Une équipe d'astronomes a utilisé le nouveau télescope Alma pour localiser avec précision plus d'une centaine de galaxies dites primordiales, qui, dans le jeune univers, produisaient activement des étoiles. En quelques heures à peine, Alma a capturé autant d'images de ces galaxies que l'ensemble des télescopes semblables répartis sur la surface terrestre en plus de dix ans.

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    Dans l'univers jeune, les sursauts les plus fertiles en naissances d'étoiles se sont produits au sein de galaxies distantes constituées d'une forte proportion de poussière cosmique. L'étude de ces galaxies constitue une étape clé dans notre compréhension de la formation et de l'évolution galactiques au cours de l'histoire de l'univers, mais la poussière les obscurcit, et les rend alors difficiles à identifier au moyen de télescopes opérant dans le domaine visible.

    Pour les repérer, les astronomesastronomes doivent utiliser des télescopes opérant à des longueurs d'ondelongueurs d'onde plus grandes, voisines du millimètre, tel Alma (Atacama Large Millimeter/submillimeter Array). « Les astronomes ont attendu des données semblables à celles-ci pendant plus d'une décennie. Alma est si puissant qu'il a révolutionné la manière d'observer ces galaxies. Pourtant, le télescope était encore en phase d'achèvement à l'époque des observations », précise Jacqueline Hodge (institut Max Planck pour l'astronomie, Allemagne), auteur principal de l'article présentant les images d'Alma.

    La meilleure carte de ces galaxies poussiéreuses et distantes dont nous disposions jusqu'à présent avait été dressée à l'aide de l'instrument Apex, piloté par l'ESO. Ce dernier avait exploré une portion du ciel de dimension équivalente à celle de la Pleine Lune, et détecté 126 galaxies de ce type. Mais sur les images fournies par le télescope ApexApex, chaque sursaut de formation d'étoiles apparaissait sous l'aspect d'une tache relativement floue. Apex n'est équipé que d'une seule antenne parabolique de 12 mètres de diamètre, tandis que des télescopes comme Alma utilisent plusieurs antennes dont les signaux sont recombinés, de sorte que le signal émis semble provenir d'un seul et unique télescope géant, aussi étendu que l'ensemble du réseau d'antennes.

    C'est vers la très discrète constellation du Fourneau, dans l'hémisphère austral, que le radiotélescope Alma a tourné ses antennes pour localiser (dans le petit cercle rouge) près d'une centaine de galaxies de l'univers jeune, caractérisées par les taux les plus élevés de formation d'étoiles. © ESO, IAU, <em>Sky and Telescope</em>

    C'est vers la très discrète constellation du Fourneau, dans l'hémisphère austral, que le radiotélescope Alma a tourné ses antennes pour localiser (dans le petit cercle rouge) près d'une centaine de galaxies de l'univers jeune, caractérisées par les taux les plus élevés de formation d'étoiles. © ESO, IAU, Sky and Telescope

    Avec Alma, les taches floues deviennent des galaxies

    Pour observer les galaxies figurant sur la carte dressée par Apex, l'équipe a utilisé Alma durant sa première phase d'observations scientifiques, alors que le télescope était encore en constructionconstruction. En utilisant moins du quart du réseau total de 66 antennes, distantes de 125 mètres tout au plus, deux minutes seulement ont suffi au télescope pour localiser chacune des galaxies. Et ce dans une région 200 fois moins étendue que celle dont Apex a livré des taches diffuses, et avec une sensibilité trois fois meilleure. Alma est doté d'une résolutionrésolution tellement supérieure à celle des autres télescopes du même type, qu'en l'espace de quelques heures, il a doublé le nombre total d'observations effectuées par le passé.

    Ces observations ont permis à l'équipe, non seulement d'identifier sans la moindre ambiguïté les galaxies abritant des régions d'intense formation d'étoiles, mais également, dans la moitié des cas, de détecter la présence de plusieurs galaxies riches en formation d'étoiles en lieu et place de chaque tache diffuse renvoyée par les observations antérieures. La résolution élevée d'Alma leur a permis de distinguer les galaxies les unes des autres.

    « Auparavant, nous pensions que les plus brillantes de ces galaxies affichaient un taux de formation stellaire mille fois plus élevé que celui caractérisant notre propre galaxie, la Voie lactée, ce qui les exposait au risque d'exploser, explique Alexander Karim (université de Durham, Royaume-Uni), membre de l'équipe et auteur principal d'un article annexe sur ce travail. Les images d'Alma ont révélé l'existence de nombreuses galaxies de dimensions plus faibles, au sein desquelles les étoiles se forment à des taux plus raisonnables. »

    Un télescope pour mieux connaître les galaxies poussiéreuses

    Les résultats constituent le premier catalogue statistiquement fiable de galaxies poussiéreuses et formant des étoiles dans l'univers jeune. Ils offrent de solidessolides bases à toute investigation future sur les propriétés de ces galaxies à différentes longueurs d'onde, dénuées de tout risque de mauvaise interprétation résultant de l'impossibilité de discerner les galaxies entre elles.

    En dépit de la netteté des observations d'Alma et de sa sensibilité inégalée, les télescopes tels qu'Apex ont encore un rôle à jouer. « Apex peut couvrir une large zone du ciel plus rapidement qu'Alma, et à ce titre, il constitue un outil idéal pour découvrir ce type de galaxies. Dès que nous savons où regarder, nous pouvons utiliser Alma pour les localiser précisément », conclut Ian Smail (université de Durham, Royaume-Uni), coauteur du nouvel article.