Pour la deuxième fois, Thales Alenia Space a sauvé un de ses satellites depuis une mauvaise orbite. Un bel exploit que nous explique Pierre Guillermin, directeur ingénierie systèmes satellite, charge utile et opérations chez ce constructeur de satellites.

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    Le 8 décembre 2012, le lanceur Proton a raté sa mission et mis le satellite de télécommunications Yamal-402 sur une mauvaise orbite, en raison d'une anomalieanomalie lors du quatrième rallumage de l'étage supérieur Breeze-M. Résultat : l'étage a poussé moins longtemps que prévu, et le satellite a été séparé sur une orbite trop basse, avec un périgée à 3.101 km de la Terre au lieu de 7.470 km et une inclinaison de 26° au lieu des 9° prévus.

    Construit par Thales Alenia Space (TAS) pour le compte de Gazprom Space Systems, filiale espace et télécommunications du géant gazier russe, Yamal-402 a néanmoins être sauvé.

    Pierre Guillermin, le responsable des opérations de sauvetage, nous explique comment TAS, depuis Cannes, a réussi à effectuer « en temps réel un sauvetage optimisé à partir d'une mauvaise orbite de transfert générée par le lanceur ». Au moment où le propriétaire a donné son feu vert pour le sauvetage, « il n'y avait aucune garantie de succès, et toutes les décisions ont été prises dans des délais très courts ».

    Le centre de contrôle de Thales Alenia Space, dans les locaux de son site cannois. © Thales Alenia Space

    Le centre de contrôle de Thales Alenia Space, dans les locaux de son site cannois. © Thales Alenia Space

    Suffisamment de carburant pour qu’Yamal-402 soit rentable

    Lorsque TAS, « quelques heures après le lancement », a reçu la confirmation que le satellite n'était pas sur la bonne orbite, la première réaction a été de « savoir si nous pouvions rattraper l'écart de périgée et monter Yamal-402 sur l'orbite géostationnaireorbite géostationnaire en corrigeant son inclinaison ».

    En même temps, « on a déterminé la quantité de carburant que l'opération allait nécessiter, car c'est une donnée importante pour la duréedurée de vie du satellite ». Dès la mesure connue, « on a eu la certitude que si l'on parvenait à le mettre à poste, Yamal-402 pourrait fonctionner suffisamment longtemps pour être économiquement rentable ». C'est en quelque sorte un feu vert pour le sauvetage. Plus tard, on apprendra que le satellite devrait « fonctionner au moins 11,4 ans, au lieu des 15 ans prévus dans le contrat ».

    Ensuite, « un scénario de remontée en mode dégradé avec poussée du moteur principal du satellite est échafaudé ». Une fois ce scénario figé, « la marge d'erreur est proche de zéro ».

    Remontée en spirale pour le satellite Yamal-402

    Pour parvenir à remonter le satellite, « nous avons calculé que trois poussées à l'apogéeapogée étaient nécessaires ». La première intervient le 9 décembre, vers 20 h 00 TU, au troisième apogée de Yamal-402. Elle a « permis de corriger l'inclinaison, amenant le satellite de 26° à 14° ». La seconde poussée a lieu au cinquième apogée. Elle est réalisée le 10 décembre aux alentours de 22 h 30 TU et permet de ramener l'inclinaison du satellite à 6°.

    « À chaque poussée du moteur, l'altitude du périgée augmentait. » La troisième poussée, réalisée au septième apogée le 12 décembre vers 8 h 30 TU, a ramené l'inclinaison du satellite de 6° à 2°. Une dernière manœuvre est réalisée le 14 décembre vers 22 h 00 TU et corrige l'inclinaison de Yamal-402 de 2° à 0°. À ce moment, le satellite était quasiment à l'orbite géostationnaire à une longitudelongitude de 45° E. Enfin, trois manœuvres, réalisées les 16, 17 et 18 décembre, « ont affiné la position du satellite sur son orbite définitive à 54,9° E ».

    Le 8 janvier 2013, Yamal-402, a « passé avec succès la revue finale d'acceptation en orbite », signe que ni les servitudes ni la charge utile n'avaient souffert de cette remontée dégradée. Mieux encore, le satellite n'est pas resté exposé aux ceintures de Van Allen « plus de temps que ce qui était prévu, et il a rejoint sa position définitive deux jours plus tard que s'il avait été mis en orbite correctement ». Pour Pierre Guillermin, ce deuxième sauvetage, après celui de Palapa-D en 2010, montre que « nous avons acquis une certaine expérience et que nous maîtrisons très bien nos compétences et le design de nos satellites. C'est un réel atout commercial. »