avec XMM-Newton ne rayonnent pas directement, mais la matière qui tombe vers leurs horizons des évènements oui, car elle est chauffée par des forces de frictionfriction dans les disques d'accrétiondisques d'accrétion qu'elle forme autour des trous noirs. Les températures peuvent alors devenir si élevées que la matière se met à émettre des rayons X.

    XMM-Newton a mesuré le champ magnétique d'une petite région de l'étoile à neutrons SGR 0418 + 5729, dont le champ magnétique est si intense qu'il est classé comme un « magnétar ». Ici une vue d'artiste de SGR 0418 + 5729. © ESA, ATG medialab
    XMM-Newton a mesuré le champ magnétique d'une petite région de l'étoile à neutrons SGR 0418 + 5729, dont le champ magnétique est si intense qu'il est classé comme un « magnétar ». Ici une vue d'artiste de SGR 0418 + 5729. © ESA, ATG medialab

    XMM-Newton a aussi permis d'étudier les amas de galaxies en retrouvant notamment les protons perdus du Big Bang, confirmant qu'ils se trouvaient bien dans le milieu intergalactique.

    La saga de l'astronomie X est loin d'être terminée. D'autres télescopes spatiaux sont ou vont entrés dans la danse. Il y a eu ainsi, tout récemment, le lancement le 13 juillet 2019 (par une fusée ProtonProton-M depuis le cosmodrome de BaïkonourBaïkonour) du HubbleHubble russe des rayons X, à savoir Spektr-RG (SRG), qui malgré sa dénomination précise « Spectrum-Roentgen-Gamma » n'étudiera pas le ciel gamma. D'ici les années 2030, il sera rejoint par Athena (Advanced Telescope for High ENergy Astrophysics), le successeur de XMM-Newton prévu par l'ESA.


    Une présentation de la mission Athena pour l'astronomie X. © Athena X-IFU

    Télescope spatial XMM-Newton : dix ans d'observations révolutionnaires

    Article de Rémy DecourtRémy Decourt publié le 09/01/2010

    Lancé en décembre 1999 par une fusée Ariane 5Ariane 5, XMM-Newton a révolutionné l'astronomie des rayons X, qui observe les objets stellaires à des longueurs d'onde de l'ordre de l'angström ou des énergiesénergies de l'ordre du kiloélectron-voltvolt (keV). Didier Barret, astronomeastronome et spécialiste des trous noirs, nous explique les étonnantes découvertes permises par cet instrument.

    Cet observatoire dédié à l'UniversUnivers extrême « n'a pas déçu les attentes des astronomes » comme nous l'explique Didier Barret, directeur de recherches au CNRS en poste au Centre d'Etude Spatiale des Rayonnements de Toulouse et rattaché à l'Université Paul Sabatier et l'Observatoire Midi-Pyrénées. Il a révélé un « Univers peuplé de source X qui sont certainement des noyaux de galaxies actives », autrement dit des trous noirs super massifs qui accrètent la matière environnante. La sensibilité et la surface collectrice de ses miroirs a permis de « détailler avec une précision inégalée tous les phénomènes associés aux sources X observées » et partant de là de mieux les comprendre. Il a permis l'observation de ces objets avec « beaucoup plus de détails par rapport à ce que l'on a pu faire avant et révolutionné notre vision de l'Univers de l'extrême ».

    On retiendra que XMM-Newton a ouvert une fenêtre sur l'Univers profond grâce à sa sensibilité exceptionnelle. « Cela nous a permis de voir des sources X beaucoup plus loin et beaucoup plus faibles. » Ce télescope a montré que l'on pouvait utiliser les rayons X produits à proximité des objets compacts pour comprendre la physiquephysique des champs gravitationnels extrêmes.

    Pour Didier Barret, XMM-Newton a révolutionné notre vision des objets galactiques. « Il a bouleversé ma vision des sources X galactiques en montrant qu'à partir de la seule émission X il est possible de comprendre vraiment la physique de ces objets » et de « remonter aux paramètres macroscopiques fondamentaux qui caractérisent les objets compacts (massemasse, rayon, moment angulairemoment angulaire) ».

    A quelle vitesse tournent les trous noirs ?

    XMM-Newton a fait progresser de nombreux thèmes de recherche dont celui des trous noirs. Voilà qui tombe bien pour Didier Barret, un des spécialistes de leur étude. Ce chercheur nous explique que l'on a aujourd'hui une meilleure connaissance de l'environnement proche des trous noirs.

    XMM-Newton permet une meilleure compréhension des processus d’accrétion de la matière par un objet compact comme un trou noir ou une étoile à neutrons (image : vue artistique d'un trou noir supermassif).
    XMM-Newton permet une meilleure compréhension des processus d’accrétion de la matière par un objet compact comme un trou noir ou une étoile à neutrons (image : vue artistique d'un trou noir supermassif).

