Avec une pose de seulement une minute, l'instrument infrarouge Gemini Planet Imager (GPI) est capable d'imager une exoplanète. Installé sur le télescope Gemini Sud, au Chili, il a nécessité plus de dix ans de développement et vient de voir sa première lumière. Avec lui vont se multiplier les images directes d'exoplanètes et de disques de débris. La preuve avec l'observation de Beta Pictoris b et HR 4796 A.

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    Le miroir du télescope de 8,1 m de diamètre du télescope Gemini sud, au Chili, n'est pas recouvert d'aluminium, comme c'est le cas des autres grands télescopes dans le monde (si l'on excepte le télescope Gemini nord à Hawaï) mais d'argent. Les photons qu'il collecte finissent par pénétrer dans l'instrument GPI (Gemini Planet Imager) équipant ce télescope.

    Avec GPI, qui contient notamment un miroir que déforment 4.000 actionneurs 1.000 fois par seconde avec une précision meilleure qu'un nanomètrenanomètre, le télescope peut former dans l'infrarougeinfrarouge des images d'exoplanètes un à dix millions de fois moins lumineuses que leurs étoilesétoiles hôtes.


    En prenant la première photo d'un système exoplanétaire en 2008, les astronomes québécois René Doyon, David Lafrenière et Christian Marois ont accompli un exploit dont l'écho a fait le tour du monde. Des milliers de chercheurs le tentaient depuis plusieurs années. Le projet multiplateforme francophone sur la cosmologie contemporaine, Du Big Bang au Vivant, parle aussi de la découverte des exoplanètes réalisée par ces chercheurs. L’instrument GPI (Gemini Planet Imager) leur permet de porter leurs travaux à de nouvelles hauteurs aujourd'hui. © Radio Canada, YouTube

    Véritable Rolls-Royce de l'optique adaptative, le GPI était en développement depuis une décennie, et il a finalement vu sa première lumièrelumière (comme disent les astronomesastronomes) en novembre 2013. Il devrait imager directement des exoplanètesexoplanètes géantes à des distances comprises entre 5 et 30 unités astronomiquesunités astronomiques, notamment de jeunes planètes contenant encore beaucoup de chaleurchaleur issue de leur formation.

    GPI permet aussi d'étudier la composition chimique de leur atmosphère par spectroscopie. Les disques de débris laissés par la naissance des systèmes planétaires sont également au programme, lequel prévoit l'observation de 600 étoiles proches du SoleilSoleil dans les années qui viennent.

    Cette image prise dans l'infrarouge a nécessité une exposition de seulement 900 secondes. Elle montre l'exoplanète Beta Pictoris b, une géante gazeuse de plusieurs fois la masse de Jupiter et dont l'âge est estimé à environ 10 millions d'années. L'instrument GPI obtient en outre des spectres pour chaque pixel de l'image, permettant aux scientifiques d'étudier la planète dans ses moindres détails. L'étoile brillante Beta Pictoris, le soleil de la planète géante, est cachée grâce à un masque au centre de l'image. Quelques artefacts de lumière diffuse (ou tavelures) sont visibles autour de l'étoile masquée (traitement d'image par Christian Marois, NRC Canada). © Université de Montréal

    Cette image prise dans l'infrarouge a nécessité une exposition de seulement 900 secondes. Elle montre l'exoplanète Beta Pictoris b, une géante gazeuse de plusieurs fois la masse de Jupiter et dont l'âge est estimé à environ 10 millions d'années. L'instrument GPI obtient en outre des spectres pour chaque pixel de l'image, permettant aux scientifiques d'étudier la planète dans ses moindres détails. L'étoile brillante Beta Pictoris, le soleil de la planète géante, est cachée grâce à un masque au centre de l'image. Quelques artefacts de lumière diffuse (ou tavelures) sont visibles autour de l'étoile masquée (traitement d'image par Christian Marois, NRC Canada). © Université de Montréal

    Images d'exoplanètes en une minute au lieu de plusieurs heures

    Les astronomes sont enthousiastes. Ils ont testé leur machine avec l'exoplanète bien connue Beta Pictoris b et le disque de débris déjà observé autour de l'étoile HR 4796 A. Selon Bruce MacintoshMacintosh, du Lawrence Livermore National Laboratory en Californie, qui a dirigé l'équipe ayant construit l'instrument, « les premières images captées par GPI sont meilleures d'un facteur dix par rapport aux générations d'instruments précédentes. Mais ce qui est remarquable, c'est qu'en l'espace d'à peine une minute, nous sommes maintenant capables de voir ces planètes, alors qu'auparavant, il nous fallait des heures ».

    René Doyon, l'un des membres de l'équipe d'astronomes qui avait obtenu la toute première image d'un système planétaire en 2008, HR 8799, et que l'on retrouve sans surprise dans le programme de développement du GPI, ne cache pas sa satisfaction. « Les premières images de GPI sont tout simplement splendides ! Nous attendions ce moment depuis tellement longtemps. » Son collègue Christian Marois, qui était aussi impliqué avec David Lafrenière dans les observations de HR 8799 au moyen des télescopes Gemini et KeckKeck au sommet du Mauna Kea, à Hawaï, n'est pas en reste. « GPI est une révolution dans le monde instrumental. Nous avons clairement démontré sa capacité à détecter des exoplanètes en un temps record ! »

    L'exploration du monde des exoplanètes n'en est encore qu'à ses débuts. D'autres instruments sont en préparation, et si un jour l'équivalent de la défunte mission Darwin voit le jour, on pourra peut-être détecter des biosignatures sur quelques-unes des planètes qu'aura déjà imagées GPI en y révélant déjà, peut-être, des indices de l'existence de continents et d'océans sur une exoterre.