    « J'aurais tendance à dire qu'on sait mieux appréhender la physique des parties internes des disques d'accrétion autour des trous noirs. C'est un des grands résultats de XMM-Newton qui a fait l'objet de nombreuses publications » et d'expliquer qu'en parvenant à modéliser les émissions X en provenance des trous noirs, « on a pu mesurer le moment angulaire de plusieurs trous noirs (stellaires ou supermassifs) et montrer que dans la plupart des cas celui-ci était proche de la valeur maximale ». Reste à comprendre comment on accélère la rotation des trous noirs...

    On doit à Didier Barret et à son équipe du CESR la découverte d'une source X qui est selon toute vraisemblance un trou noir de masse intermédiaire, entre les trous noirs de masse stellaire, de trois à vingt masses solaires qui se forment à la suite de l'effondrementeffondrement gravitationnel des étoiles massives, et les trous noirs super massifs, de plusieurs millions à plusieurs milliards de masses solaires qui se trouvent au centre des galaxies.

    Représentation artistique de la source X, nommée HLX-1. © Heidi Sagerud
    Représentation artistique de la source X, nommée HLX-1. © Heidi Sagerud

    Cette découverte que l'on peut considérer comme majeure « pourrait expliquer la formation des trous noirs super massifs ! » Leur formation est encore fortement débattue. L'une des hypothèses est que les trous noirs super massifs se forment par l'accrétion de trous noirs de masse intermédiaire (de 500 à 10.000 masses solaires). En découvrir un est donc un résultat très important car c'est « la preuve la plus solidesolide de l'existence de ce type d'objets dans l'Univers. »

    Les mystérieuses étoiles à neutrons

    Les étoiles à neutrons figurent parmi les objets les plus denses de l'univers. Elles concentrent une masse équivalente à celle du Soleil dans une sphère dont le diamètre est de l'ordre de 10 km. Seule leur masse les différencie des trous noirs. On pense que la masse maximale d'une étoile à neutrons est d'environ 3 fois la masse du Soleil. Au-delà de cette taille les étoiles ne sont pas stables.

    Sur cette question, « XMM-Newton a permis de contraindre l'état de la matièreétat de la matière qui compose le cœur de l'étoile à neutrons ». Une performance remarquable car, plus on se rapproche du cœur de l'étoile et moins on connaît de choses. « La matière se trouve dans des conditions de densité extrême, des densités supra nucléaires. » Pour y voir plus clair, les chercheurs ont besoin de mesurer la masse et le rayon de ces étoiles. En effet établir un rapport entre ces deux grandeurs permet de calculer sa densité. Avant le lancement de XMM-Newton, aucun instrument n'était capable de fournir les mesures nécessaires. Grâce à l'observatoire de l'Esa, « les astronomes ont pu mesurer, pour la première fois, le rapport entre la masse et le rayon d'une étoile à neutrons et obtenir ainsi une première série d'indications sur sa composition ».

    Parmi les autres résultats importants, on citera l'observation d'effets de la relativité généralerelativité générale, comme la distorsion de raies de fluorescence du ferfer. Pour Didier Barret, « l'observation d'effets relativistes à proximité des trous noirs avec une telle précision et un niveau de détail est une très bonne surprise » et d'ajouter « ça colle bien au modèle ».

    Pour conclure, partout où XMM-Newton a été utilisé à son maximum, « c'est-à-dire partout où sa sensibilité extrême était nécessaire », il a révolutionné la physique et l'astrophysique...

    L’après XMM-Newton

    « Les leçons de XMM-Newton montrent que pour franchir un palier », le télescope qui lui succédera devra avoir plus de sensibilité. Les scientifiques souhaitent une surface collectrice de photonsphotons à peu près 20 fois plus grande et une focalefocale également plus longue que celle de XMM-Newton qui est de 7,5 m de façon « à aller vers les hautes énergies vers les 40 KeV ».

    Avec IXO (International X-ray Observatory), le successeur de XMM-Newton, on s'attend à atteindre des objets situés à des redshifts (décalages vers le rougedécalages vers le rouge de la lumièrelumière qui nous en parvient) proches de 10. Typiquement, XMM-Newton limite ses observations à des redshifts de 1 à 2. Il devrait alors être possible de « voir les premiers trous noirs formés dans l'Univers », ce qui nous aidera à comprendre comment se forment les trous noirs de plusieurs milliards de masses solaires. Ce que l'on veut, « c'est mesurer la masse des trous noirs en constructionconstruction en fonction du décalage vers le rouge et trouver les premiers trous noirs primordiaux qui vont donner naissance aux galaxies que l'on observe aujourd'hui ».